Dans le pays de la quantité, certains domaines viticoles produisent peu mais bien. Voire très bien, à en croire leurs récentes victoires dans de prestigieuses compétitions internationales.

Vue de France, la question du vin en Chine se résume souvent à une bataille pour un marché en pleine explosion. Admiration pour le Bordeaux, conquête de marché diverses, la compétition est particulièrement médiatisée puisque, on ne le sait que trop, les vins français s’en sortent bien.
Moins de bruit, en revanche, autour de la production viticole en terre chinoise. Il faut reconnaître qu’elle brille plus par sa quantité que par sa qualité : 80% des bouteilles vendues dans le pays sont estampillées « Made in China », mais s’adressent en grande majorité aux palais les moins exigeants, et aux portefeuilles les moins remplis. A priori, donc, pas de risque de concurrence avec les importations étrangères, encore moins de les voir en rayon chez les cavistes du vieux continent.
L’Or pour le Rouge
Ces postulats ont pourtant été bousculés par la victoire, il y a quelques semaines, d’un vin chinois dans une prestigieuse compétition internationale. Le Jia Bei Lan Cabernet 2009 du domaine He Lan Qing Xue a reçu le trophée du meilleur vin de la catégorie « Bordeaux rouges internationaux de plus de £10 ». Cette récompense, décernée par le magazine Decanter est l’une des plus convoitée par les viticulteurs du monde entier.
Rien d’anormal à ce que le meilleur Bordeaux ne soit pas né dans les terroirs français, puisque l’Australie ou la Californie sont des habitués de ce genre de prix, mais la victoire d’un rouge de Chine est qualifiée de « révolution » ou de « première historique » dans le milieu.
« Souple, gracieux et mature sans être trop clinquant« , les jurés ont loué l' »excellente longueur en bouche » des tanins du Jia Bei Lan, choisi parmi 12.000 candidats.
« Je serais prêt à recommander une vingtaine de domaines, et plusieurs ont déjà été cités dans des publications faisant autorité », s’enthousiasme Nicolas Carré, consultant et éducateur en vin installé à Pékin. Il est vrai que dans le même concours, le vignoble de He Lan Qing Xue a aussi remporté une médaille d’argent avec son Cabernet Sauvignon 2008, et un domaine du Xinjiang, Helan Mountain, empoche deux breloques, l’argent pour son Chardonnay, et le bronze pour son Riesling.
Des résultats encourageants qui ne reflètent pas pour autant une hausse générale de la qualité du vin chinois. « L’industrie domestique est très clairement tournée vers les supermarchés, tempère le sommelier de formation, et seuls de petits producteurs se risquent jusqu’à présent sur le vin de qualité. Le Jia Bei Lan qui a été classé est d’ores et déjà introuvable sur le marché, il n’en existe que 20.000 bouteilles qui ne sortiront pas du pays. Un vin a beau être classé, s’il n’est pas goûté, il ne sera pas reconnu.»
Racisme viticole ?
Les importateurs de vin français en Chine n’ont pourtant pas l’air inquiet. Pour la plupart, ils avouent ne pas s’intéresser au vin chinois, et confient que leurs clients ne s’en soucient pas non plus.
«On achète un vin français parce qu’il est français. Le statut n’est pas juste une marque mais c’est pour les distributeurs comme pour les consommateurs une question de confiance, explique le responsable français d’un réseau de cave en Chine. Les vins chinois présentent encore des risques en terme de qualité. La production n’est pas encore bien contrôlée, et les marchés de négoce, du grossiste au distributeur ne peuvent pas assurer le contrôle qualité car ils sont encore en structuration. »
D’ailleurs, des doutes circulent depuis plusieurs semaines à propos de la victoire du Jia Bei Lan au Decanter. Sur les sites spécialisés, amateurs et professionnels se laissent aller, sous couvert d’anonymat, à des insinuations quand à d’éventuels fraudes lors de la compétition.
Citant pour certains, le manque de partialité du magazine, qui a des plans d’expansions en Chine, ces critiques s’appuient sur peu de faits, si ce n’est un postulat : une tradition viticole si récente ne peut pas enfanter de si bons crus.
Des doutes que les spécialistes, étrangers ou chinois, qualifient de « dédain », voir de « racisme viticole ». Tout en reconnaissant les tares de l’industrie du vin en Chine, ils tiennent à remettre dans leur contexte ces victoires, qui « n’arrivent pas comme un cheveu dans la soupe ».
Il rappellent d’abord qu’un vin ne sort pas juste d’un tonneau, mais aussi du travail d’oenologues, et que la réussite des vins de Chine est à l’image de celle de ses spécialistes, souvent formés sur le banc des écoles françaises. Ainsi, Li Demei, avant de s’occuper du domaine He Lan Qing Xue, a été formé à Bordeaux et a travaillé au château Palmer de Margaux. Il est aujourd’hui un des spécialiste les plus réputés de Chine.
Autre précision importante, celle de la qualité des terroirs. Le Jia Bei Lan vient du Ningxia, qui produit du vin depuis longtemps et qui devient la Napa Valley chinoise. Des producteurs renommés, comme Silver Heights, se sont installés dans cette région ensoleillée au sol riche, et d’autres veulent y développer une exploitation de qualité, à commencer par Grace Vineyard, déjà réputé pour son domaine dans le Shanxi.
Les terroirs chinois sont d’ailleurs surveillés depuis quelques années par les commentateurs. Robert Parker, superstar de l’oenologie internationale, confiait d’ailleurs au China Daily, avoir senti « depuis longtemps » le potentiel de ces régions, et ne s’étonne pas de ses succès.
Palais à travailler
Personne en revanche n’accorde à la Chine une place au panthéon des grandes nations viticoles sur la simple base d’une ou deux cuvées réussies.
« Pour que le vin chinois tende vers l’excellence, il faudra d’abord que le public local puisse la reconnaitre, explique Nicolas Carré. Il explique que beaucoup de travail reste à fournir dans l’éducation au vin : « Pendant des années, elle a été assurée par les distributeurs étrangers, qui y trouvaient des intérêts évidents. Le résultat est visible dans la production domestique, mais aussi dans les importations: la plupart des vins de Bordeaux vendus en Chine comme des vins prestigieux sont en fait bas-de-gamme.»
Constat optimiste : les cours et les publications d’oenologie fleurissent, certains spécialement conçus pour le palais asiatiques. Jeannie Cho Lee a par exemple adapté la description des vins aux goûts et odeurs connus en Asie : un vin n’a pas un arrière goût de cassis ou d’asperge, mais de dates séchées ou d’algues.
Une fois leur palais plus aguérris, les Chinois demanderons plus de production locale pour les ravir. De quoi éveiller des appétits :
« De plus grandes exploitations se mettent en place, sur des terrains de milliers d’hectares, avec des machines françaises et de très bons oenologues, observe M. Carré. Dans quelques années, on trouvera des vins plus qu’agréables dans des quantités raisonnables. Et je suis sûr que de 20, on peux passer rapidement à une cinquantaine de domaines recommandables ».
Au rang des investisseurs faisant le pari de la qualité en Chine, on retrouve bien sûr les géants chinois Chengyu ou Great Wall, visant une diversification de leurs production. Ils devront faire avec l’arrivée des français Pernod-Ricard ou Moët-Chandon qui voient eux aussi de l’avenir dans les vignes du Ningxia.
Chine oblige, la compétition sera donc rude, même quand il s’agit de vins raffinés.
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cocorico ! La supériorité des vins français nous apparait tellement naturelle que nous n’avons pas (encore) vu arriver en France les excellents vins Californiens, d’AFS, du Chili etc…… et n’imaginons même pas l’existence de vins chinois !
Mea-culpa/cocorico, il a fallu des vols internationaux pour que je découvre l’agrément des vins etrangers lointains !
A quand du (bon) vin chinois sur les vols des compagnies aeriennes chinoises ?
Mais c’est une idée ça ! ! !
y’en a déja du pas bon.
c’est déja un début. ca fait « riche »
ca viendra yibu yibu (petit a petit)
faux, vous pouvez trouver des vins étrangers en France dans tous les supermarchés, et mon anglais de mari ne s’en prive pas. Quant aux vins chinois, je ne demande qu’à croire qu’ils sont bons, mais tant de mauvais circulent qu’il faut savoir faire le bon choix, je voyage encore avec mon petit cubi….
le LIHUA 2007 du shaanxi est excellent…
2009 et 2010 c’est du vinaigre.
c’est comme les TGV : quand on ne comprends pas le fonctionnement, il ne faut pas modifier les plans après le départ des experts.
bonjour, petit message au rédacteur de cet article:
lorsqu’on tape « concours bordeaux rouge international » sur un moteur de recherche on ne tombe QUE sur votre article. pour cause, ce concours n’existe PAS!
(réflechissons, c’est comme élire le meilleur Bourgogne Australien, et le comparer avec le Chilien…)
il serait important de vérifier la véracité des informations avant de divulguer aux lecteurs ce genre d’enormité!
En revanche, il se créent de plus en plus de concours chinois récompensant avec des médailles d’or (en chocolat) des vins sur des compétitions de ce genre (meilleur Bordeaux du monde!) Robert Parker n’est pas dupe!
bien à vous!
c’est peut-etre un probleme de traduction…
Sur la bouteille ne figure pas l’appelation Bordeaux, mais juste le cépage: Cabernet.
Ce pourrait etre en fait bel et bien du vin Chinois fait à partir de cabernet utilisé pour le Bordeaux.
Lire « Cabernet de Bordeaux »