Dans le monde shanghaïen de la nuit, bon nombre de DJs sont occidentaux. Mais les soirées sont encore souvent trop chères pour les Chinois. Les DJ tablent sur la croissance économique pour petit à petit fidéliser le public local. Deux Français témoignent sur ce métier particulier, qui demande de la persévérance et une bonne dose de dynamisme.

Damien et Benjamin Roussel ont débarqué à Shanghai en octobre dernier, l’un un BTS de communication en poche, l’autre détenant un BEP d’une école de commerce.
Ces deux frères de 21 et 18 ans souhaitaient partir à l’étranger, ils ont choisi la Chine pour son marché en essor. Damien avait été DJ à Paris dans des discothèques comme Amnesia ou les Bains, « mais ce n’était pas évident, vus mon jeune âge et la concurrence ».
Aidé de son jeune frère Benjamin, négociateur des contrats, il a vite réussi à mixer à Shanghai. « Le VIP Room et le Mint ont accepté de me tester, puis ont proposé d’autres afters (comprendre « deuxième partie de soirée ») », relate Damien.
Une rencontre avec Raymond Lewin, patron de l’établissement shanghaïen La maison leur a fait changer un temps de direction : ils sont partis à Sanya ouvrir avec lui un restaurant club. « Mais ici on est isolé, il y a plus à faire à Shanghai ».
Les deux Parisiens reviendront travailler à Shanghai en septembre, tout en gardant leur commerce à Sanya. Optimiste, Damien espère pouvoir continuer à y apporter sa « touche personnelle » dans l’Electro, la house, l’Electro funky.
Pierre Laret, 28 ans, est plus pessimiste. Ce guitariste a été DJ à plein temps pendant plus d’un an et demi à Shanghai, après avoir fait partie du collectif de DJ parisien « 24 heures ».
Maintenant, s’il mixe toujours, il est surtout consultant indépendant en musique pour de grosses sociétés. « Dans les clubs où nous travaillons, le public est surtout constitué d’expatriés de passage ou qui restent maximum trois ans. C’est difficile d’avoir un public régulier. Jouer pour les jeunes Chinois est le plus intéressant, mais les soirées sont souvent trop chères pour eux. On n’apporte pas grand-chose au monde musical local.»
De renchérir : « Etre DJ demande beaucoup de concessions. J’ai été parfois coupé dans mon travail par des danseurs qui devaient monter sur scène, cassant toute l’atmosphère que j’avais mise en place. Ce manque de respect pour nous et la censure commerciale sont usants.
Et si on est résident (DJ permanent d’un club), on ne peut refuser les décisions du club. » Sans compter les discothèques qui ouvrent et ferment rapidement à Shanghai, le métier de DJ est d’autant plus instable qu’il n’y a pas vraiment de statut.
Une soirée peut être annulée au dernier moment pour manque de licence. Sans oublier les spécificités de cette profession : « On vit la nuit, on se réveille tard, les oreilles s’abîment. Et ce n’est pas très constructif pour l’avenir », témoigne Pierre Laret.
Une dizaine de Français ont percé à Shanghai, aux côtés des nombreux anglophones. Si certains débutent comme DJ à Shanghai par le simple fait d’être occidentaux, il faut encore tenir sur la durée et montrer ses talents.
« Cela exige de solides connaissances musicales et une passion pour la musique. Ce métier revient à tapisser un lieu particulier, en fonction de l’heure et de la clientèle », explique Pierre Laret.
En fonction de ses relations et des prestations, le DJ peut gagner jusqu’à 40 000 ou 60 000 RMB (entre 4 et 6.000 euros)