Ce n’est pas pour des questions de droits ou de travail que des centaines de Cantonais sont descendus dans la rue ce week-end, mais pour défendre leur langue et leur spécificité culturelle, qu’ils pensent menacées par l’hégémonie de Pékin.

Après avoir été plusieurs milliers à manifester le 25 juillet dans les rues de Canton, les protestataires ont remis ça dimanche 1er août, malgré les dissuasions policières.
Ils étaient « plusieurs centaines » à Canton selon les témoins, de même qu’à Hong Kong, où s’est tenu une manifestation de soutien.
Ce mouvement de protestation inédit a vu le jour en juillet après une proposition politique de Ji Kekuang, membre local de la Conférence Consultative Politique du Peuple Chinois.
M.Ji a proposé que la télévision locale émette en mandarin à l’occasion des Jeux Asiatiques, au lieu du cantonais habituel.
Le cantonais, extrêmement dur à apprendre car composé de neuf « tons » au lieu de quatre pour le mandarin, est officiellement un dialecte de celui-ci. Cependant, un certains nombre de linguistes le considèrent comme une langue distincte.
Les Chinois ne venant pas de la province du Guangdong ne peuvent pas le comprendre, mais ils sont habitués à l’entendre, à cause de l’influence culturelle (films, musique) de Hong Kong en Chine continentale.
« Si vous ne comprenez pas ce qu’on dit, rentrez chez vous »
Dimanche dernier, les manifestants qui ont osé descendre dans la rue n’étaient pas très nombreux, compte tenu du taux d’approbation de leur mouvement.
L’agence Xinhua, qui a réalisé un sondage auprès de 30 000 personnes, dont deux tiers de Cantonais, a obtenu 79,5% de réponse désapprouvant la mesure.
Mais bien que peu nombreux, ils étaient bien entourés. Plus de 1000 policiers étaient présent pour quelques centaines de manifestants, selon l’écrivain Ye Du, présent sur place et interviewé par Radio Free Asia.
Sur les pancartes, on a pu lire « j’aime le cantonais » écrit en caractères cantonais (la plupart des caractères sont similaires au mandarin, mais il y a des exceptions), ou encore « si vous ne comprenez pas ce qu’on dit, rentrez chez vous ».
Selon les médias présents sur place, les manifestants voient dans la proposition gouvernementale une attaque de Pékin contre la culture cantonaise. Ils redoutent des motivations cachées du gouvernement central visant à une marginalisation à terme de leur culture.
Face à ces protestations, le gouvernement chinois n’est pas resté de marbre. Peu de violences physiques ont été rapportées, mais au moins 20 personnes ont été arrêtées, dont quatre journalistes d’une télévision de Hong Kong, rapporte le South China Morning Post, qui ajoute que les journalistes présents sur place ont été « harcelés » par la police.
Les médias de Chine continentale n’ont pas pu couvrir ces événements, et ont dû se contenter de publier un communiqué dénonçant ce « rassemblement illégal ».
Les recherches Internet et les forums concernant le rassemblement et le mouvement ont été bloqués.
La réaction gouvernementale trahit la crainte d’une apparition de protestations similaires dans d’autres provinces de Chine. Le pays compte en effet plusieurs dizaines de dialectes, et dans plusieurs provinces, l’enseignement scolaire en mandarin est vivement critiqué.
Le cantonais jouit pour l’instant d’un traitement particulier. Au contraire des télévisions des autres provinces, la télévision du Guangdong avait reçu l’autorisation de l’utiliser dans les années 80 afin de toucher le public de Hong Kong et de Macao.