Avec des chroniques joliment écrites sur des scènes de vie quotidienne, Mathieu Baratier dresse un tableau de la vie des Chinois d’aujourd’hui. Rencontre avec l’auteur.

Journaliste de formation, Mathieu Baratier se passionne pour la Chine depuis plus de 15 ans. Depuis 1995, il effectue des séjours réguliers en Chine. Il a travaillé à Pékin comme correspondant de presse de 2004 à 2008.
– Pourquoi s’être intéressé à la Chine ?
Le hasard d’abord…Pour m’inscrire au bon lycée qui n’était pas près de ma résidence, j’ai dû choisir d’apprendre le chinois! C’était en seconde, nous étions 6, des extra-terrestres dans notre banlieue… Je suis venu à Pékin la premère fois en 92, il n’y avait même pas de troisième périphérique, on pouvait marcher dans la ville! Et notre professeur nous a transmis le virus…J’ai continué le chinois à la fac et j’ai commencé à me rendre de plus en plus souvent en Chine.
– Pourquoi écrire un livre de plus sur la Chine ?
C’est un livre très personnel, l’envers de mon décor dans lequel j’ai vécu, les expériences impossibles à transmettre quand on travaille sur place comme journaliste, des ambiances, des paroles, des gestes…Mais j’ai voulu que ce soit lisible pour tout le monde. Si on connait bien la Chine, on ne va pas forcément apprendre beaucoup de choses mais on va retrouver le dynamisme et la truculence des Chinois. Il y a aussi un autre aspect qui m’a guidé: je n’ai pas de jugement de valeur sur la Chine mais je suis très critique du système politique. J’ai voulu alors comprendre comment les gens que je connais peuvent encore adhérer à ce système. Il y a un compromis difficilement compréhensible mais qui tient pour l’instant. Un des meilleurs exemples se retrouve dans le travail des avocats qui appliquent la loi ( car si on n’est pas dans un Etat de droit, on est bien dans un Etat de lois) et qui, à la fois, essaient de changer le système à travers la loi.
– – Pourquoi insister autant sur la Révolution culturelle alors que d’autres événnements comme le Grand Bond en avant ont meurtri la Chine ?
La première raison tient au fait que j’étais en Chine au moment de l’anniversaire des 40 ans du déclenchement de la Révolution culturelle (1966), j’ai donc fait plusieurs reportages sur le sujet. J’ai pu alors mesurer combien cet événement était encore très présent dans la société chinoise, dans les mémoires personnelles et familiales, car les acteurs (victimes et bourreaux) étant encore vivants et le phénomène a meurtri les gens profondément. L’ampleur du phénomène est aussi impressionnant: je pense que je n’ai pas rencontré une famille qui n’ait été touché par la « Révo cul »: envoyé à la campagne, victime de campagne de dénonciation, lynchage, harcèlement … C’est un phénomène politique fascinant en tant que manifestation du totalitarisme (lavage de cerveau, manipulation des masses, etc.) et sa capacité de destruction des personnes et de la culture. Dernière chose: la censure du gouvernement d’aujourd’hui est un indicateur de sa capacité à critiquer Mao et donc peut servir à mesurer sa capacité à assumer sa propre évolution (qui est à l’opposée du maoisme mais sans le dire officiellement…).
– Vous estimez que le théâtre bouge plus et mieux que les autres scènes culturelles ?
La Chine connaît une intense activité culturelle, dans tous les domaines, c’est incontestable. Dans ce foisonnement, je me suis plutôt intéressé au cinéma, au théâtre et aux arts plastiques (je connais très mal la musique). J’ai assez vivement critiqué dans le livre les arts plastiques et le cinéma car ce sont deux domaines qui ont focalisé l’attention du public ce qui pourrait faire croire qu’il y a de grands artistes chinois dans ces domaines. A mon avis, l’intérêt de la vie culturelle chinoise n’est pas dans la qualité des ses productions (souvent médiocres) mais dans ses résonances avec la société ou dans son audace et son inventivité: sur ces critères ce qu’on peut voir au théâtre est nettement plus passionnant qu’au cinéma (j’ai été chargé de faire une sélection de films pour un festival suisse de cinéma, j’ai donc vu des films de jeunes réalisateurs chinois en grande quantité et j’ai eu du mal à en retenir un ou deux…) ou dans les expositions d ‘art plastique.
– Vous insistez aussi sur le rôle des dirigeants chinois dans la montée en puissance à l’étranger ?
La place de la Chine dans le monde évolue en permanence et on peut dire que la Chine n’a pas encore trouvé « sa place » dans le monde, elle est en transition. La Chine a fait la démonstration de son importance économique et politique mais son rapport au reste du monde reste ambivalent: entre confrontation et coopération. L’organisation des Jeux olympiques et de l’exposition universelle n’ont pas permis d’apaiser (harmoniser dirait le régime chinois) ses relations avec le reste du monde. De plus, la crise économique mondiale qui a très peu touché la Chine renforce son image de prédateur et de danger pour les autres pays qui ont peur de se faire « manger » économiquement. L’attribution du prix Nobel de la paix à Liu Xiaobo et la réaction intransigeante de Pékin a montré que la Chine n’avait toujours pas l’intention de faire de concession et qu’elle n’avait pas peur des critiques internationales. Est-ce que les dirigeants ont montré la puissance chinoise? L’intransigeance chinoise en tout cas. Ils ont, encore une fois, montré que « la Chine sait dire NON » (titre d’un fameux livre nationaliste des années 90 et régulièrement plagié par la suite) notamment, on l’a vu dans sa violente confrontation avec le Japon à l’automne 2010. Ca fait partie également des 2 missions du Parti communiste : flatter le nationalisme et assurer au moins 8% de croissance!
Les Chinois aujourd’hui, de Mathieu Baratier aux Editions L’Harmattan, 140 pages
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Point de vue intéressant. C’est vrai que les peintres chinois sont un peu trop à la mode depuis quelques années, ça fait bien de les connaitre dans les diners en villes… ils disparaitront aussi vite qu’ils sont apparus, c’est juste une question de temps. Donc, pas la peine de s’acharner sur ces pauvres millionnaires!
Cricri