Alors que les investisseurs étrangers comptent sur la Chine pour développer leurs affaires, les riches Chinois, eux, sont de plus en plus nombreux à partir, dès qu’ils le peuvent, à l’étranger. Une « fuite des portes-monnaies » qui inquiète les autorités.
Il y a eu la fuite des intellectuels pendant la révolution culturelle, puis celle des petits génies de la technologie dans les années 90, désormais, ce sont les riches qui désertent la Chine.
C’est ce que confirme un rapport du cabinet de conseil en stratégie Bain & Company, paru la semaine dernière.
Selon cette enquête, effectuée auprès de 2600 Chinois disposant d’un patrimoine d’au moins 100 millions de yuans (10,4 millions d’euros), ils seraient près de 60% à envisager de quitter leur pays grâce au système des « immigrants investisseurs ».
Ce système, existant dans plusieurs pays tel que les Etats-Unis, le Canada, l’Australie et la Grande-Bretagne, permet d’obtenir un permis de résidence en échange de la promesse d’investir et de créer des emplois.
En d’autres termes, il s’agit d’acheter à prix d’or son droit de séjour. Pour les Etats-Unis, il faut par exemple disposer d’au moins 500 000 dollars : une somme largement dissuasive il y a juste quelques années, mais que de plus en plus de Chinois réunissent désormais facilement!
De plus en plus de riches, de plus en plus riches
Selon la Hurun Rich List, la Chine compte désormais le deuxième plus grand nombre de milliardaires en dollars, juste après les Etats-Unis, et ce chiffre, que certains experts pensent sous-estimé, est amené à augmenter.
Et l’étude de Bain & Company montre que le nombre de citoyens chinois disposant de plus de 10 millions de yuans d’actifs disponibles devrait atteindre 585 000 cette année, le double de ce qu’ils étaient en 2008!
Précision intéressante qui témoigne du processus de développement du pays: alors que la plupart des riches se trouvent actuellement dans les métropoles de la côte Est, leur nombre connaît la plus grosse croissance dans les provinces du centre et du sud-ouest.
Alors, pourquoi cette volonté des nantis de quitter l’environnement qui leur a permis de faire fortune?
Les sondés mettent en avant trois raisons : la qualité de l’éducation qu’ils pourront donner à leurs enfants, la préparation de la retraite, et la mise à l’abri de leur argent.
En effet, en raison du monopole de l’Etat dans de nombreux domaines, le contexte de l’investissement est souvent jugé insatisfaisant, ou risqué. D’autre part, dit-on ici et là, certains préféreraient prendre la fuite avant d’être rattrapés par les affaires de corruption qui les ont amenés au sommet.
Sans compter d’autres raisons, plus terre-à-terre, telles que la volonté de disposer d’une couverture sociale gratuite, de trouver une meilleure qualité de vie, un air moins pollué, une nourriture plus sûre…
Quand la Chine ne peut pas récolter ses propres fruits
Mais cette fuite de capitaux crée des inquiétudes, car ce sont autant d’investissements qui ne se feront pas en Chine.
« La perte pourrait être encore plus grande que tous les investissements étrangers que nous avons attirés. C’est un peu comme si, lorsque vient la récolte, nous découvrions que tous les fruits sont dans d’autres paniers », explique Zhong Bajun, directeur de l’Institut Dajun d’Observation Economique de Pékin, au Global Times.
« Cette tendance révèle qu’il y a des problèmes dans le système, qui obligent les personnes fortunées à se rendre à l’étranger, écrit Feng Haining dans un éditorial du journal gouvernemental en anglais. Il préconise d’améliorer l’environnement d’investissement, et de « renforcer le système d’Etat providence, pas seulement pour améliorer la qualité de vie, mais aussi pour retenir les talents nationaux« .
Alors, est-ce sous la pression des riches que le gouvernement chinois instaurera un meilleur système de protection sociale? Quoi qu’il en soit, devant une grogne populaire de plus en plus pesante, Pékin vient de décider de baisser les impôts des plus petits contribuables… Et de les augmenter pour les plus riches!
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