Accompagné de son épouse, de ministres et de chefs d’entreprise, le président français a débuté mercredi une visite de trois jours en Chine, un pays qui a pour lui été un casse-tête. Les relations diplomatiques enfin apaisées, il lui reste une épreuve : essayer de gagner le coeur du peuple chinois, qui a du mal à cerner le personnage.

Depuis un an, chaque officiel français en visite à Pékin le répète à qui veut l’entendre, les relations entre les deux pays sont reparties « à la vitesse du TGV ». La brouille, déclenchée par le passage chaotique de la flamme olympique à Paris au printemps 2008, puis par la rencontre du président français avec le dalaï lama en Pologne en décembre de la même année, appartient au passé, martèlent les deux capitales. La visite du président français doit entériner ce nouveau départ des relations bilatérales.
Nicolas Sarkozy est arrivé mercredi matin en Chine et a débuté sa visite d’Etat par se rendre à Xi’An, pour visiter l’armée de terre cuite, avant d’atterrir en début d’après-midi à Pékin, où il est reçu par Hu Jintao au Palais du Peuple, place Tiananmen. Accompagné de son épouse, il se rendra jeudi sur la Grande muraille de Chine puis s’entretiendra avec le président de l’Assemblée chinoise, Wu Bangguo. Le président français est accompagné de cinq ministres, dont Bernard Kouchner, en charge des Affaires étrangères et Christine Lagarde, ministre de l’Economie, déjà venue en décembre aux côtés de François Fillon et en octobre dernier. Des parlementaires, des chefs d’entreprises et la présidente du MEDEF font également le déplacement. Après avoir également vu le Premier ministre Wen Jiabao à Pékin, la délégation s’envolera pour Shanghai, où le président français inaugurera le pavillon français sur le site de l’Exposition universelle et assistera à la cérémonie d’ouverture, après avoir dîné de nouveau avec son homologue chinois.
La seule visite d’Etat pour l’ouverture de l’Expo universelle
Les médias locaux ne manquent pas de souligner que M. Sarkozy est l’un des rares présidents étrangers à faire le déplacement à Shanghai pour l’occasion et même le seul à effectuer une visite d’état à ce moment précis, en étant reçu avec les honneurs à Pékin. Les autres chefs d’Etats se rendront plutôt sur le site de l’Expo pour la journée de leurs pays respectifs. Alors que la cérémonie est annoncée comme une nouvelle démonstration de sa puissance, la Chine est donc reconnaissante.
Au cours de ces trois jours, pas de contrat du siècle en vue. Il faudra pour cela attendre que Hu Jintao vienne à son tour à Paris, à l’automne prochain. Les contrats ne sont pas l’objectif de cette visite, explique dans un entretien au quotidien économique La Tribune le sénateur Jean-Pierre Raffarin, devenu le sherpa des relations franco-chinoises dans la tempête et qui a multiplié les aller-retour au cours de ces deux années tumultueuses, au point de se voir proposer le poste d’Ambassadeur à Pékin, qu’il a refusé. L’objectif est tout autre : « renforcer le partenariat stratégique ». Autrement dit, laisser le passé derrière, et discuter à l’occasion des grandes questions internationales. Mercredi, un éditorial publié dans le China Daily souligne que « le passé est le passé.
Dans un entretien donné à l’agence Chine Nouvelle, le président souligne qu’il « y a eu entre nos deux pays des incompréhensions » mais qu’elles « sont aujourd’hui derrière nous ».
Pour son quatrième passage en Chine depuis le début de son mandat, le président Sarkozy devra pourtant relever un défi : gagner le coeur de l’opinion chinoise. Car s’il est revenu en grâce auprès des responsables politiques, le peuple lui tient toujours rigueur d’avoir rencontré le prix Nobel tibétain surnommé ici le « loup en habit de moine » et d’avoir manqué de constance envers ce pays, surfant sur sa puissance retrouvée et qui ne tolère pas les affronts.
En posant la question dans les rues de la capitale, l’on constate rapidement que le pari n’est pas encore gagné. « Sakeqi, le Français ? » demande M. Xu, qui travaille dans l’hôtellerie et marche d’un pas pressé sur le trottoir d’une large avenue de l’est de la capitale. « Les Chinois ne l’aiment pas, il a été dur avec le pays pendant les Jeux olympiques, il fallait s’excuser avant, qu’il vienne à l’Expo ne change rien pour moi ».
L’ombre de Chirac, encore et toujours
Yin Nan, journaliste au magazine de la jeunesse, s’intéresse plus au personnage et s’arrête volontiers quelques minutes pour donner donner son avis. « Nous connaissons mieux sa vie people, son épouse est glamour. Je sais cependant qu’il veut interdire aux femmes de porter la burqa, même si elles le veulent, et même aux touristes de passage. Honnêtement je ne sais pas trop quoi penser de cela. Mais j’ai l’impression qu’il travaille d’abord sur les sujets médiatiques, les sujets qui vont faire le buzz », analyse la jeune femme.
« Par rapport à nos dirigeants ici ? C’est assez difficile de faire la comparaison, ce sont deux pays et deux régimes très différents dit-elle. Mais je trouve que dans sa façon de gérer les relations avec notre pays, il est moins bon que son prédécesseur, Chirac » conclut-elle.
Pour Jin Canrong, professeur à l’Ecole d’études internationales de l’Université du Peuple, Nicolas Sarkozy intrigue les Chinois parce qu’il est tout à fait différent de l’image qu’ils ont traditionnellement d’un président français. « Certains trouvent que la politique de Sarkozy est très changeante » expliquait-il lors d’un récent entretien à Aujourd’hui la Chine. « Il a par ailleurs une épouse très célèbre, ce qui fait ici l’objet de discussions. ». Si ses déclarations avant les Jeux olympiques ont suscité ici le mécontentement, notait M. Jin, « maintenant qu’il a passé la moitié de son mandat, il est probable qu’il sera réélu et je crois que son image auprès des Chinois va s’améliorer à l’avenir ».
Sur les sujets qui fâchent, une question de ton
Le printemps diplomatique revenu, le seul nuage à l’horizon est l’éternel et épineux sujet des droits de l’Homme et la question tibétaine. Venu aplanir le terrain cet hiver, le Premier ministre François Fillon avait décidé d’une manière inédite que cette question particulière était du ressort de l’Union Européenne et l’avait reléguée au second plan. Cette fois-ci, plus question de se renvoyer la balle, d’autant que le président de la Commission européenne sera en Chine au même moment, accompagné de la représentante de l’Union européenne pour les relations extérieures Catherine Ashton.
Un collectif de huit associations, dont Amnesty France et Reporters sans Frontières ont appelé à ce que ces deux délégations profitent de l’occasion pour « apporter un soutien sans faille aux militants des droits humains et de la démocratie dans le pays ».
Le président français pourra difficilement faire l’impasse sur ces sujets délicats, il risquerait de créer un malaise dans l’opinion publique de son pays. Les leaders politiques chinois sont habitués à entendre leurs hôtes leur parler de telle ou telle préoccupation. Le ton sur lequel Nicolas Sarkozy le fera pourrait déterminer du déroulement du second acte de ses relations avec la Chine.