La Chine nourrit des ambitions planétaires dans les médias, un secteur où elle espère jouer un rôle à la hauteur de sa nouvelle puissance avec quelques grands groupes assis sur un trésor de guerre.

Tout un symbole, c’est le président chinois Hu Jintao en personne qui a ouvert un « Sommet mondial de la presse », organisé par l’agence officielle Chine Nouvelle qui se tenair vendredi et samedi dernier à Pékin, en présence de représentants de 170 agences de presse, télévisions, radios, journaux ou sites web.
Dans les salons d’apparat de l’Assemblée nationale populaire, les délégués étrangers ont applaudi un président chinois – également chef du Parti communiste qui contrôle étroitement les médias – livrant sa vision d’une information « correcte, fouillée et objective ».
Pour ces « JO des médias » organisés à grands frais par Pékin, News Corporation, Associated Press, Reuters, ITAR-TASS, Kyodo, la BBC, Turner Broadcasting System et Google avaient accepté d’être coprésidents.
A la droite du président Hu, siégeait le magnat Rupert Murdoch, qui incarne le nouveau rêve chinois avec ses investissements dans les médias sur tous les continents.
Echaudé par ses revers à l’étranger avant les jeux Olympiques de 2008 – notamment le relais désastreux de la flamme – Pékin a décidé de lancer quelques groupes à l’assaut de l’international pour véhiculer l’image d’une Chine triomphante. Les chiffres de la presse hongkongaise n’ont pas été confirmés, mais c’est un matelas de 4,5 milliards d’euros qui pourrait financer l’expansion mondiale de Chine Nouvelle, de la télévision centrale CCTV ou de la radio CRI, à l’heure où partout ailleurs l’avenir même de la presse est menacé.
Chine Nouvelle, qui prévoit d’augmenter le nombre de ses 117 bureaux dans le monde pour son service en huit langues, voudrait intégrer le cercle restreint des agences de presse internationales. « Nous sommes en réorganisation, nous venons de lancer un desk multimedia », a indiqué à l’AFP son président, Li Congjun, alors que l’agence se met à la vidéo et aux applications mobiles.
CCTV vient de lancer une chaîne en arabe pour 300 millions de téléspectateurs dans 22 pays et en prépare une en russe. CRI, qui diffuse déjà ses programmes dans le monde en 43 langues, est aussi en expansion à l’international.
Parallèlement la Chine veut mettre sur pied des grands groupes de médias et communication à l’image de News Corporation ou Time Warner. « En devenant un leader international de l’industrie (des médias), la Chine va mettre sur pied son propre Time Warner », a assuré Steve Marcopoto, président de Turner Broadcasting System Asie-Pacifique (groupe Time Warner).
Pour News Corporation, Murdoch a déclaré « être réellement impatient d’une telle concurrence », tout en fustigeant « le manque de protection de la propriété intellectuelle » et les « kleptomanes de contenu ». Il a aussi appelé la Chine, qui reste très fermée, à ouvrir « la porte du numérique » et exposer ses compagnies à la concurrence. Cet immense marché a 338 millions d’internautes. Et 710 millions d’utilisateurs de téléphones portables – deux fois la population américaine.
La liberté de l’information, thème pourtant crucial en Chine, a été absente du sommet: elle n’avait pas été mise à l’ordre du jour par l’organisateur chinois. Et les invités n’ont pas voulu froisser l’hôte. Clive Marshall, patron de l’Australian Associated Press a fait exception, en faisant la synthèse des débats de la table ronde qu’il avait présidée, déclarant: « Il ne doit pas y avoir de compromis sur la qualité de l’information ni de censure des informations ».
Quant à savoir où aurait lieu le prochain sommet, ce fut une découvenue pour la Chine: aucun des coprésidents n’a souhaité reprendre le flambeau.
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