Nus sur le web en signe de solidarité, les soutiens de l’artiste dissident chinois montrent qu’ils savent se servir des réseaux sociaux et des médias pour leur cause.

Quand Ai Weiwei est accusé de fraude fiscale, ses fans lui envoient de l’argent. C’est donc tout naturellement qu’ils s’exposent aussi quand l’artiste est poursuivi pour « pornographie ».
Quelques heures après avoir déposé la somme de 9 millions de yuans (1 million €) à titre de caution dans une affaire fiscale qu’il qualifie de politique, Ai Weiwei a annoncé vendredi faire l’objet d’une enquête pour «pornographie». En cause : des clichés, datant de moins de deux ans, sur lesquels il apparaît assis dans le plus simple appareil, entouré de quatre femme également dévêtues. La photo « One Tiger, Eight Breasts », a été prise par son assistant Zhao Zhao, qui a été entendu vendredi par la police de Pékin.
« S’ils voient la nudité comme de la pornographie, alors la Chine est restée bloquée sous la dynastie Qing », a commenté l’artiste au Guardian, qualifiant ces accusations de « ridicules ».
Il aura fallu quelques heures aux soutiens du « gros barbu » – le nom de code utilisé sur weibo pour contourner la censure – pour apporter leur appui à cette nouvelle dénonciation. Un blog a été ouvert hors de Chine continentale, avec en bannière un message clair : «Ecoute, gouvernement chinois : La nudité n’est pas de la pornographie».
Intitulé Ai Wei’s fan nudity, le site regroupe à la fois des photos d’internautes dévêtus et des photos (baignade dans une rivière, enfants), censées montrer que la nudité n’a en soit rien de condamnable.
Si certains des internautes ont choisi une exposition frontale, d’autres se sont laissés aller à des variations plus ingénieuses ou poétiques
Parmi les contributeurs, quelques têtes connues des autorités chinoises, dont Zuola, blogueur, qui prend la pose du célèbre nu de Michel-Ange, ou Tufuwugan, dont le nu près d’une rivière paraît des plus naturels.
Beaucoup de références à la censure, notamment à celle de Twitter, parfois matérialisée par le Caonima, le « cheval de l’herbe et de la boue », mascotte du combat pour la liberté d’expression. Ai weiwei avait d’ailleurs utilisé une peluche de cet animal légendaire et subversif dans un cliché connu, repris en hommage par ses supporters.
Plus étonnante, cette photo de groupe, qui avait été prise par A-Chang comme témoignage de solidarité pendant la periode de captivité de l’artiste.
Ce genre de campagnes de soutien, qui a le mérite d’utiliser la mobilisation des réseaux sociaux tout en donnant rapidement une visibilité médiatique, semble devenir un modèle dans les mouvements dissidents chinois.
Le site « Ai Wei’s fan nudity » ressemble d’ailleurs beaucoup au « Dark Glasses Portrait », où les internautes sont invités à poster des photos d’eux portant des lunettes noires pour rappeler leur soutien au militant Chen Guangcheng, toujours retenu, sans aucune justification légale, dans sa maison du Shandong. Il avait été envoyé en prison de 2006 à 2010 pour son travail contre les exactions commises au nom de la politique de l’enfant unique.
Des techniques qui permettent de donner plus d’échos aux protestations : en dehors des soutiens actifs à la cause, qui ne sont finalement peu nombreux, les internautes peuvent ponctuellement apporter leur voix. Avec comme résultat probant, une presse internationale qui parle de mouvement de masse. Seules limites, celles de la Chine continentale : ces sites y sont bloqués, et la plupart des contributeurs sont Hong-Kongais, Taïwanais ou étrangers.
Dans son combat « jusqu’à la mort » contre Pékin, Ai Weiwei utilise personnellement les réseaux sociaux. Il a posté dimanche sur Twitter le numéro de téléphone de plusieurs éditorialistes, journalistes et commentateurs. L’artiste leur reproche « d’essayer de faire croire à la jeunesse qu’il fait partie d’une soi-disant conspiration étrangère, sans poser la question de la légalité de sa détention. »
Leurs commentaires à charge, notamment publiés dans le très officiel Global Times n’ont apparemment pas plu aux followers d’Ai Weiwei: ils sont depuis quelques jours « inondés » de SMS critiques, voir insultants.
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