Un an après les émeutes interethniques sanglantes qui avaient fait officiellement 197 morts et 1700 blessés dans la province du Xinjiang, les autorités ont pris des mesures de sécurité draconiennes pour éviter de nouveaux troubles.
En juillet 2009, les manifestations des Ouïgours protestant contre les discriminations et la politique d’assimilation forcée dont ils se sentaient victimes avaient mal tourné, faisant 197 morts et 1700 blessés selon le bilan officiel.
Ces manifestations avaient été réprimées fermement, avec l’intervention de l’armée. Les autorités avaient procédé à des centaines d’arrestations, et des mesures de sécurité avaient immédiatement été mises en place. Internet, les lignes de téléphone vers l’étranger et les SMS avaient été bloqués, et n’ont été rétablis qu’après six mois.
Les autorités chinoises avaient inondé les médias officiels d’images de Chinois hans blessés et accusé les Ouïghours en exil, qualifiés de « forces séparatistes », d’avoir planifié les attaques.
Un an après ces évènements, le gouvernement local a tout prévu pour que les « séparatistes » ne fassent pas de vagues pour l’anniversaire des émeutes.
40 000 caméras braquées sur Urumqi
En guise de mise en garde, l’agence China News Service a annoncé mi-juin le lancement d’une campagne de vérification des permis de résidence à Urumqi, permettant à la police de contrôler au porte à porte les permis de résidence des migrants, étrangers, jeunes diplômés, chômeurs et personnes ayant déjà été condamnées par la justice.
10 jours plus tard, le ministère de la sécurité publique chinois révélait avoir démantelé un réseau responsable d’attaques terroristes dans la Région autonome du Xinjiang.
Accusant de terrorisme toute personne s’opposant à sa politique au Xinjiang, Pékin avait nommé en mai un nouveau secrétaire du Parti dans la région. Immédiatement après sa nomination, Zhang Chunxian avait fait de la répression des « forces séparatistes » sa priorité, appelant l’armée à « faire tous les efforts pour prévenir et combattre les différentes activités de sabotage et de séparatisme, particulièrement celles liées aux trois forces du terrorisme, du séparatisme et de l’extrémisme »
Aujourd’hui, tandis que les médias gouvernementaux vantent en Une la politique de développement de la région dans des domaines tels que les transports, l’éducation, l’héritage culturel ou de la santé, les voix dissidentes ont peu de chances de se faire entendre.
L’agence Xinhua a annoncé vendredi 2 juin l’installation de 40.000 caméras « haute définition » à Urumqi. Dotées d’une coque de protection ‘antiémeutes’ et directement reliées à la police, ces caméras ont été déployées dans tous les lieux publics de la capitale, jusqu’à l’intérieur des taxis, pour couvrir une ville de 2 millions d’habitants.
« Aider à la construction d’un Xinjiang harmonieux »
1000 agents de police supplémentaires ont été envoyés en renfort pour aider leurs collègues à patrouiller dans la ville, a rapporté le site gouvernemental xjpeace.cn, qui précise que toutes les vacances des agents en poste ont été annulées entre le 20 juin et le 20 juillet.
« Nous sommes sûrs que nous avons la capacité de maintenir la stabilité au Xinjiang, à déclaré le chef de la police armée Qi Baowen à l’agence de presse China News. « Nos troupes ont submergé la région et restauré l’ordre après la violence, et leur tâche principale est désormais d’aider à la construction d’un Xinjiang harmonieux », a t-il ajouté.
Sans aucun doute, c’est également dans le cadre de cette volonté d’harmonisation que le gouvernement a rendu ces derniers temps la tâche compliquée aux journalistes étrangers désireux de rendre compte de la situation au Xinjiang.
Ainsi, si certains ont réussi à faire leur travail, d’autres en ont été dissuadé, à l’instar D’Arnaud de la Grange, correspondant du Figaro à Pékin.
« On m’a laissé tranquille à Urumqi, où je n’ai fait que passer, raconte t-il. Mais à Kashgar, j’ai eu le droit à une descente de police dans mon hôtel. Les agents m’ont reproché de ne pas avoir d’autorisation, alors que celle-ci n’est normalement pas nécessaire au Xinjiang, et m’ont indiqué que l’hôtel où je me trouvais n’était pas autorisé aux journalistes. Puis ils se sont énervés et ont voulu me raccompagner à l’aéroport. Pour finir, j’ai pu me balader dans la ville, mais uniquement avec un agent de police sur mes talons. Dans ces conditions, je n’ai pas pu faire mon travail ».
A l’occasion de l’anniversaire des émeutes, Amnesty International a appelé Pékin à ouvrir une véritable enquête sur les événements. L’ONG a recueilli depuis un an des témoignages d’Ouïgours en exil rapportant un usage excessif de la force, des arrestations massives, des disparitions et des mauvais traitement en détention.
« Au lieu d’étouffer les informations, de punir les agitateurs extérieurs et de générer de la peur, le gouvernement devrait profiter de l’anniversaire pour lancer une enquête en bonne et due forme, y compris sur les grief qui couvaient depuis longtemps dans la communauté Ouïgoure », a déclaré dans un communiqué la directrice adjointe de l’ONG en Asie-Pacifique, Catherine Baber.
Il y a fort à parier que cette demande restera lettre morte, car pour le gouvernement chinois, l’harmonie règne déjà au Xinjiang.
