Le projet aura duré 46h. Avec dérision, l’artiste contestataire avait installé des webcams dans sa maison, proposant à « ceux qui l’aiment ou qui ne l’aiment pas » de guetter ses faits et gestes. Les autorités l’ont obligé à les débrancher.

Ai Weiwei voulait fêter l’anniversaire en public, Pékin lui a fait baisser le rideau plus tôt que prévu. Il y a un an l’artiste chinois reconnu internationalement pour son travail aux milles facettes et ses doigts d’honneur répétés au pouvoir de Pékin était arrêté et disparaissait pendant 81 jours, soulevant une vague de soutien dans le monde entier.
Dans un hommage à cette détention en dehors de tout cadre légal, Ai Weiwei avait placé mardi 4 caméras à son domicile, dont les images était diffusées en direct sur le web. Avec les Weiweicam, Ai faisait une fois de plus la preuve de sa force de dérision, exhortant les autorités à « faire preuve de la même transparence ».
L’appel n’a apparemment pas été entendu, puisque qu’Ai Weiwei a annoncé ce jeudi avoir reçu l’ordre de déconnecter son dispositif. Un simple coup de fil, pas d’explication, explique-t-il à l’AFP. « Ils ne donnent jamais de raison, je n’ai jamais su le motif de mes quatre-vingt-un jours de détention«
La surveillance pour dénoncer la surveillance
Webcam ou pas, peu de différence pour l’artiste. «Ma vie est placée sous tellement de surveillance et de contrôles, que ce soit mon téléphone, mon ordinateur… », explique-t-il à l’AFP, précisant que dont bureau a déjà été perquisitionné, qu’il avait été plusieurs fois fouillé et qu’il était filé en permanence.
Il expliquait d’ailleurs au Guardian que la quinzaine de caméras installées par les forces de l’ordre aux alentours de sa maison de Caochangdi en font la zone la plus surveillée de Pékin
Les webcams de Weiwei ont donc permis pendant moins de 2 jours de suivre « toutes les activités » de l’artiste touche-à-tout, qui ne peut quitter Pékin, sous le coup d’une mise à l’épreuve censée prendre fin le 22 juin. Le projet faisait la nique à des autorités qui se comportent selon lui en voyeurs.
Les caméras, placées au dessus de son lit, de son bureau et de sa cour, s’adressaient aux « curieux », qui « l’aiment ou ne l’aiment pas ». Rien à cacher donc, « Si quelqu’un a une photo de moi en train de me curer le nez, ça ne vas m’embarrasser. Je vais faire mon travail et voir ce qu’il en ressort. »
Année mouvementée
Depuis sa libération, en juin, Ai Weiwei subi les attaques de Pékin, et y répond avec un sens de la provocation qui plait à la presse internationales, et attire la mobilisation des internautes pour sa cause. Le barbu, qui a notamment participé au design du Nid d’Oiseau, le Stade olympique de Pékin a été accusé coup sur coup d’évasion fiscale, puis de pornographie.
Déjà très populaire pour son oeuvre plastiques, ses photographies et documentaires, il est devenu la figure de prou d’une dissidence qui ne se cache pas. Une célébrité qui lui offre une attention constante des médias internationaux durant cette année mouvementée, et qui a même failli lui valoir le titre de « personnalité de l’année » du Time, d’après certains.
Hasard des dates, les Weiweicams avaient été mise en service au lendemain de trois jours de bâillonnement du net chinois. Alors que les réseaux sociaux s’enflammaient depuis quelques temps à propos de rumeurs de coups d’Etat, Pékin avait décidé d’interdire les commentaires sur Weibo ou Tencent.
Situation « pas claire »
Avec ou sans webcams, Ai Weiwei continue donc son travail artistique : il participe à un projet de design dans le cadre des JO de Londres, fait l’objet d’une exposition à Paris et en prépare une à Washington pour l’automne.
Il dit « aller bien », malgré sa situation toujours aussi kafkaïenne. « Je suis supposé être un homme libre, à moins qu’il m’accuse encore et me mette en prison », explique-t-il. « Mais sinon, je devrais être libre. Mais je ne sais pas vraiment, ce n’est pas clair ». Les autorités savent pourtant être clair quand elles le veulent : au téléphone on lui a expliqué que la mise hors-service des caméras était un « ordre strict ».
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