Près de 100.000 enfants chinois auxquels le sida a ravi leurs parents sont aujourd’hui les laissés-pour-compte de la société, victimes de discriminations, sous-éduqués et sans espoir. « Les orphelins du sida n’ont pas accès à l’éducation, même pas à la nourriture. Contrairement aux autres orphelins, ils affrontent stigmatisation et discrimination », déplorent les ONG.

Avant même d’être orphelins, ces enfants ont souvent dû affronter de nombreuses difficultés.
« Beaucoup doivent prendre soin de leurs parents qui se meurent du sida et n’ont aucun moyen de subvenir à leurs propres besoins », poursuit-il.
Déjà, 76.000 enfants sont orphelins du sida en Chine et le nombre pourrait grimper à 260.000 d’ici à 2010, selon l’agence officielle Chine Nouvelle.
Pour To Chung, une telle situation ne peut que mettre en danger la stabilité du géant asiatique, alors même que le mot d’ordre du gouvernement communiste est aujourd’hui « l’harmonie sociale ».
« Beaucoup de ces enfants ont une très piètre image d’eux-mêmes, ils sont pleins de haine et beaucoup ont des idées de vengeance », explique-t-il.
« A cause de leur pauvreté et de leur manque d’éducation, beaucoup vont prendre le chemin de la criminalité pour survivre », ajoute-t-il.
Nombreux sont ceux originaires du Henan (centre), épicentre du scandale du sang contaminé dans les années 90.
Les paysans pauvres avaient alors été encouragés par les autorités à vendre leur sang, sans aucun contrôle.
Officiellement, les victimes de transfusions ou de prélèvements sanguins représentent 5,1% des cas confirmés de sida dans le pays, mais certaines sources estiment que le taux de contamination pourrait atteindre 40% dans certains villages.
To Chung, comme beaucoup de militants anti-sida, juge sous-estimé le nombre de 650.000 personnes contaminées en Chine, notamment parce que beaucoup choisissent de taire une maladie qui leur vaudra ostracisme une fois révélée.
Sa fondation, établie en 1998, cherche à alléger le fardeau des orphelins du sida.
Elle dit avoir aidé 3.000 d’entre eux à poursuivre une scolarité, privilégiant le maintien de ces enfants dans leur environnement plutôt que leur envoi dans des orphelinats publics. Elle leur apporte aussi un soutien psychologique et organise des camps de vacances.
« Le mieux est de permettre à ces enfants de grandir localement et d’aller avec des enfants ne subissant pas l’impact du VIH (virus de l’immunodéficience humaine) ».
A condition qu’ils ne soient pas eux-mêmes contaminés, car, alors, leur situation devient intenable, rejetés par tous, même par les orphelinats publics.
En outre, les soins médicaux, déjà difficiles d’accès, ne sont pas adaptés en Chine aux enfants. Seuls quelques-uns bénéficient d’un programme de soins et d’anti-rétroviraux grâce à la Fondation Clinton, de l’ex-président américain, soutenue par le ministère chinois de la Santé.
Pour leur part, les organisations non gouvernementales se heurtent souvent aux chausse-trapes des autorités, surtout à l’échelon local.
Le militant anti-sida Wan Yanhai vient d’en faire l’expérience. Sa dernière interpellation à Pékin l’a obligé à annuler une conférence prévue dimanche dernier sur le thème « Sang sûr, sida et droits humains légaux ».
To Chung lui aussi dit être régulièrement harcelé. « J’ai été suivi, arrêté, traité davantage comme un criminel que comme quelqu’un qui essaie d’aider ».
« Dans le Henan, ils ont peur que ne soient mis au jour de vieux secrets sales qui impliquent des tas de responsables officiels, dans l’affaire des ventes de sang », ajoute-t-il.