La Chine devient, sur le modèle américain, le pays du tout-automobile. Posséder une voiture est avant tout une affirmation sociale. Une aubaine pour les constructeurs de luxe du monde entier, car les nouveaux riches dans le pays se comptent par centaines de milliers…

Les constructeurs de voitures de luxe sont au rendez pour le salon automobile de Pékin, qui s’est ouvert ce week-end, prêts à séduire la clientèle de nouveaux-riches chinois fiers d’exhiber aujourd’hui une prospérité qui leur aurait valu prison ou persécutions il y a trente ans. « Il y a plus de 300 000 millionnaires en Chine : un nombre assez conséquent pour que nous soyons présents sur ce marché« , dit Stephan Winkelmann, président et directeur-général de l’italien Lamborghini.
Les marques qui font rêver sont là
La Chine est un des marchés les plus vigoureux pour les constructeurs de toutes catégories, avec des ventes de voitures particulières en hausse de 26,4% sur les neuf premiers mois de l’année. Sur le créneau du luxe, les marques sont bien sûr conscientes que la clientèle possible ne représente qu’une infime partie de la population du géant asiatique, où le revenu disponible moyen d’un citadin a atteint à peine 10 493 yuans (1.328 dollars) l’année dernière.
Et pourtant, la Chine est devenue le troisième marché de Rolls Royce, après les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, avec des ventes en hausse de 50% sur un an cette année. « C’est une croissance très forte. Le nombre de gens riches croît très rapidement dans ce pays« , dit Ian Robertson, président de Rolls Royce. Sur 800 de ces voitures emblématiques du luxe confortable vendues dans le monde, 65 l’ont été en Chine, Hong Kong compris, affirme-t-il.
Porsche, qui est arrivé en Chine en 2001, a lui réussi à vendre 857 de ses modèles en Chine l’an dernier, et s’attend à voir ce chiffre doubler en 2006. Lamborghini qui a deux ans de présence n’y a vendu que 25 unités, à des prix compris entre 2,98 et 4,38 millions de yuans (377.215 à 554.430 dollars), mais Stephan Winkelmann table sur 30 par an très prochainement.
Un marché encore loin de la maturation
Pour toutes ces marques de prestige, l’enjeu est de se distinguer dans un marché où, selon eux, la clientèle potentielle, principalement des hommes de moins de 35 ans, n’est pas encore formée au luxe, n’a pas de préférence encore bien établie, mais achète parce que cela se fait. « Il y a beaucoup de pressions du groupe social. Vous devez avoir ceci ou cela… En positionnant notre marque, nous attirons« , souligne Mark Bishop, directeur exécutif de Porsche China.
En phase d’exploration d’un marché encore à défricher, les constructeurs sont prêts à attendre la véritable explosion des ventes et des profits. Aujourd’hui l’enjeu « est moins de vendre que d’apprendre à connaître le marché, les habitudes de vie, de consommation« , explique Winkelmann. « Ce marché va exploser pour les voitures de luxe et de sport et je pense que dans les années à venir, il y a un gros potentiel« , ajoute-t-il.
10% de la population se partagent 45% des richesses, dans ce pays où près de 200 millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté d’un dollar par jour et par personne défini par la Banque Mondiale. Or parfois, la source de ces richesses est questionnable. Plusieurs têtes d’affiche de la liste Forbes des personnes les plus riches du pays se sont ainsi retrouvées liées à des scandales. « Nous n’allons pas changer notre positionnement sur le marché pour autant. Ce n’est pas du ressort de l’industrie automobile« , souligne Mark Bishop.
Une industrie qui fait rêver en Chine, comme ailleurs, les citoyens ordinaires, venus par centaines samedi à la veille de l’ouverture, dans l’espoir de glaner un passe. « Je n’ai pas les moyens mais j’aimerais voir les nouveaux modèles. J’aime les voitures, même juste pour les regarder« , dit Li Jinshui, un chauffeur de 36 ans.