Dans une autre vie Yanyan était cadre dans le textile en Chine mais la perte de son emploi l’a forcée à abandonner mari, enfant et pays pour émigrer à Paris où cette quinquagénaire a rejoint les centaines de Chinoises qui se prostituent en prenant un maximum de risques.

Comme la majorité des prostituées chinoises interrogées par Médecins du Monde (MDM) dans une étude publiée jeudi, Yanyan vient du Dongbei (nord-est de la Chine), région très fortement touchée par le chômage. « J’étais cadre dans une entreprise de textile, j’avais un vaste appartement, une belle famille », explique à l’AFP en mandarin via un interprète cette femme au visage marqué.
« Mon mari et moi avons perdu notre emploi et tout a basculé: je suis partie en France seule en 2007 pour payer les études d’ingénieur de notre fils, 15.000 euros par an ». Le couple s’endette pour payer 13.000 euros à des passeurs pour obtenir un visa et un billet d’avion. Ne parvenant pas à apprendre le français, Yanyan se retrouve très vite isolée et dans une extrême précarité à Paris. Sans autorisation de travail, elle garde des enfants pour des Wenzhou (Chinois originaires du sud-est de la Chine) qui la « maltraitent ».
Situation sanitaire « alarmante »
Pour continuer à envoyer de l’argent à sa famille, Yanyan a commencé à se prostituer dans la rue à Belleville début 2008 avec l’une de ses six colocataires chinoises. « Heureusement ma famille ne le sait pas », murmure-t-elle, les larmes aux yeux.
L’équipe sinophone du Lotus bus de MDM voit régulièrement défiler les visages épuisés de quelque 500 femmes dans la même situation et tentent de les informer sur leurs droits, notamment à des soins. Globalement, leur situation sanitaire est « alarmante », souligne Mélanie
Quétier du Lotus bus: « elles négligent longtemps leur santé et beaucoup découvrent tardivement qu’elles souffrent de diabète, de cancers, de maladies cardiaques… ».
Conduites à risques, voir violentes
« Les femmes viennent avant tout chercher des préservatifs mais nous leur parlons de la nécessité de s’occuper de leur santé notamment d’effectuer des visites gynécologiques et des dépistages pour les IST (infections sexuellement transmissibles, ndlr) », explique Fei Cao, médecin sur le Lotus bus.
« Face à ces migrantes vulnérables ne parlant pas le français, les clients, des non-Chinois, se sentent tout puissants et ont des conduites à risques voire violentes », ajoute Mme Quétier. Considérées comme des « femmes bon marché », ne réclamant que 5 à 20 euros la passe, « certaines sont battues, séquestrées, violées et hésitent à porter plainte notamment parce que la police, qui les pourchasse sans cesse, n’est pas pour elles un symbole de protection ».
Aujourd’hui, comme beaucoup de femmes du Dongbei, Yanyan a divorcé et pense que la seule solution pour elle est de « trouver un mari en France ». Souvent pour oublier « le défilé des clients », elle rêve de « s’envoler vers sa vie d’avant » comme l’hirondelle (Yanyan en mandarin) dont elle porte le nom.
