La sinologue Marie-Claire Bergère a choisi de démonter un mythe qui a la peau dure : la Chine serait devenue capitaliste… Sous-entendu, comme chez nous.

Le titre de son livre donne la réponse : « Le nouveau capitalisme d’Etat ». Le mot-clé, ici, est « Etat », et donc le Parti communiste chinois (PCC), qui se confond avec l’Etat pour en contrôler les moindres rouages, y compris, donc, ceux de l’économie.
Certes, cette conclusion est donnée à voir à tous ceux qui prennent la peine d’observer. Mais le livre de Marie-Claire Bergère s’adresse à ceux qui ont tranché de manière superficielle que la Chine se serait convertie au capitalisme, en sous-entendant qu’elle finirait ainsi par évoluer vers la démocratie à l’occidentale.
De manière très convaincante, Marie-Claire Bergère, qui s’était déjà intéressée dans un ouvrage précédent (« Capitalismes et capitalistes en Chine », Perrin, 2007) à la classe dominante dans la période pré-maoïste, explique le résultat de trois décennies de réformes économiques en Chine.
Vainqueur : le capitalisme d’Etat
Elle relève que, contrairement à ce que beaucoup pensaient, le grand vainqueur est ce capitalisme d’Etat, né sur les décombres de l’échec de l’économie dirigée de l’ère maoïste. Quand Pékin fermait des milliers d’entreprises, licenciait massivement les ouvriers des grands complexes industriels du nord-est de la Chine, privatisait à tour de bras, il ne liquidait pas le secteur public mais faisait du darwinisme économique.
Les plus forts ont survécu et ont prospéré. En particulier ces quelque 120 à 170 entreprises géantes, directement gérées par le pouvoir central, aux actifs totalisant plusieurs centaines de milliards de dollars. Elles constituent autant de « champions nationaux » dans leurs secteurs à concurrence limitée (banque et finance, télécoms, énergie, pétrochimie, industrie lourde, transports, travaux publics, etc), en train de devenir aussi des multinationales, présentes dans 180 pays au monde.
Leurs dirigeants sont aussi des cadres du Parti, parfois membres du Comité central, leurs carrières dépendent autant de leurs résultats financiers que de leur loyauté politique, et ils peuvent se retrouver dans l’appareil d’Etat sur simple décret.
Marie-Claire Bergère raconte :
« Sur leur bureau, l’ordinateur trône près du téléphone rouge : le premier leur permet de suivre l’évolution des cotations en Bourse, et le second de rester en contact avec les hiérarques du parti et du gouvernement. Ils gardent ainsi un œil fixé sur le succès de leur entreprise et l’autre sur leurs perspectives de promotion bureaucratique ou politique. »
La part de ce secteur public dans le PIB chinois a dramatiquement diminué en trente ans, passant de 90% à 30%. Mais c’est l’épine dorsale de l’expansion économique chinoise, nationale et internationale, dont le poids a de surcroît été renforcé par les différents plans de relance du gouvernement depuis la crise de 2008-2009.
Secteur privé fragilisé
Quant au secteur privé, il a certes énormément progressé depuis trente ans, bénéficiant notamment de la légalisation de son existence, mais il est loin de lutter à armes égales avec le secteur public. L’accès au crédit lui est plus difficile, la Bourse lui est quasiment fermée, et il n’est pas à l’abri de l’arbitraire en l’absence d’une justice indépendante.
Résultat, selon Marie-Claire Bergère :
« Pour remédier à leur vulnérabilité, beaucoup d’entreprises privées cherchent à se rapprocher du pouvoir. Les plus prospères sont en effet celles dont les dirigeants ont les meilleures relations avec les autorités, celles qui ont à leur tête des cadres, ex-cadres ou parents de cadres agissant à titre individuel, tout en bénéficiant de leurs relations officielles. »
Là où les analystes occidentaux les plus naïfs pensaient voir émerger une « bourgeoisie » chinoise autonome, susceptible de rivaliser avec le Parti communiste, a émergé une nouvelle catégorie de « clients » du Parti, dont ce dernier prend bien soin d’éviter qu’elle puisse s’organiser de manière indépendante. Un capitalisme de connivence, teinté de népotisme et de corruption à tous les niveaux.
Reste une troisième catégorie, la zone grise, celle de ces entreprises dont on ne sait plus si elles sont publiques ou privées, tant les zones d’opacité sont grandes. Exemple typique : l’équipementier télécoms Huawei, objet de nombreuses polémiques à l’étranger, et qui a connu une croissance fabuleuse en jouant de son statut ambigu et du soutien discret de l’Etat et du Parti.
Le Parti aux commandes
Cette déconstruction du mythe du capitalisme chinois a au moins le mérite de recadrer l’analyse : le PCC reste fermement aux commandes de l’économie chinoise, au moment où elle devient progressivement la première au monde.
Le journaliste australien Richard McGregor avait déjà montré dans son livre « The Party. The secret world of China’s communist rulers » (Harper Collins, 2010) comment le fonctionnement du PCC s’était adapté aux changements de l’économie chinoise. Marie-Claire Bergère poursuit l’analyse du point de vue des entreprises.
C’est sans précédent, et cet étatisme donne à l’émergence chinoise au XXIe siècle toute sa force et sa singularité, y compris par rapport aux autres pays émergents.
Cette réalité est celle dont hérite Xi Jinping, le nouveau numéro un chinois qui, de toute évidence, s’efforcera de poursuivre la modernisation de l’économie et de l’Etat chinois, sans rien lâcher du pouvoir du parti.
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Et réciproquement, il serait naïf de croire que l’Etat n’a pas son mot à dire dans les grands groupes des pays capitalistes. Les grands acteurs des industries stratégiques dans un pays comme les USA ne sont pas « libres » de faire n’importe quel choix.
Ce modèle chinois fonctionne finalement avec une indéniable efficacité. Un modèle comme le cas singapourien (libéralisme sous contrôle strict de l’Etat) a servi d’inspiration à Zhu Rongji.
Ce mode de fonctionnement a ses propres limites mais on est loin de l’effondrement annoncé régulièrement par quelques économistes. Cela fait quelques dizaines d’années que je fréquente la Chine et régulièrement, j’entends des experts annoncer que l’économie chinoise va s’effondrer « l’année prochaine ». J’ai ainsi assisté à des exposés d’énarques connus, de ceux qui vous expliquent la Chine après une visite de trois jours, exposés dans lesquels on nous prédisait la catastrophe imminente…
Au delà et sans forcement parler du cas de la Chine, je ne comprends pas pourquoi il parait évident à tout le monde que la conversion au capitalisme conduise à la démocratie. Quel est le rapport ?
Je comprends que l’on puisse faire le lien entre l’emergence d’une classe moyenne (études, ouverture d’esprit etc) et l’aspiration à la démocratie.
Enrichissement=>études plus poussées=>démocratie. dans ce sens là pourquoi pas. De toute façon c’est le programme des dirigeants chinois qui privilegient l’élévation global du niveau de vie, avant d’envisager la démocratie
Mais dans l’autre sens ? démocratie=>études=>enrichissement… ?
« sinologue Marie-Claire Bergère a choisi de démonter un mythe qui a la peau dure : la Chine serait devenue capitaliste… Sous-entendu, comme chez nous. »
Faut il porter l’étiquette ou le titre de Sinologue pour faire une telle analogie ? en 2013 ?!??
J’ai donné des lectures à des PhD et à qui je déclarais (en 2004) devant +800 candidats : La Chine n’est pas un pays Capitaliste mais Hyper Capitaliste.
Certains applaudissaient, d’autres éclataient de rire, qq’uns étaient terrifier et j’en ai même vu prendre la fuite. lol
» Les grands acteurs des industries stratégiques dans un pays comme les USA ne sont pas « libres » de faire n’importe quel choix. »
C’est complètement faux.
Par exemple le Health Care a tenu en échec Obama. Les géants pétroliers refusent le protocole de Kyoto, etc … Les 2 lobbyistes du béton/ciment aux USA poussent aux dépeuplement des forets US, ni les Fed. ni l’avis du publique ne peuvent rien y faire … Quand Microsoft menaçait le Gov. Bush de s’exiler en Inde, Monkey George est rentré bien sagement dans son cirque.
« Il serait naïf de croire que l’Etat n’a pas son mot à dire dans les grands groupes des pays capitalistes. »
En fait ceux sont les lobbyistes et aussi qq grand cabinets d’avocats qui mènent de la baguette la plus part de Gov. Capitalistes. En France, je les appelle des Sionistes (tout comme aux US) et là je deviens raciste. Il y a tant à dire des guerres économiques …
« la conversion au capitalisme conduise à la démocratie. Quel est le rapport ? »
Les marchés de la libre entreprise sont expliqués (démontrés) comme étant la source de la démocratie. Le reste … les études, l’intellectualisme n’en sont que des débouchés lucratives.
« L’économie chinoise va s’effondrer »
L’économie Chinoise s’effondrera qd l’Europe déposera le bilan.
« Là où les analystes occidentaux les plus naïfs pensaient voir émerger une « bourgeoisie » chinoise autonome, susceptible de rivaliser avec le Parti communiste, a émergé une nouvelle catégorie de « clients » du Parti, dont ce dernier prend bien soin d’éviter qu’elle puisse s’organiser de manière indépendante. »
Pauvre con !
Chaque mois des containers entiers de billets rouges et verts sortent du pays pour s’engouffrer dans les économie occidentales. Et pour n’en citer qu’une, HSBC est un vrai vaccum …
3 principales raisons du pq l’état contrôle les entreprises sont que le secteur privé se refuse de payer ses tax – ne se soumet pas aux normes anti-pollution – et ne respecte pas les législations en vigueurs —> le code du travail.
Bon j’arrête là, l’article ci-dessus est un tissus de bêtises prétentieuses.
Rien NE sert de courir, il faut partir à point …
ALC! Stop messing around with my sig.!
lol