Le projet était ambitieux : des marécages de l’ouest de l’île de Chongming, près de Shanghai, devait sortir une éco-ville exemplaire avant l’Expo 2010. Mais depuis quelques temps, constructeurs, organisateurs et officiels se font plus discrets. Mais ou est passée Dongtan ?

Cela faisait des années que l’on en parlait. Avec Dongtan, éco-ville exemplaire sur tous les plans, le gouvernement chinois voulait prouver au monde son volontarisme écologique. C’est donc en grande pompe que le projet avait été lancé en 2005 à Londres, en présence de Hu Jintao et Tony blair, ce dernier prédisant à l’occasion que « la Grande-Bretagne et la Chine seront les leader mondiaux de la création d’éco-villes. »
La société « Shanghai Industrial Investment Corporation » (SIIC), responsable du projet, avait fait appel pour la conception a la société britannique ARUP, qui avait par la suite décroché des contrats sur des installations olympiques telles que le nid d’oiseau et le cube d’eau à Pékin grâce à l’aura obtenue via le projet Dongtan.
Inspiré par l’éco-quartier « BedZED » à Londres, le projet, d’un coût de plusieurs milliards de dollars, était ambitieux. Il aurait du être construit dans une zone marécageuse de l’île de Chongming près de Shanghai, à l’embouchure du fleuve Yangzi. La ville devait être totalement autonome en énergie. Eoliennes, constructions positives en énergies, utilisation de la biomasse, transports en commun à énergie solaire… Les concepteurs avaient vu grand. Il était également prévu, entre autres choses, de munir les bâtiments de toits végétaux pour recycler les eaux de pluie, d’utiliser des matériaux de construction locaux, et même d’installer autour de la ville des fermes biologiques pour nourrir les habitants.
Utilisant toutes les dernières innovations en matière d’écologie, Dongtan aurait donc pu se targuer d’une empreinte carbone minimale. Elle devait être la première d’une série de villes similaires, dans une Chine en développement dont certains estiment qu’elle devra construire 400 villes nouvelles d’ici avant 2020.
Un effet d’annonce ?
Pourtant, ces derniers temps, les informations sur Dongtan se font rares et confuses.
Sur le site de l’Exposition universelle, plus aucune mention de Dongtan, alors que l’inauguration de l’éco-ville était annoncée depuis longtemps comme l’un des moments forts de Shanghai 2010. Même vide intégral sur le site d’ARUP : d’anciens liens internet vers la page du projet renvoient désormais à une « erreur 404 ». Quand au site officiel de la peut-être-future-ville, la version anglaise n’existe plus, alors que la version chinoise annonce toujours l’inauguration pour l’Exposition universelle.
Contacté par ALC, ARUP explique que le projet est suspendu depuis deux ans déjà et dit ne pas être au courant des raisons de cette interruption. En 2008, le responsable du projet chez ARUP, M.Wood, avait pourtant déclaré pour justifier le retard des travaux : « A Shanghai, il faut renouveler les permis de construire tous les ans, et nous sommes actuellement toujours en attente ». Il est également possible que le projet ait été arrêté après que Chen Liangyu, ancien maire de Shanghai et rival de longue date de Hu Jintao, ait écopé de 18 ans de prison pour corruption en 2006. M.Chen avait été le principal soutien du projet Dongtan et, depuis sa destitution, les autorités tardent à reprendre en main le projet.
Quoi qu’il en soit, les rumeurs vont bon train au sujet de Dongtan. Des architectes étrangers en Chine murmurent qu’il s’agissait d’un simple effet d’annonce, destiné notamment à donner de la visibilité à ARUP. Certains soupçonnent même que le projet n’ait jamais eu pour but d’être réalisé, étant donné le délai fixé pour les travaux, intenable dès le début, même pour la Chine, selon eux.
Une seule chose est sûre : vous ne pourrez pas visiter Dongtan lors de l’Exposition universelle. Mais d’autres projets sont en cours, même s’ils sont moins ambitieux. Le quartier de Xinjiang Wan devrait ainsi voir le jour en 2010 au nord-est de Shanghai, sur un ancien terrain militaire en bordure du Huangpu. Plus insolite, le village écolo de Cao Tian Ba, dans le Yunnan, qui a réduit sa consommation énergétique en se dotant de la panoplie complète des énergies renouvelables grâce à des investissements publics et individuels.
D’autres projets d’envergure sont également en gestation en Chine, dont deux éco-villes, l’une dans le Jiangsu, l’autre près de Pékin, toutes deux développées par ARUP.
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