A la Fête des morts, samedi en Chine, les offrandes traditionnelles, comme les faux dollars en papier destinés à être brûlés pour honorer la mémoire des défunts, ont refait surface, malgré les tentatives des autorités pour lutter contre ces « superstitions féodales ».

Dans un grand marché de quartier, dans le sud de Pékin, plusieurs commerçants, qui vendent normalement de l’encens et des statues de divinités, proposent avant la fête des monnaies de papier.
Une vendeuse se distingue avec des dollars factices.
Mme Yu, 64 ans, vient d’acheter un plein sac de billets à l’effigie de l’empereur de Jade, censé régner sur l’administration céleste. Malgré l’interdiction de les brûler dans les cimetières. « Il suffit de brûler la monnaie dans la rue à un carrefour », lance-t-elle.
Pour de nombreux Chinois, cette tradition de Qing Ming — « Pure clarté » en chinois — a un goût amer, car ils ne peuvent honorer leurs défunts comme ils le souhaiteraient.
Strictement interdites pendant le règne de Mao Zedong, ces offrandes sont toujours chassées, avec plus ou moins de zèle, par les autorités qui les qualifient toujours de « superstitions féodales ».
Sont encouragés plutôt les dépôts de fleurs, considérés comme une façon plus « civilisée » de célébrer Qing Ming.
Et cette semaine, la presse chinoise s’est faite l’écho d’un apparent tour de vis. A Pékin, des magasins ont vu débarquer non des clients mais des inspecteurs.
Pour avoir vendu des objets funéraires « superstitieux », ces établissements ont été mis à l’amende, voire temporairement fermés dans certains cas.
« Quelle superstition? Brûler de la monnaie de papier est une façon de rendre hommage aux ancêtres », lance Chen Shangchun, 53 ans, l’allure chic et maquillée avec soin.
« Si c’est interdit, alors comment se fait-il qu’on puisse en acheter ici? », ajoute celle qui est venue faire ses emplettes dans le grand marché du sud de Pékin.
« Nous continuons à vendre de la monnaie de papier en cachette car il y a une demande des gens », explique la souriante gérante d’un magasin de pompes funèbres dans la lointaine banlieue sud de la capitale.
Dans la tradition chinoise, les défunts gardent dans l’au-delà des occupations et des besoins similaires à ceux des vivants. Pour s’assurer leurs bonnes grâces, les familles leur offrent monnaie et objets factices.
Beaucoup de ces billets sont déposés au pied des stèles, au milieu des offrandes de fruits et de gâteaux, maintenus avec des pierres afin que le vent ne les emporte pas.
Ces objets peuvent être aussi des copies miniatures de biens de consommation adaptés à l’ère moderne: voitures de luxe, machines à laver, chaînes hi-fi ou paquets de cigarettes. Plus classiques, il représentent maisons, chevaux ou échiquiers.
Dans le magasin de la banlieue de Pékin sont vendus des jeux de mah-jong en polystyrène « pour, par exemple, une grand-mère qui aimait y jouer de son vivant ». Mais aussi un coffret combinant montre et téléphone portable en papier.
Les plus gros objets comme les villas, « plutôt demandés par des personnes de la campagne », doivent être commandés. Ils ne sont pas en stock, pour minimiser le risque d’être découverts lors d’une inspection surprise.
Les acheteurs de ces objets particuliers n’encourent aucune punition.
Certains ont décidé, eux, de vivre avec leur temps, alliant tradition et modernité, en recourant aux offrandes en ligne et aux mausolées virtuels proposés par de nombreux sites internet.
