L’Institut Français de Pékin a accueilli Rémi Girardot, responsable des relations institutionnelles et du développement international de Limagrain, pour une conférence sous le thème « Quand la Chine nourrira le monde… »

Avec 1,3 milliards de bouches à nourrir, la situation alimentaire de la Chine est au centre de toutes les préoccupations. A quels problèmes l’Empire du milieu doit-il faire face ? Quelles sont les solutions mises en œuvre par le gouvernement pour maintenir l’autosuffisance et la sureté alimentaire du pays ?
Agriculture privilégiée, agriculteurs lésés
Avec un budget de 116 millions d’euros en 2012, le secteur de l’agriculture demeure une priorité pour le gouvernement. L’objectif de ce 12e plan quinquennal : atteindre une production de 540 millions de tonnes par an et une croissance des revenus agricoles.
Si les autorités chinoises n’hésitent pas à lever des fonds colossaux pour soutenir l’agriculture, les agriculteurs n’en sont pas les premiers bénéficiaires. L’aide est versée dans un but bien précis : maintenir la stabilité des prix et réduire l’inflation, c’est donc le consommateur qui en profite.
Interventions de l’Etat contraignantes, indemnisation insuffisantes des terres converties à d’autres usages que l’agriculture… En Chine, le bonheur n’est apparemment pas dans le pré !
Les agriculteurs ne peuvent d’ailleurs pas se vanter d’être propriétaires de la terre qu’ils cultivent. Les exploitations gérées par des collectifs villageois leur accordent en effet qu’un « droit d’utilisation ». Les parcelles louées aux agriculteurs ne dépassent généralement pas un demi-hectare.
La création de coopératives pourrait s’avérer être la solution idéale pour améliorer les intérêts de la population agricole. Or, le souvenir de la collectivisation par les communes populaires est encore trop présent pour envisager une telle éventualité.
Biotechnologie, nouveau défi ?
Avec un fond de 46 milliards d’euros en 2009, la Recherche et le Développement est devenu le nouveau secteur stratégique. Si les trois quarts de ces financements sont assurés par des entreprises, les investissements réalisés par l’Etat sont également considérables. 2,3 milliards d’euros sont ainsi consacrés à la recherche agronomique chaque année.
Concernant les OGM, leur sort n’est pas joué. En dépit de la réticence de la classe urbaine à leur égard, le gouvernement n’a pas encore renoncé à leur exploitation. Un fond spécial de 1,5 milliards d’euros a ainsi été alloué à la recherche transgénique en 2008 pour une durée de deux ans. Ce chiffre place la Chine à la deuxième place dans la recherche biotechnologique après les Etats-Unis.
Pour l’instant, seule l’utilisation de semence de coton BT est tolérée pour les grandes cultures. Quatre autres OGM (tomate, poivron, peuplier, pétunia) sont cependant présents sur le marché Avec une centaine de projets de recherches depuis les années 1980 et 3000 chercheurs travaillant dans ce domaine, la transgénèse a encore de beaux jours devant elle.
Si les autorités ont décidé de miser sur la biotechnologie, c’est avant tout pour améliorer la sureté alimentaire. La population chinoise est devenue très méfiante après les scandales survenus au cours de ces dernières années. Riz moisi mélangé à de l’huile minérale dans le Shandong, lait contaminé à la mélamine dans l’Anhui… La sécurité alimentaire est bien mise à mal !
Eaux et autosuffisance menacées
Pénurie dans le nord, pollution dans le sud … L’eau chinoise n’est pas un long fleuve tranquille. Un recensement national réalisé en 2010 a permis de dénoncer le rôle des engrais dans cette pollution. Leurs doses sont 20 à 50% plus élevées qu’elles devraient l’être.
Donnée d’autant plus inquiétante : la Chine est le premier producteur et consommateur d’engrais au monde. Le bétail et la volaille sont les premières victimes de cette pollution.
La terre chinoise n’est pas en reste. Métaux lourds, plastiques non biodégradables, eaux usées… Le sol en voit de toutes les couleurs. Résultat : 12 millions de tonnes de céréales sont contaminées chaque année !
En dépit de ses problèmes de pollution, la Chine est parvenue à relever le défi qu’elle s’était lancée il y’a une trentaine d’années : devenir autosuffisante. Premier producteur mondial de légumes, de viande, de pêche et de céréales… Le bilan du pays est plutôt positif.
Un nouveau facteur risque néanmoins de bouleverser cet équilibre : les habitudes alimentaires se modifient. Les Chinois consomment davantage de viande au détriment du riz. Le pays qui a investi des sommes importantes dans le développement de son riz hybride n’ira donc pas remercier son ami Mc Donald’s.
Rémi Girardot vient de terminer un livre sur la géopolitique de l’agriculture chinoise qui sera prochainement publié.
Suivez Aujourd’hui la Chine sur Facebook et sur le Twitter à @AujourdhuiChine
- Vous devez vous identifier ou créer un compte pour écrire des commentaires
Envoyez cette page à un ami
Ce n’est pas la Chine qui va nourrir le monde, plutöt le contraire, bien que la Chine exporte en effet. Pour mon livre je regarde les importations de la Chine en matières premières et agricoles. Je cite du draft: « According to customs data, China’s agricultural trade deficit increased from US$4.6 billion in 2004 to US$23 billion in 2010. China has become highly dependent on imports for major agricultural commodities. »
Vieux Pékinois
ben, finalement, c’était pas si mal, l’époque où on vivait avec des tickets de rations. chacun vivait de ce dont il a besoin. pas d’obésité, ni de spéculation sur les denrées alimentaires, c’était saint, et écolo …..
« …des terres converties à d’autres usages que l’agriculture… »
je ne connais pas le sujet agriculture au point d’émettre un avis, mais je circule beaucoup en Chine en transports terrestres depuis 6 ans.
Juste une observation: ce qui m’a frappé en parcourant la Chine c’est de constater en live que l’ extension des villes est si rapide qu’on passe directement de quartiers de tours d’immeubles directement à la campagne! Souvent des cultures maraîchéres qui alimentent la ville contigüe.
Du producteur au consommateur…
Alors qu’en France pendant longtemps la plupart des villes s’étendaient d’abord sous forme de banlieues pavillonnaires, secondairement transformées en citées d’immeubles.
Les Chinois ont réalisé le vieux réve d’Alphonse Allais : mettre les villes à la campagne !
Malheureusement le fait que les villes sont à côté de la campagne est le signe de la perte des terres pour l’urbanisation. Le gouvernement essaye de limiter cette perte car la China a trop peu de terre pour l’agriculture, un problème plus grave à cause de la corruption – les terres sont prises des paysans sans leur donner une indemnisation convenable. Ce qui résulte dans la série de révoltes locales et souvent sanglantes contre le gouvernement. Voire le cas de WUKAN.
Vieux Pékinois