Suite aux grèves survenues dans les usines de grandes marques japonaises, l’atelier du monde a perdu de sa superbe aux yeux des compagnies nippones. De quoi réjouir son voisin, le Vietnam, qui connait un regain de popularité auprès de celles-ci.
Les fer de lance de l’industrie japonaise ont connu bien des remous en Chine ces dernières semaines.
Les grèves à répétition survenues dans des usines Honda et Toyota du Sud et de l’Est du pays ont échaudé les esprits et, à n’en pas douter, nourri les doutes au sujet de la concentration de leur production en Chine, au profit d’un autre pays : le Vietnam.
Depuis deux mois, le parc industriel numéro 2 de Thang Long (TLIP2), situé à 80 kilomètres à l’Est de Hanoi, la capitale, et opéré par la Sumitomo, une importante entreprise japonaise, connait en effet un regain de popularité auprès des grandes compagnies japonaises, rapporte le quotidien nippon Asahi.
Le Made in China a du plomb dans l’aile. Après un débrayage, une usine de Honda à Zhongshan a proposé une hausse de 24% à ses employés début juin. Même chose pour le management d’une usine travaillant pour Toyota à Tianjin qui a dû accepter de renégocier les salaires.
Une aubaine pour le TLIP2 dont l’activité avait plongé au plus bas pendant la crise.
« Les demandes ont augmenté de manière soudaine ces deux derniers mois. Quatre entreprises ont conclu des contrats pour installer leur usines ici, et trois autres vont suivre en juillet », détaille Hiroyoshi Masuaka, directeur général du parc industriel.
Les grèves en Chine et les hausses de salaires consécutives ne sont pas les seules explications.
« L’appréciation du yuan étant devenue une réalité, le nombre de compagnies japonaises tournées vers l’export qui déménagent leurs usines au Vietnam va augmenter », prédit Hiroyoshi.
A cela, vient s’ajouter la persistance en Chine d’un fort sentiment anti-japonais qui puise ses racines dans l’histoire entre les deux pays et les aléas de la législation chinoise.
Exemple avec le fabricant de pièces d’avion Nikkiso, obligé de déplacer son usine à Shanghai en raison d’exigences issues du planning urbain et qui a rencontré des problèmes pour conclure une joint-venture en Chine. Lasse, l’entreprise a inauguré en janvier une usine de fabrication dans le parc industriel de Thang Long en janvier dernier.
« Il n’y a pas ce genre de risques au Vietnam », témoigne son président dans les colonnes d’Asahi.
Selon l’Organisation nippone du commerce extérieur, les investissements directs japonais au Vietnam qui étaient de 140 millions de dollars en 2009 ont déjà atteint 1,1 milliard de dollars sur les cinq premiers mois de cette année.
L’atelier du monde a encore de beaux jours devant lui
Largement médiatisée à l’étranger, la série de grèves survenue ces dernières semaines dans plusieurs filiales étrangères implantées en Chine est venue poser la question de l’éventuelle perte de prestige de l’atelier du monde aux yeux des entreprises étrangères et du risque de voir celles-ci opter pour des pays plus attractifs en terme de coûts de main d’oeuvre, comme le Vietnam.
Un jugement qui s’avère toutefois bien trop hâtif. « Les situations vont beaucoup varier selon les secteurs d’activité et même au sein des secteurs. Tout dépend de la part que représente le coût du travail dans le coût de production total », explique Jean-François Huchet, directeur du Centre d’études français sur la Chine contemporaine à Hong Kong. L’impact de la hausse des coûts du travail sera certainement bien plus évident pour des secteurs comme le textile que pour le secteur de l’équipement automobile par exemple.
A cela, vient s’ajouter un aspect sur lequel le pays conserve une longueur d’avance : la présence de districts industriels. « A travers ces agglomérations, la Chine propose une offre intégrée en matière industrielle. On trouve toute l’expertise industrielle », poursuit le chercheur.
Enfin, autre argument qui peut freiner les délocalisations vers les autres pays, « les producteurs ne sont plus seulement tournés vers les réexportations mais ils cultivent désormais un intérêt pour le marché intérieur ».
Bien que les pays d’Asie du Sud-Est gagnent en pouvoir d’attraction, il faudra attendre encore de longues années avant de voir les entreprises étrangères déserter le Sud de la Chine manufacturier. Les chamboulements dans l’atelier du monde représentent plutôt un défi pour les firmes étrangères, les poussant à faire évoluer leur modèle de gestion pour compenser la hausse des coûts du travail par une hausse de leur productivité, conclut le chercheur.
Retrouvez le dossier d’ Arte Journal sur les grèves dans les usines chinoises en collaboration avec Aujourd’hui la Chine