Des groupes de défense des libertés pressent Washington de porter la question de « la Grande muraille informatique » chinoise devant l’Organisation mondiale du commerce alors que la dispute entre les deux géants sur des cyberattaques contre Google s’ajoute aux tensions commerciales.
Alors que le président américain Barack Obama attend une réponse de Pékin sur les cyberattaques visant le géant informatique américain, certains appellent les autorités à contester la censure chinoise sur internet comme étant une violation des règles commerciales internationales auxquelles Pékin est soumis en tant que membre de l’OMC.
« Les Etats-Unis peuvent faire valoir que la Grande muraille informatique – un système de filtres qui isole le pays au sein de son propre réseau intranet – est une entrave illégale au commerce international parce que cela empêche les entreprises étrangères d’entrer, via internet, sur le vaste marché chinois », argumente Peter Scheer, responsable de la First Amendment Coalition. Cette organisation de défense de la liberté d’expression basée aux Etats-Unis a écrit en ce sens au représentant américain au Commerce extérieur (USTR) Ron Kirk. Selon M. Scheer, les initiatives de la Chine pour bloquer le commerce sur internet « aux frontières » s’apparentent à la régulation des autorités obligeant les produits agricoles américains à rester bloqués six jours dans les ports chinois avant d’être acheminés dans le pays.
« C’est un domaine très complexe au sujet duquel nous continuons à réfléchir, en consultation avec les groupes intéressés dont la First Amendment Coalition. Nous n’avons pas pris de décision ni dans un sens ni dans l’autre », a indiqué à l’AFP une porte-parole de l’USTR, Debbie Mesloh. Interrogée sur la perspective d’une action devant l’OMC si la Chine ne répondait pas à une demande américaine d’enquête sur les accusations portées par Google, Mme Mesloh a répondu: « L’administration attend la réponse de la Chine à nos préoccupations, nous n’avons pas d’autres commentaires à faire ».
Avec près de 400 millions de personnes, la Chine a le plus grand nombre d’internautes au monde, devant les Etats-Unis, ce qui en fait un marché attractif pour les entreprises étrangères du secteur des nouvelles technologies. Quand Pékin a accédé à l’OMC en 2001, il a accepté d’offrir un accès illimité et un traitement équitable aux entreprises étrangères dans de nombreux secteurs dont les services en ligne, selon un rapport récent du Centre pour la politique économique internationale à Bruxelles. « Ces services comptent comme des importations auxquelles la Chine est censée s’ouvrir, même si elles sont livrées via un câble et non via une caisse », indiquait ce rapport. « Le marché en ligne de la Chine est tout simplement trop important pour que l’Europe et les Etats-Unis laissent passer sans réagir des régulations nuisant au commerce. Des victoires à l’OMC sur ce front seraient bénéfiques pour le commerce et les droits de l’homme », poursuit le document.
Les Etats-Unis sont engagés dans d’autres conflits commerciaux (pneus, acier, volaille, brevets, monnaie ou films) et l’OMC a déjà émis des arbitrages en défaveur de la Chine dans plusieurs affaires portées devant l’organe de contrôle du commerce international basé à Genève. Selon M. Scheer, une stratégie impliquant l’OMC sur la censure chinoise présente des avantages « considérables », la Chine ayant montré par le passé sa volonté de respecter les décisions de l’organisation et parce que cela permet d’éviter « une confrontation directe avec la Chine ».