Les vastes ressources en eau du Tibet sont un des intérêts majeurs de la présence chinoise sur ce haut plateau, berceau des plus grands fleuves d’Asie, estiment des experts.

« Le Tibet est un territoire stratégique. Son contrôle donne à la Chine la main-mise sur ses vastes ressources en minéraux et en eau », explique Brahma Chellaney, du Centre for Policy Research de New Delhi.
« Avec le réchauffement climatique qui aggrave les problèmes d’eau en Asie, le contrôle du Tibet permet à la Chine de façonner l’eau en une arme politique », ajoute ce spécialiste des relations internationales.
Les plans d’eau de la seule région du Tibet, sous administration chinoise depuis 1951, représentent le tiers de la superficie lacustre totale du pays.
C’est aussi sur le plateau que naissent les principaux fleuves d’Asie: Indus, Mekong, Yangzi, Fleuve Jaune, Salween, Brahmapoutre, Sutlej…
Parmi les grands fleuves régionaux, seuls le Gange prend sa source sur le versant indien de l’Himalaya.
Avec le Tibet, la Chine domine l’amont et peut se permettre de gigantesques projets hydroélectriques, indispensables à son développement économique, en aval, notamment au Yunnan.
Accablée par ses problèmes de pollution dus à deux décennies de croissance ultra-rapide, la Chine a pour objectif que 15% de sa consommation d’énergie en 2020 provienne de sources renouvelables, le double de 2005.
L’accent est donc mis sur l’hydraulique, avec une capacité installée prévue de 300 millions de kilowatts à cette date.
Pourtant, les autorités chinoises sont singulièrement silencieuses sur leurs projets, leur impact possible sur l’environnement et les pays voisins – Thaïlande, Cambodge, Vietnam, Inde.
« Il y a un manque de transparence. Témoins: les différents barrages construits en secret sans permis », regrette Patricia Adams de l’organisation non gouvernementale canadienne Probe International.
Côté chinois, on minimise: « Pour ce qui est de la Lanchang (Mékong), les médias indiens disent que les barrages vont faire baisser le niveau d’eau dans leur partie du fleuve. Mais selon nos études, l’impact ne sera que sur une courte période, et en été le barrage contrôle les flux, ce qui est bon pour l’irrigation », dit Feng Yan, un universitaire du Yunnan.
Mais « les généreuses réserves du plateau tibétain » et les barrages ne sont pas qu’une source de « houille bleue » pour la Chine: « ils lui permettent aussi de dévier des rivières, notamment à des fins d’irrigation », dit Brahma Chellaney.
L’un de ces projets dans les cartons chinois inquiète particulièrement Tibétains, Indiens et défenseurs de l’environnement: il consisterait à capter les eaux de rivières tibétaines et ériger des barrages sur le Yarlung Tsangpo (Brahmapoutre), pour acheminer la ressource vers le Fleuve Jaune, exsangue, surpollué, et ne suffisant plus à la Chine du nord asséchée.
Dans un rapport récent, le gouvernement tibétain en exil estime que ce projet titanesque, vraisemblablement hors de prix, serait « d’une magnitude comparable à la Grande muraille construite au prix de centaines de milliers de vie humaines (…) même si ses partisans affirment que seules 25.000 personnes devraient être déplacées ».
« Il est possible que le programme de 100 milliards de yuans (10 milliards d’euros) annoncé en mars 2007 pour le Tibet comprenne des préparatifs pour cette +Grande route de l’Ouest+ de transfert de l’eau », ajoute-t-il.