Les retards systématiques des vols chinois suscitent de plus en plus l’exaspération des usagers. Les autorités se sont officiellement saisies du dossier, mais les retards persistent.

La ponctualité des vols est un sujet récurrent depuis quelques jours dans les médias chinois. Les autorités ont multiplié les annonces, et le vice premier ministre Zhang Dejiang en a fait vendredi une priorité de travail pour toute la durée du 12ème plan quinquennal (2011 – 2015).
Les retards ne sont pas un fait nouveau en Chine, mais ils sont devenus la norme. Citée par le China Daily, une étude de l’Administration Chinoise de l’Aviation Civile révèle que les vols intérieurs ont eu en moyenne une heure de retard en 2010, avec des vols régulièrement décalés de plus de 4h.
Retards « normaux »
Ces troubles du trafic aérien sont désormais intégrés dans le fonctionnement des aéroports et dans l’esprit des usagers.
Serge, un Français habitué de la ligne Pékin – Hong Kong explique que « les passagers savent que leur avion partira en retard. Ils ne trouvent pas ça normal, mais c’est tellement fréquent qu’ils finissent par en tenir compte dans leur emploi du temps».

Il ajoute que « les compagnies l’ont aussi intégré : souvent les horaires de vol incluent le retard normal. »
Et quand les imprévus s’ajoutent à ces troubles désormais « normaux », mieux vaut s’armer de patience. Le 16 juin, dans la province du Hunan, alors touchée par de fortes pluies, des passagers sont restés 22h enfermés dans l’avion, avant d’enfin quitter le tarmac.
L’équipage, conscient que l’autorisation de décollage se ferait attendre, était allé patienter à l’hôtel. Car ce n’est un secret pour personne : les tours de contrôle chinoises sont débordées. Incapables de réguler à l’avance le flux d’appareils à décoller, elles dressent des listes d’attente en temps réel, en y intégrant seulement les avions « prêts au départ ».
Ces listes peuvent atteindre plusieurs dizaines d’avions aux heures de pointe, et pour s’y placer rapidement, les compagnies ferment les portes de leur avion le plus tôt possible. Les passagers embarquent donc à l’heure et patientent dans l’avion, plutôt que dans les spacieuses salles d’attente.
Mainmise de l’armée sur le ciel chinois
Difficile de trouver les fautifs de cette désorganisation. L’étude de l’Administration de l’Aviation Civile, pointe la responsabilité des transporteurs, dans plus de 42% des cas, et des services de contrôle aérien, responsables de 26% des retards.
Autre son de cloche chez les contrôleurs de l’air : le problème serait plus profond, et relèverait d’une gestion inadaptée de l’espace aérien.
Le Global Times a recueilli le témoignage anonyme d’un employé du centre de contrôle de l’aéroport international de Shanghai-Pudong : « Seulement 20% de l’espace est ouvert aux vols commerciaux, un espace trop restreint pour contenir le trafic aérien, en forte augmentation ces dernières années »
Cette répartition est fixée par l’Armée de l’Air chinoise, qui s’octroie un quasi-monopole du ciel. Si officiellement seulement 23% de l’espace aérien est dédié aux activités militaires, en fait, les civils sont exclus de 80 % de ces 10 millions de km², comme l’expliquait déjà en 2008 un spécialiste du trafic aérien à l’AFP.
Du fait de cette place réduite faite aux vols civils, de plus en plus d’axes de circulation souffrent de saturation. A Pékin, Shanghai, Canton, mais aussi dans les villes de second rang comme Dalian, Chengdu ou Xiamen, le retard est devenu la règle dans les aéroports chinois.
Épais brouillard sur les autorisations de décollage
De lors côté, les compagnies se limitent à des excuses à répétition, évoquant quotidiennement des intempéries ou des pannes techniques. Air China, contacté par téléphone, reconnaît tout de même que les directives administratives causent « parfois » des perturbations.
Si l’espace aérien réduit rend la régulation du trafic difficile pour les contrôleur, elle devient impossible face aux ordres ponctuels des autorités.
Ainsi, l’Administration de l’Aviation Civile peut soudainement imposer des restriction aux contrôleurs aériens: d’une dizaine de minutes d’interruption sur une piste à l’interdiction de décollage pour certaines destinations.
Difficile d’en savoir plus sur les raisons de ces décisions qui contribuent à perturber un trafic qui fonctionne déjà à flux tendu, mais dans les couloirs des aéroports, c’est le déplacement des officiels qui est pointé du doigt.
Ainsi, quand une éminence locale se déplace, souvent en avion privé, il peut jouer de ses relations pour faire se faire libérer des créneaux de décollage et d’atterrissage. Certains obtiendraient même parfois des fermeture de piste de plusieurs minutes avant et après leur passage « pour raison de sécurité ».
Le blues des businessman
L’opacité est donc le maître mot : l’avion est retardé, un point c’est tout. Difficile de comprendre comment les usagers chinois restent sereins face aux problème.
Nicolas Berbigier, cofondateur du site de voyage Travel-stone.com explique : « Nous avons assez peu de plaintes de voyageurs chinois. Ils sont par contre de plus en plus exigeants concernant la qualité du séjour. Et il y a tellement de progrès à faire sur ce point en Chine, que je ne pense pas que les retards des avions deviennent un vrai sujet de grogne de si tôt ».
Les vacanciers chinois restent certes « zen » face aux problèmes, mais si le gouvernement central s’est saisi du dossier, c’est que les retards agacent au plus haut niveau.
Les hommes d’affaire qui se déplacent quotidiennement sur les grands axes aériens ont les relations et les arguments économiques pour interpeller les autorités sur ces problèmes.
Résultat, l’armée s’est pour la première fois engagée à des mesures favorables aux trafic commercial : ouverture d’aéroports militaires aux civils, libération de couloirs aériens, réduction des intervalles entre les avions…
Des annonces dont on ne peut qu’attendre les effets pratiques.
En novembre dernier, l’association des Transporteurs Aériens chinois a émis une notice demandant aux compagnies d’indemniser les victimes de retards. Sauf que ce document n’a qu’une valeur de conseil, et, hors cas extrêmes, il est très rares d’obtenir remboursement, y compris quand un retard oblige les clients à passer une nuit à l’hôtel.
Ce sera peut être une des raisons du succès de la nouvelle ligne de train Pékin-Shanghai, qui ouvrira le 1er juillet. Avec un prix comparable à ceux des compagnies aériennes, elle reliera les deux villes en moins de 5h, un temps garanti sans retard.
A lire aussi : La Chine prête à lancer le TGV Pékin-Shanghai
Lire aussi sur le site du Monde : « La Chine a une ambition légitime de se doter de sa propre industrie aéronautique »
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Ah oui, on comprend mieux… Mais ça ne règle rien au fait qu’il est assez rare (selon mon expérience) qu’un avion respecte les horaires ici….! Franchement quand ça arrive c’est un coup de bol!
Je ne vois pas comment en tant que passager on peut intégrer le retard dans son emploi du temps. On est jamais à l’abri d’un avion qui partirait à l’heure !
La raison principale des retards n’est elle pas tout simplement que les lignes sont surchargées ? Je pense que les compagnies aériennes maximisent leur profit en mettant un maximum de vols par jour sur une ligne, quitte à faire partir les avions en retard. Plutôt que de mettre moins de vols qui partiraient à l’heure.
A noter que certaines compagnies sont plus en retard que d’autres (d’après mon expérience Air China est plus ponctuelle que Eastern).
Air China est prioritaire sur les autres compagnies! Les avions partent aussi fonction de l’importance de la compagnie, parait-il.
Encore une fois plaisir a vous lire, ca devient une habitude 😉
majunhao (francais en chine depuis 1999)
Excellent article!
Concernant les compagnies aeriennes, je suis malheureusement amene le plus souvent a voler sur China Southern qui a d’apres moi les pires retards et le service le plus minable de Chine. Absolument infernal, que ce soit le personnel au sol ou en vol. Mais leurs avions sont toujours pleins donc j’imagine que ce n’est pas pret de changer…
Question pratique, est il possible d’obtenir des remboursements dans ces cas là ? J’ai souvent subi des retards très important (une fois bloqué 5h dans l’appareil avant le décollage) mais je n’ai jamais essayé de demander un remboursement à qui que ce soit…
mon blog sur mon aventure en Chine http://blog.imandarin.fr