En 2011, « l’usine du monde » est toujours le théâtre de drames écologiques et sociaux, dont profitent les grandes multinationales. Pourtant, celles-ci ne assurent avoir un comportement responsable; mais cela reste souvent de belles paroles.

Deux rapports, sortis à quelques jours d’intervalle, rédigés par deux ONG présentes en Chine. L’un axé sur le social, l’autre sur l’écologie. Des noms de marques que nous connaissons tous : HP, Nike, Adidas, Microsoft, IBM, etc. Et le même constat : ces entreprises multinationales ont en Chine des activités néfastes, certaines pour l’environnement, d’autres pour le bien-être des individus.
Eaux polluées et conditions de travail inhumaines
Dans son rapport, Greenpeace affirme, preuves à l’appui, que des usines produisant du textile pour Nike, Adidas, H&M, Puma etc relâchent dans l’eau des rivières des produits chimiques nocifs pour l’environnement et pour les populations, qui peuvent notamment « affecter le système reproductif » ou « dérégler la production hormonale » des populations alentour.
On est loin des déclarations d’intentions comme celle de Nike, qui affirmait dans son rapport sur la responsabilité sociale sa volonté d' »éviter d’emprunter plus d’eau que cela est nécessaire et d’être capable de la rendre aussi propre, voire plus propre qu’avant« .
Côté social, China Labour Wach constate pour sa part que les conditions de travail dans les usines du secteur de l’électronique qui produisent en Chine pour des marques telles que Dell, IBM, Ericsson, Philips, Microsoft, Apple, HP et Nokia, entre autres, sont « inhumaines« . Dans neuf usines sur les dix où CLW a enquêté, « les ouvriers ne peuvent pas gagner un salaire leur permettant de vivre avec leurs seules heures de travail normales et sont contraints d’effectuer un trop grand nombre d’heures supplémentaires« .
Rien de bien nouveau, en somme : après tout, les entreprises ne délocalisent-t-elles pas en Chine pour réduire leurs coûts de production?
Mais au fond, pourquoi et comment cette situation se répète-t-elle invariablement? Et comment pourrait-on faire changer les choses?
Pour en savoir plus, Aujourd’hui la Chine a interrogé Jamie Choi, directrice de la campagne » produits chimiques » de Greenpeace en Asie du sud-est, Sidney Liang de China Labor Wach, et Vincent Commene, économiste spécialiste de la Responsabilité sociale des Entreprises, auteur de Responsabilité sociale et environnementale : l’engagement des acteurs économiques.

ALC : Comment se fait-il que les entreprises multinationales acceptent des pratiques telles que celles que Greenpeace et CLW viennent de constater au sein de leur chaîne de production?
CLW : Premièrement, dans certains cas, les entreprises ne sont pas totalement conscientes des conditions de travail dans les usines. Bien qu’elles envoient parfois des personnes faire des audits, il y a des cas d’inspecteurs corrompus ou incompétents, ou encore des usines qui falsifient leurs documents et qui demandent aux travailleurs de mentir.
Deuxièmement, les entreprises se concentrent trop sur la réduction de leurs coûts de production. Après tout, les bas prix sont la seule raison pour laquelle elles déplacent leurs usines dans les pays en voie de développement. Prendre le risque peut être valable, car les opinions publiques ne voient pas tout. Par exemple, pendant que nous critiquons les conditions de travail inhumaines à Foxconn, nous oublions les conditions de travail à Hongkai, Comal ou MSI, qui sont pourtant pires encore.
Vincent Commenne : Selon moi, la mentalité principale qui régit notre système est devenue « toujours plus pour toujours moins cher ». Cette mentalité régit le comportement des consommateurs et, en conséquence, également celui des entrepreneurs. Les entreprises transnationales ne font pas exception, au contraire, elles sont même les fers de lance de cette approche car ce sont elles les mieux outillées pour faire pression sur leurs fournisseurs.
Lorsqu’elles sont dans cette position de pouvoir et qu’elles l’exercent vis-à-vis de leurs sous-traitants, elles font subir à ceux-ci une pression sur les prix qui amènent ces fournisseurs à eux-mêmes exercer cette pression sur les maillons les plus faibles : leurs travailleurs et, sous un certain angle, l’environnement.
Imaginons a contrario des transnationales qui choisissent leurs sous-traitants parmi les producteurs locaux qui donnent de meilleurs salaires que leurs concurrents et/ou qui consacrent du budget à produire plus proprement : indéfectiblement ces choix auront des conséquences sur les prix pratiqués par ces fournisseurs et, partant, sur la rentabilité des transnationales et/ou leurs parts de marché. Ce qui ne sera pas du goût de leurs actionnaires…
Conséquence : ils ne font pas ce choix plus « éthique ». Sauf…, sauf si une pression est ajoutée au système de la part des consommateurs ou des autorités publiques.
ALC : Par quel processus les entreprises se détournent-t-elles des responsabilités qui sont les leurs, et que, souvent, elles revendiquent elles-même?
Greenpeace : Aucune des entreprises mentionnées dans notre rapport n’a établi un système permettant de contrôler, de réduire et d’éliminer l’utilisation de produits chimiques toxiques tout au long de leur chaîne de production. En faisant cela, elles donnent un feu vert aux fournisseurs qui veulent rejeter des eaux polluées, aussi longtemps que les produits chimiques ne sont pas détectés dans les produits finals. Cela est inacceptable.
CLW : L’opacité de la chaîne d’approvisionnement mondiale permet aux entreprises d’échapper à la vigilance de l’opinion. D’ailleurs, en dépit des attaques parfois insistantes du public, les entreprises espèrent avoir un coup de chance et ne veulent pas participer au changement. Le changement, cela à un prix. Enfin, lorsque des violations des droits des travailleurs sont constatées dans des usines, les entreprises se dédouanent en mettant simplement fin au partenariat, en espérant que cela suffira à calmer l’opinion publique.
Vincent Commenne : Il y a d’abord le phénomène bien connu du « green washing » : vous aménagez une belle devanture aucunement mise en action. Sauf problème, personne ne vient vérifier. C’est tout bénéfice pour votre image et ça ne vous coûte quasi rien.
Il y a ensuite les entreprises qui démarrent véritablement une mise en oeuvre de leur RSE (Responsabilité Sociale des Entreprises) mais qui se rendent compte après coup de la difficulté d’un véritable contrôle et/ou des coûts que le diagnostic de la situation et les recommandations qui s’ensuivent amèneraient dans leur budget si elles étaient suivies d’effet. Et ça les fait reculer…
Il y a enfin celles qui sont vraiment de bonne volonté et qui effectuent des avancées dans le concret. Mais même celles-là ont parfois la désagréable surprise de se voir critiquer par les ONG. En effet, les proclamations des acteurs du monde associatif à l’encontre des transnationales sont assez souvent unilatérales dans le point de vue, visant la perfection, ne se préoccupant aucunement du principe de réalité qui est celui du terrain dans lequel opère l’entreprise, pointant plutôt ce qui reste à faire que ce qui a déjà été fait…
ALC : Que faire pour changer la situation?
Greenpeace : L’industrie textile est complexe et beaucoup d’étapes au sein du processus de production reposent sur l’utilisation de produits chimiques, dont un grand nombre sont nocifs. C’est pourquoi il faut que les marques mondiales établissent des politiques de contrôle et d’élimination des produits dangereux tout au long de leur chaîne d’approvisionnement.
CLW : Rien ne peut être changé si les entreprises n’augmentent pas leurs côuts de production, et ne travaillent pas avec les usines pour améliorer la situation.
Vincent Commenne : Il faut en arriver à ce qu’une pression soit mise sur les entreprises pour qu’elles modifient en profondeur et sur la durée certains de leurs comportements.
Il faut qu’un maximum de pays occidentaux se dotent de législations obligeant les entreprises cotées en bourse soit à des audits sociaux et environnementaux annuels et dûment contrôlés, ou, à défaut, à devoir déclarer ce qu’elles font en matière sociétale (comme en France).
Il faut aussi qu’un maximum de pays occidentaux se dotent d’instruments juridiques qui avantagent fiscalement les entreprises qui se comportent de manière sociétalement saine.
En même temps, il est nécessaire qu’une grande sensibilisation à la consommation responsable soit menée conjointement par des ONG et les pouvoirs publics.
Il faut aussi que cette sensibilisation soit suffisamment qualitative et quantitative d’une part, et couplée avec une information sur « les produits éthiques et non éthiques » d’autre part, pour qu’une partie significative des consommateurs commencent à consommer en excluant certains produits et à faire connaître leurs choix. Cette dernière phrase est pour moi la clé d’une modification des comportements des transnationales.
A lire aussi : Travailler à en mourir : la galère des cols blancs chinois
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Article très intéressant, merci à ALC d’avoir pensé à fusionner les deux axes : exploitations sociale et écologique.
Dans la dernière partie (Que faire pour changer la situation?) , Greenpeace et CLW ne répondent pas, ils ne font que du Yakafokon. Seul Vincent Commenne indique ce qui pourrait servir de VERITABLE levier permettant un rapport de force efficace contre les multinationales et leur logique :
« Il faut aussi qu’un maximum de pays occidentaux se dotent d’instruments juridiques qui avantagent fiscalement les entreprises qui se comportent de manière sociétalement saine. »
Et j’ajouterais « et de manière écologiquement responsable ».
Mais les « avantages fiscaux », ce n’est pas assez, voire ce n’est pas ce qu’il faut puisque cela creuse le déficit de l’Etat. C’est un peu la carotte. Il faut surtout le baton, pour avoir un vrai rapport de force : à savoir la taxation douanière contre les produits qui ne soient pas socialement et écologiquement respectueux. Et là, vous aurez en cascade l’application automatique des autres mesures évoquées. De plus cela mènera forcément à la relocalisation de nombres d’industries, sur lesquelles le contrôle social et écologique pourra se faire bien plus efficacement, et avec une bien moindre empreinte écologique pour la part due au transport.
La seule solution pour enrayer les conditions de travail « inhumaines » et la pollution est l’enrichissement de la Chine. Lorsque les Chinois auront 10 000 euros de revenu par an, ces problemes seront regles. La France et l’Angleterre sont aussi passes par la : condition de travail « inhumaines » et pollution dans les usines d’il y a 60 ans que seul la croissance et donc l’augmentation des moyens de l’Etat a permis d’eradiquer.
Non, le problème ne sera pas réglé : il persistera au sein de la grande et multiple Chine, et surtout il sera délocalisé dans d’autres pays (Vietnam, Cambodge…).
Et la planète n’arrivera pas à résister écologiquement à une telle fuite en avant.
Y`a une verite : les ressources mondiales sont limitees.
Et quand l`un gagne, bien souvent l`autre peut perdre.
La Chine s`enrichit. L`Europe et les USA vivent au-dessus de leurs moyens et s`appauvrissent.
La balance commerciale.
Je rejoins Galanga sinon.
L’association Sherpa formule 46 propositions pour réguler les entreprises transnationales, téléchargeables sur m le lien suivant : http://asso-sherpa.org/sherpa-content/docs/programmes/GDH/publications/W…
Voir aussi l’interview de Yann Queinnec et William Bourdon dans le Nouvel Obs : http://bibliobs.nouvelobs.com/essais/20110512.OBS2977/vers-une-catastrop…
Bonne lecture et si vous avez le temps, vos réponses au sondage en ligne suivant seront fort bienvenues : https://www.surveymonkey.com/s/FPN2D8G
Bonjour M. Queinnec,
belle liste de yakafokon, et de mesures sans effet notable possible, car pour la plupart destinées à « contribuer au développement d’un contexte favorable au changement » (exemple pris page 27).
=> « contribuer » x « développer » x « contexte favorable » x « changement » : 4 niveaux, bravo, vous battez presque un record !
C’est comme d’améliorer la vue de celui qui a vu celui qui a vu celui qui a vu celui qui a vu l’ours.
Bref, sans intérêt pour moi, car trop timoré, trop peu concret, trop dans les considérations générales qui n’engage à rien dans les faits, voire instaurant des rapports de force contradictoires (la proposition 7 va forcément annuler dans les faits les propositions 5 et 6 : les petits prendront pour les gros), trop usine à gaz de production de chiffres et de chiffres par les entreprises elles-mêmes (et donc trop facile à trafiquer et à manipuler).
Bonsoir Galanga.
« Timoré », c’est amusant ;)! Vous n’avez manifestement pas eu ou pris le temps de lire le cahier de propositions, ce dont je ne peux vous blâmer en si peu de temps. Cette phrase extraite de son contexte pour exprimer un jugement aussi définitif, c’est un peu désinvolte. Je vous invite à prolonger votre lecture, vous y trouverez des carottes, des batons, le sujet clé de la responsabilité des sociétés mères par rapport à leurs filiales, des infractions de recel étendues, une brevetabilité d’intérêt générale, etc….
Détrompez-vous, j’en ai lu une bonne partie avant de répondre (en fait j’ai sauté tout ce qui concerne ce que j’appelle les « métriques », forcément inutiles car produites par les entreprises, et ça fait déjà beaucoup en moins à lire).
« le sujet clé de la responsabilité des sociétés mères par rapport à leurs filiales »
Changera rien. A Bhopal, Union Carbide était directement responsable de la catastrophe. Solution des actionnaires : fermer Union Carbide, recréer Dow Chemical. Et le patron de Union Carbide de l’époque se dore la pilule tranquille aux USA.
Votre proposition ne peut rien contre cela. A la rigueur, c’est la responsabilité UNIQUE (ou au moins systématique) des actionnaires qui doit être mise en oeuvre, « unique » car comme déjà indiqué, vos propositions 7 et 5 annuleront forcément la responsabilité voulue par la proposition 6 puisque les actionnaires n’auront qu’à dire comme Murdock « ah ben je ne savais pas » et ce seront les pions en dessous qui trinquerons. Et les même actionnaires continueront ailleurs la même chose, éventuellement sous un autre nom.
Sur l’extension du délit de recel, vos propositions ne peuvent CONCRETEMENT fonctionner que s’il y a moyen de prouver effectivement que la ressource a été « exploitée, prélevée de façon illicite ».
Or, pour cela, il faut des moyens locaux de police et de justice efficaces (et non corrompus), hors justement vous proposez cela parce que le problème est « particulièrement dans les pays dépourvus de cadre légal adapté ou d’infrastructures permettant de le mettre en œuvre. » Vous vous mordez la queue.
Se pose aussi insidieusement dans vos propositions le problème de l’ingérence, qui peut permettre à nombre de pays de critiquer de telles mesures (Si/Quand le Myanmar décide que c’est légal de piler les essences rares de ses forets, de quel droit et comment allez vous vous y opposer ?).
La solution n’est pas la pénalisation des fautes, mais la taxation douanière applicable de facto tant n’est pas prouvé le respect des normes sociales et environnementales. Bref, il faut inverser le sens : ce n’est pas à nous de prouver qu’ils ont fauté pour les punir le cas échéant, c’est à « eux » (les multinationales et leurs fournisseurs) de prouver qu’il sont cleans pour ne pas payer la (forte) taxe à l’importation. Avec la taxation douanière, c’est eux qui dans tous les cas supporteront le cout des mesures de protection des ressources et des êtres humains, et en même temps c’est eux qui auront aussi intérêt à que ces mesures de protection soient respectées, s’ils veulent vendre en Europe.
J’ai peut-être loupé une ligne caché quelque part, mais nulle part je n’ai vu que vous parliez de ce genre de taxation douanière.
Vos propositions restent en fait dans le cadre d’airain du néo-libéralisme mondialisé (cette saloperie de « concurrence libre et non faussée »), ce qui les rend forcément inopérantes. Et bien naïves.
Il faut inverser le rapport de FORCE, pas rester dans une vision d’utopique collaboration de la part de ces gens là.
Enfin, je n’ai pas compris comment peut fonctionner concrètement votre notion de « brevetabilité d’intérêt générale ». Désolé.
Mon exemple (de formulation entortillée à 4 niveaux) n’est pas isolé : tout votre rapport est truffé de ces « Promouvoir », « rendre plus transparent » et autres « Inciter », ce qui n’engage à rien. C’est aussi ce qui rend le tout si timoré ; quand on est dans un rapport de force, le vocabulaire compte énormément. Il faut IMPOSER, point final, sinon « ils » n’en auront rien à foutre.
Ne pensez-vous pas qu’essayer de régler le problème au niveau des sociétés transnationales revient à écoper le Titanic avec un dé à coudre ?
Que penseriez-vous de solutions basées sur une hyper taxation de l’usure au-delà d’un certain seuil. Je veux dire que faire de l’argent sur de l’argent serait taxé et les produits de ces taxes utiliser pour équilibrer les dégâts humains de la compétitivité industrielle.
Car aujourd’hui, l’industriel est menacé par un actionnariat qui peut le délaisser pour courir gagner gros sur des mouvements purement financiers et spéculatifs. Il doit lutter non seulement pour conserver ses clients mais aussi pour conserver ses actionnaires. Alors que conserver ses ouvriers est facile tant que le chômage reste élevé et les gains du travail réduit… ce qui encourage à maintenir l’iniquité du système (et à s’asseoir largement sur toute préoccupation éthique ou écologique).
En fait, l’industriel n’est pas en situation d’avoir une éthique, il essaye de survivre. Le spéculateur n’est pas non plus un démon, il réalise au mieux la fonction qui est la sienne dans un système donné. Il faut donc, pour la survie de tous et d’urgence, changer les règles de ce jeu suicidaire.
Il fut un temps où l’on pendait les usuriers car demander de recevoir plus d’argent qu’on en avait prêté était considéré comme d’une immoralité absolue. Il semble qu’imposer simplement par des règles strictes aux nouveaux usuriers de contribuer à éviter des régressions majeures de la civilisation globale n’a rien d’excessif.
Je suis assez d’accord avec Galanga… Il s’agit d’un rapport de force, des mesures incitatives ne changeront rien à l’affaire. Il faut « désarmer la finance », qui a désormais beaucoup trop de pouvoir dans le monde actuel. Il est intolérable que des actionnaires déconnectés de la réalité obligent les équipes dirigeantes des entreprises à obtenir des taux de rentabilité toujours plus hauts, au détriment de tout le reste… Sur cela, l’économiste Frédéric Lordon a fait une proposition intéressante qu’il apelle le SLAM (Shareholder Limited Action margin), qui consiste en une taxe qui, au dela d’un certain seuil de rentabilité (de quoi faire un peu de profit + d’investissement, soit max 7/8%), l’Etat prend tout. Ca à l’air d’être le seul moyen de casser la chaine de pression qui se déploie par repercussion tout au long de la chaine de production, de l’actionnaire au salarié moyen ou à l’ouvrier en passant par les équipes dirigeants. Pour en savoir plus, Frédéric Lordon détaille sa réflexion de manière très claire et didactique ici et ici.
Parfaitement d’accord. Le SLAM est un remède nécessaire
Comment on fait pour voter pour ?
benjieming, Jean : on s’est compris. Jean, vous avez parfaitement raison, la clef de voute est bel et « l’actionnariat » (en fait sa financiarisation), tous ceux qui sont en dessous ne sont que leurs pions au sein du système.
Pour voter pour le SLAM, excellente proposition du génial Lordon, c’est là et le candidat s’appelle Mélenchon (peut-être que d’autres partis le proposent, mais je n’ai pas trouvé) :
http://programme.lepartidegauche.fr/programme/5-chapitre-2–partager-les…
extrait :
– Pour lutter contre la volonté des actionnaires d’exiger des taux de profit exorbitants qui pousse certaines entreprises à fermer des usines alors qu’elles sont rentables, un niveau de rentabilité actionnariale maximale (dividendes + plus value de cession) au-delà duquel est appliqué un taux d’imposition confiscatoire sera fixé, à l’image du Slam.
Au Front de Gauche pour l’instant ils ne semblent le proposer que dans un cas particulier, mais je parie que ça démangera vite le Méluche de la propager à tous les autres cas possibles…
+1
dommage quand même qu’il n’y ai que mélenchon qui reprenne cette proposition qui devrait recevoir une approbation bien plus large…
oui, c’est un peu le problème. Mais s’il fait un score surprenant, ça peut aller dans le bon sens.
Car les chances de voir arriver à la présidence le candidat du SLAM sont de toutes façon incroyablement faible, même si une majorité de français seraient pour cette mesure pour peu que quelqu’un ait l’occasion de leur présenter ses tenants et aboutissants…
Galanga
Alors prenez des actions et intervenez en AG!
Quand à « tous ceux qui sont en dessous », c’est une abdication de principe qui sacrifie les salariés et citoyens consommateurs. Il y a plus mobilisateur ! Surtout lorsque l’on constate le vivier de prérogatives non utilisées!
Je ne vois pas dans vos échanges de référence à l’autre côté de la chaîne, à savoir le levier de la demande qui doit prendre l’ascendant. Bulletin de vote et paiement à la caisse vont de pair. Cela nécessite de remettre les M Edouard Leclerc et consorts à leur place, eux qui prétendent défendre le pouvoir d’achat des français en mettant leurs fournisseurs (parfois employeurs de leurs clients) sous pression et à coup d’aspirateurs à 29,90 euros produits dans des conditions lamentables et…en rade après 3 mois d’utilisation.
L’article L.121-1 du Code de la consommation entré en vigueur 2008 qualifie la violation des codes de conduite de « pratique commerciale trompeuse » (ex « publicité mensongère »). Connaissez-vous une seule grande entreprise qui ne dispose pas d’un code de conduite ? Imaginer l’impact de cet article utilisé efficacement par les clients, consommateurs et acheteurs publics. Personne ne l’a utilisé à ce jour. Les équipes de juristes de l’association Sherpa y travaillent, il s’agit de ne pas se planter, les premières décisions seront importantes…
Une dernière remarque : je suis toujours surpris de ces critiques en bloc, exprimées anonymement de surcroît et qui transforment souvent des alliés potentiels en petits clochers ennemis, facteurs d’inertie. C’est parfois de la maladresse, parfois aussi un manque de respect, une indignité comme j’en croise depuis des années à Bruxelles, l’ocde ou dans le cadre du Grenelle de l’environnement avec nos interlocuteurs du monde du business…Galanga, rassurez-moi, vous n’êtes pas le faux nez d’une grande capitalisation boursière ?
Benjieming
Je découvre le SLAM (merci!) et cela me paraît très intéressant en effet. La fiscalité est évidemment un levier essentiel, quand elle n’est pas détournée… Mais à elle seule elle ne modifiera pas fondamentalement l’écosystème.
Jean
Ne pas s’intéresser à la régulation des entreprises transnationales c’est laisser prospérer sans encadrement adapté des entités surpuissantes (sur les 100 plus grandes entités économiques, plus des 2/3 sont désormais des entreprises et non des Etats) sans compter que 60% du commerce international se fait intra-groupes. Dans ce contexte, la taxation est assurément un outil, mais pas suffisant pour appréhender toute la complexité du défi.
Galanga
Faire peser la charge de la preuve sur les entreprises, fort bien (c’est d’ailleurs l’effet obtenu par une obligation de reporting social et environnemental, prop n°9) mais comment les services douaniers seraient-ils en mesure d’évaluer les preuves de respect des normes sociales et environnementales apportées par les entreprises, sans outil de mesure ? Vous semblez jeter la métrique avec l’eau du bain, en considérant les entreprises comme les seules productrices et émettrices d’information…N’est-ce-pas se mordre la queue ? Vous semblez nier aux citoyens la possibilité de participer à ces mesures, or c’est l’affaire de tous !
Vous ne l’avez peut-être pas noté mais le propos du cahier consiste à utiliser les ressorts de ces mots clés « développement durable » et « concurrence libre et non faussée » qui présentent le grand avantage d’être présents dans tous les agendas publics et privés. Pour le pire aujourd’hui tant le premier est récupéré, instrumentalisé et la seconde dénuée de réalité, laissée aux apôtres de l’ultralibéralisme.
Les travaux que nous menons (avec d’autres) consistent ni plus ni moins à utiliser ces notions et les transformer en ce que vous entendez par barrières douanières, ce qui est moins consensuel, vous en conviendrez. Ceci explique que nous n’ayons pas cédé à la facilité de proposer frontalement le principe d’une taxation douanière, la naïveté que vous dénoncez est de façade…ne tombez pas dans le panneau !
L’évolution du droit face à l’effacement des frontières des droits nationaux (au profit des transnationales qui jonglent, jonglent, jonglent…) passe par l’extraterritorialité. Ce que vous présentez comme de l’ingérence est déjà à l’œuvre. Un exemple récent, la décision de la chambre criminelle de la cour de cassation du 9 novembre 2010 qui juge recevable transparence International à poursuivre des chefs d’Etat étrangers (et leur complices…à savoir en particulier les banques, il s’agit du dossier dit des BMA) pour détournement de fonds publics. C’est un précédent international utile (au passage le fruit du travail juridique de Sherpa depuis 2007) pour toutes les organisations et citoyens luttant contre la corruption qui se voient ainsi reconnaître un intérêt à agir, mais peut-être la jugez vous timorée car l’obstacle politique ne manquera pas de se REprésenter à l’issue de l’instruction en cours en France…
Cette évolution du droit est valable pour la mise en cause des entreprises transnationales et les échecs judiciaires que vous citez sont autant d’arguments de plaidoyer pour changer les règles de droit international privé (objet de propositions dans le cahier de Sherpa…la commission européenne commence à bouger, résultat d’un lobby depuis 2007). N’empêche ces jurisprudences (seulement une ridicule cinquantaine réunissant ces éléments d’extranéité depuis 50 ans, plusieurs initiées par Sherpa étant pendantes devant les juridictions françaises) posent des jalons, parlons-en dans quelques années.
Ce ne sont pas les métriques que je rejette, c’est le fait que vos métriques sont produites par les entreprises elles-mêmes. Il faut évidemment des mesures, mais elles ne peuvent être menées que de manière indépendante, aléatoire et impromptue (par des organismes indépendants, payés par les entreprises de manière forfaitaire et par les Etats).
Votre argument comme quoi vos mesurettes ont pour but de mener à l’instauration des « barrières douanières » et que c’est exprès que vous êtes « consensuel », j’ai deux choses à vous dire :
– vous me prenez vraiment pour une buse
– ou bien vous êtes encore plus naïf que je ne croyais.
Ne pas assumer les mesures que l’on pense être nécessaire c’est d’une part laisser la sémantique des ennemis se répandre et d’autre part ne pas permettre qu’ai lieu le débat démocratique, puisque les vrais alternatives ne sont pas énoncées.
Sur l’ingérence, je dis que c’est un boomerang, car ceux que vous essayerez de contrôler ainsi pourront rejeter ce contrôle sous l’argument que ce serait du nouveau colonialisme ou impérialisme, ou carrément pourrait considérer que eux aussi peuvent mettre leur nez dans nos pays dits démocratiques, et imposer leurs règles.
C’est là un jeu très dangereux, et dont les premiers à bénéficier seront encore les multinationales.
Et dans quelques années, c’est trop tard. Tout l’écosystème qui nous permet de vivre et les règles sociales qui nous protègent auront été laminées d’ici à quelques années.
C’est maintenant qu’il faut affronter, violemment et de manière franche et publiquement claire, ces menaces.
Nous sommes d’accord sur le but ; nous sommes en profond désaccord sur la méthode.
l
Si j’en crois les silences de l’article, les marques chinoises seraient donc vertueuses (la production de Lenovo et LiNing se réduirait-elle à un semi-remorque par an?) et le gouvernement chinois n’a aucun rôle à jouer dans l’affaire…
J’ai raté un épisode ou les ONG sus-nommées ont des œillères taille XXXL?
Marco Polo
Si je peux me permettre, pas de conclusions hâtives sur les silences journalistiques…