60 après la proclamation par Mao de la Chine communiste sur la place Tiananmen, les témoins se souviennent de leur 1er octobre 1949.

A 79 ans, Geng Zhifeng se souvient surtout d’une atmosphère de grande exaltation le 1er octobre 1949 à Pékin sur la place Tiananmen, lors de la proclamation par Mao de la République populaire de Chine. Le moment est gravé dans la mémoire de ce vieux Pékinois. « Tout le monde applaudissait, agitait des drapeaux rouges et scandait ‘Vive le président Mao' », raconte Geng à l’AFP, revivant la scène en faisant de grands gestes. « Nous avions été libérés. Comment pouvions-nous ne pas être heureux de la fondation de la République populaire de Chine? », poursuit le vieil homme, assis à l’extérieur de sa petite maison de brique dans l’un des vieux quartiers de la capitale, où il vit depuis 69 ans.
Comme des millions de ses compatriotes avant la « libération » communiste, Geng et sa famille tentaient de survivre dans un pays traumatisé et ravagé par les conflits. Et la vie n’était pas rose pour cet électricien au maigre salaire. Son père et son plus jeune frère avaient été emportés par les maladies, faute d’argent pour payer les frais de santé. Les pénuries de nourriture étaient légion courante. « Avant la libération nos vies étaient très dures. Après, c’était sans comparaison », dit-il.
« Je n’aurais jamais pensé que nous en arriverions là »
Wu Pei, aujourd’hui âgé de 81 ans, était aussi sur la place Tiananmen ce 1er octobre 1949. Mais le jeune ouvrier démuni qu’il était à l’époque était surtout préoccupé par son prochain repas. « Les prix des produits de base pouvaient changer huit fois par jour. Il y avait une longue file d’attente chaque jour lorsque j’allais acheter du riz », explique-t-il. « Nous savions qu’après la libération, nos vies seraient meilleures, mais nous ne pensions pas beaucoup au sort du pays, juste à nos vies », poursuit-il.
Wu gagnait environ 50 yuans (5 euros aujourd’hui) par mois en 1949. Grâce au parti communiste, affirme-t-il, sa retraite est aujourd’hui de 2.000 yuans par mois, largement au-delà de ses besoins. L’élévation du niveau de vie en Chine et la « renaissance » du pays, autrefois surnommé « le malade de l’Asie », l’emplissent de fierté. « Les changements ont été énormes, bouleversants », lance Wu. « Je n’aurais jamais pensé que nous en arriverions là. On pensait que cela allait s’améliorer, mais pas à ce point ».
Et pour ces gens qui ont vécu dans la Chine faible et humiliée d’avant 1949, les pages les plus noires du maoïsme, comme le Grand Bond en avant ou la Révolution culturelle, n’ont pas écorné leur foi dans le parti. Pour Wu, la Révolution culturelle a permis à Deng Xiaoping de lancer les politiques de réforme économique à la fin des années 70. Elle « a provoqué d’énormes gaspillages dans la société et beaucoup de malheurs, mais cela a permis de libérer nos esprits », juge-t-il.
« Nous étions libres et nous ne serions plus jamais opprimés »
Cependant, tout le monde ne partage pas cet enthousiasme. Le dissident Bao Tong était un jeune cadre de 16 ans à Shanghai en 1949 lorsqu’il a entendu à la radio la proclamation de Mao. Il se souvient être descendu dans la rue pour fêter ce moment avec la foule. « Nous étions tous tellement excités. Une petite pluie fine s’est mise à tomber, mais cela ne nous a pas empêchés de continuer à célébrer », dit-il.
Bao, devenu plus tard un proche collaborateur du secrétaire du parti Zhao Ziyang, a été entraîné dans la chute de ce dernier après la répression des manifestations de 1989, passant plusieurs années en prison. « En 1949, je pensais que les Chinois avaient vraiment été libérés. Nous étions libres et nous ne serions plus jamais opprimés. Tout le monde pourrait parler librement, travailler et manger », explique Bao. « J’étais surexcité, mais finalement j’ai réalisé que cela ne serait pas le cas », ajoute-t-il.
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