Décembre, sa neige, ses fêtes, ses cadeaux… et ses procès.

23 décembre, l’écrivain et activiste Chen Wei est condamné à 9 ans de prison. 26 décembre, Chen Xi, également écrivain, est enfermé pour 10 ans. 29 décembre, l’avocate Ni Yulan et son mari, Dong Jiqin, sont jugés à Pékin pour « provocation de troubles » entre autres charges.
Trois procès d’activistes, de quelques heures chacun, à peu de jours d’intervalle. A en croire les associations de défense des Droits de l’Homme, il ne s’agit pas d’un hasard.
« Une pratique habituelle »
« Choisir la période de Noël pour juger des dissidents est une pratique habituelle du régime communiste chinois. », déclare Pu Fei, du réseau chinois Tianwang à NTDTV. En cette saison festive, l’attention des médias et de la communauté internationale est ailleurs, et les condamnations passeraient ainsi inaperçues. Une stratégie plus ou moins opérante. La condamnation de Liu Xiaobo un 25 décembre n’a pas empêché le jury norvégien de lui remettre le Prix Nobel l’année suivante.
Comme lui, les condamnés de décembre ne sont pas des anonymes. Intellectuels, reconnus à l’étranger pour leur engagement, ils sont les visages de ces dissidents chinois dont on parle en Occident.
Faire taire les voix dissonantes
Chen Xi et Chen Wei, déjà connus pour leur implication dans les évènements de Tien An Men en 1989, ont chacun signé la Charte 08 qui vaut son emprisonnement à Liu Xiaobo et publié des articles pro-démocratiques sur des sites étrangers. Pour son action contre les expropriations, l’avocate Ni Yulan est lauréate de la Tulipe des Droits de l’Homme, un prix hollandais décerné le 22 décembre dernier.
Démocratie, Droits de l’Homme, Expropriations, ils donnent voix à des problématiques particulièrement sensibles et l’ancienneté de leur engagement leur procure une portée de parole et une légitimité déplaisante pour les autorités. Ils ne sont pas isolés. Chen Xi est l’un des animateurs du Guizhou Human Right Forum, une organisation désormais illégale, selon Amnesty. Et les pétitionnaires et sympathisants rassemblés pour le procès de Ni Yulan, en dépit d’une forte présence policière, rappellent l’appui dont elle bénéficie.
Un peu trop connus, un peu trop militants, les trois intellectuels doivent être enfermés, le plus discrètement possible.
Des procès accélérés
Efficace ou non, la justice chinoise a donc relancé sa tradition des procès de Noël, tout en accélérant légèrement les procédures.
En quelques heures, Chen Wei et Chen Xi ont été respectivement condamnés à 9 et 10 ans de prison. « Une vraie performance. » commente la compagne de Chen Wei pour la BBC. Bien que le procès de Ni Yulan et de son époux se soit terminé en une matinée hier, aucune sentence n’a encore été prononcée mais leur fille ne se fait pas d’illusion sur le verdict. « Il ne s’agit clairement pas d’une procédure normale, et je crains que la peine soit lourde. » a-t-elle déclaré hier aux reporters devant le tribunal.
Les avocats eux se plaignent de ces jugements rapides et sévères où la défense n’a pas la parole. Pourquoi la lui laisser, si, comme le dénoncent les associations des Droits de l’Homme, l’issue du procès est décidée en amont ?
Alors que des manifestations agitent encore le sud de la Chine après plusieurs mois de troubles et que le PCC prépare le renouvellement de ses têtes dirigeantes, il s’agirait avant tout de se débarrasser des gêneurs. Et de conclure en beauté une année particulièrement répressive.
Une année de répression
De la vague d’arrestations consécutive à des appels anonymes sur le net pour une « révolution jasmin » à la répression et l’intimidation des candidats indépendants aux élections locales, 2011 a été particulièrement difficile pour les militants chinois.
« C’est de pire en pire » a estimé le nouvel ambassadeur des Etats-Unis Gary Locke, il y a quelques semaines, « Je pense que ces derniers mois, ou cette dernière année, nous avons assisté à une évolution et des incidents qui constituent un important sujet de préoccupation. ».
Pour Dong Xuan, fille de Ni Yulan, une réaction des pays étrangers est nécessaire. « Sans leur soutien, je crois que le gouvernement chinois ne prendra jamais conscience de l’horreur de son comportement. » déclare-t-elle au Daily Telegraph.
Du côté des diplomates, l’ambassadeur Markus Ederer assure que l’Union Européenne est « profondément concernée » par la condamnation de Chen Wei, tandis que son homologue américain déplore la situation du Prix Nobel Liu Xiaobo.
Deux ans après sa condamnation dénoncée par la communauté internationale, celui-ci passera encore une fois le nouvel an en prison.
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Effectivement les condamnations de fin d’année passent inaperçues ou presque en Occident…