Environ 8 500 manifestants se sont réunis dimanche 20 juin à l’appel d’associations franco-chinoises regroupées au sein du collectif Sécurité pour tous à Belleville. Ils défilaient pour attirer l’attention sur leur sentiment d’insécurité. Les vols à l’arraché et les agressions sont récurrents dans ce quartier où le cash circule beaucoup. Et la communauté franco-chinoise, nombreuse, en ferait particulièrement les frais.
Billy Zhang est commerçant pour la boutique de prêt-à-porter MM style, rue de Belleville. Il n’est pas adhérent à l’une des 40 associations à l’initiative de la manifestation, mais il a défilé parce qu’« en tant que commerçant », il n’est « pas à l’aise » dans le quartier :
« J’habite vers Ménilmontant, et le soir en rentrant, j’ai peur.
Ça fait des années que ça dure ! Presque tous les jours, des petits groupes de jeunes agressent des femmes ou des personnes âgées pour leur voler leur sac à main. Les clientes n’achètent pas de sacs trop voyants, elles ne veulent pas être la cible de ces vols. »
Rien de très neuf pour les commerçants du quartier. Pourtant, dimanche, ils étaient plusieurs à épaissir le cortège des manifestants pour exprimer leur ras-le-bol.
Pourquoi les Chinois protestent-ils maintenant ?
La manifestation a beaucoup surpris. Surtout parce ce que ce mode de protestation est inédit de la part de la communauté chinoise. Si les antécédents existent, ils sont le plus souvent tus. Billy Zhang explique :
« Nous, les Chinois, formons une communauté assez réservée. Tant qu’il n’y a pas trop de pertes et que ce sont de petites affaires, on n’a pas envie de chercher plus loin. En plus à chaque fois, il faut passer des heures au commissariat. »
Une soirée a joué le rôle de déclencheur de la colère et de l’activisme des associations franco-chinoises. C’était le 1er juin dernier, au Nouveau Palais de Belleville. Un banquet de mariage était donné dans ce restaurant chinois situé à côté de la place Fréhel. Trois vols à l’arraché ont eu lieu à l’extérieur.
Il faut savoir qu’à l’occasion des mariages chinois, les invités, en guise d’offrande, présentent une enveloppe rouge aux mariés. Dans l’enveloppe, de quoi attirer les envies : de l’argent liquide.
« Les pouvoirs publics ont une énorme responsabilité »
Hu Juango, serveur au Nouveau Palais de Belleville, est en colère :
« Nous avons réglé les problèmes à l’intérieur de l’établissement, mais dehors, c’est aux autorités publiques de réagir.
Des vols à l’arraché, il y en a tous les jours dans le quartier. Mais la police relâche les voleurs au bout de 24 heures ou 48 heures, c’est normal qu’ils recommencent. Il faut renforcer les mesures de sécurité.
En temps normal, on n’aurait pas manifesté. Si on le fait, c’est vraiment qu’il y a quelque chose de grave. Il faut bouger maintenant. Si les autorités publiques ne font rien, il faudra faire appel à un service de sécurité privé. »
Billy Zhang, le commerçant de MM Styles, s’interroge :
« Difficile d’organiser la sécurité à Belleville. Le quartier est à cheval sur quatre arrondissements, le XXe, le XIXe, le XIe et le Xe. A qui alors revient la responsabilité d’assurer la sécurité ? »
Des agressions opportunistes, pas racistes
Les actes de violence ne ciblent pas exclusivement la communauté chinoise : Taki Zhang, un des porte-parole du collectif d’associations, procède à une mise au point dans une interview au Journal du dimanche ce lundi :
« [Mais] il faut bien comprendre qu’il n’y a aucun problème de racisme. Les agresseurs commettent des vols uniquement pour les intérêts que cela leur rapporte, et non parce que vous êtes tel ou tel type de personnes. Ceux qui voudraient communiquer là-dessus créent un amalgame que nous n’accepterons pas. »
Greg, qui habite le quartier depuis trois ans et demi, rencontré à la terrasse du bar Aux Folies, raconte :
« Il n’y a pas plus de problèmes aujourd’hui qu’avant. Regardez, les gens vivent ensemble. Les voleurs, ce sont des minots qui se créent leur légende urbaine, ça ne va pas plus loin. Ce ne sont pas des attaques racistes, ce sont des petits gars qui viennent ici parce qu’ils savent qu’il y a de l’argent et que c’est du cash. »
Rien ne laissait présager la tournure -conflictuelle et violente- de la manifestation de dimanche. Billy Zhang raconte :
« Tout se déroulait calmement jusqu’à ce qu’une manifestante se fasse voler son sac dans le cortège. Les manifestants ont réagi, et là, ça a dégénéré. »
Au commissariat de police, lundi matin, on restait muet.
De notre partenaire Rue 89
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