La fanfare de l’Armée Populaire de Libération a joué du Carla Bruni au dîner donné par Hu Jintao pour accueillir le président français et son épouse. Le signe du retour au beau fixe diplomatique. Les deux pays s’accordent sur les questions internationales et laissent les sujets qui ont faché en suspens.

Le président français a débuté mercredi une visite de trois jours en Chine. Après une étape à Xi’An, capitale du Shaanxi, où il a visité l’armée enterrée, les choses sérieuses ont commencé l’après-midi à Pékin. Sur la place Tiananmen, les drapeaux français avaient été hissés dans la nuit. Nicolas Sarkozy, qui effectue son quatrième séjour dans le pays depuis le début de son mandat, a passé en revue la garde aux côtés de son homologue au Palais du Peuple, après avoir entendu les hymnes respectifs, au cours d’une cérémonie solennelle réservée aux visites d’Etat.
Accompagné du ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner, de la ministre de l’Economie Christine Lagarde ou encore du ministre en charge de l’Ecologie Jean-Louis Borloo, le président français s’est entretenu pendant une longue heure avec Hu Jintao. Ils sont désormais « amis personnels », dit-on.
Les deux hommes se sont ensuite exprimés devant la presse, un peu frustrée de ne pouvoir poser de questions, et n’ont pas manqué de souligner qu’ils ont laissé derrière eux la brouille diplomatique qui a un temps envenimé les relations bilatérales.
Nicolas Sarkozy a expliqué que les Jeux olympiques avaient été un « succès considérable » aux yeux des Français et a dit ne pas douter qu’il en sera de même pour l’Expo de Shanghai. Il s’y rendra vendredi matin et inaugurera le pavillon français. Pour marquer le coup, M. Sarkozy a offert au président et secrétaire du Parti deux stylos de la collection « Shanghai » de S.T. Dupont ainsi qu’un ouvrage concocté par la France et retraçant la présence chinoise aux Expositions universelles depuis 110 ans.
Hu Jintao a lui évoqué « le respect mutuel » et précisé qu’il s’agit d’une « nouvelle page » dans les relations sino-françaises, fondées sur un « partenariat sain, stable, durable et tourné vers le monde ».
Cette volonté d’aller de l’avant s’illustre dans les détails. Lors du dîner, dans un « climat chaleureux », l’orchestre de l’Armée Populaire de Libération à interprété deux titres de Carla Bruni-Sarkozy : Tout le monde est une drôle de personne, que l’on entendait entonné par les choeurs avant même que le couple présidentiel arrive dans l’austère Palais du Peuple, et La noyée. La première dame, dont l’apparition a provoqué la ruée des journalistes, a trouvé « merveilleux d’être en Chine » pour la première fois. Elle se rend mardi avec son époux sur la Grande muraille.
Insistant sur le rôle nouveau du pays dans les questions internationales, le président français a déclaré : « Nous avons besoin d’une Chine qui exerce toutes ses responsabilités et occupe toute sa place » dans le monde du XXIe Siècle.
Il pensait notamment au dossier du nucléaire iranien, évoqué pendant l’entretien, alors que les Occidentaux font pression sur Pékin pour qu’elle accepte une nouvelle série de sanctions. « La Chine veut donner toute sa chance au dialogue. La France le comprend » a déclaré le président français. Toute la question sera de savoir quand voter des sanctions, a-t-il relevé, or « chacun est convaincu que ce moment approche ». La Chine perdra-t-elle patience si la médiation du président brésilien Lula, qui se rendra à Téhéran mi-mai, échoue ?
Sur le plan bilatéral, Nicolas Sarkozy et Hu Jintao se sont montrés demandeurs de nouveaux projets de coopération dans des secteurs tels que l’environnement, les services financiers ou encore l’agro-alimentaire. Alors que Pékin veut mise désormais sur son soft power, le président chinois a souhaité développer les échanges d’étudiants, l’apprentissage des langues ainsi que les partenariats dans le « domaine des médias ».
Pourtant, les grandes entreprises françaises n’ont pas signé de contrats miraculeux. Nicolas Sarkozy s’est fait le représentant de la filière nucléaire française. Il a jugé que le chantier de l’EPR « fonctionne très bien » et a proposé l’ouverture de nouvelles tranches du réacteur de troisième génération développé par Areva et dont la construction à démarré à Taishan, dans la province méridionale du Guangdong.
Sur la question sensible du niveau du yuan, que les grands partenaires commerciaux de la Chine aimeraient voir réévalué, Nicolas Sarkozy n’a pas souhaité froisser ses hôtes, jugeant « parfaitement improductif de s’accuser les uns les autres ». L’approche coopérative est donc favorisée, d’autant que la remontée du renminbi est évoquée par des responsables de la banque centrale depuis quelques temps.
Restent les question qui fâchent : les droits de l’Homme et le Tibet, qui avaient causé la brouille entre les deux partenaires. En décembre, François Fillon avait jugé qu’elles étaient du ressort de l’Union Européenne. Ont-elles été évoquées cette fois-ci ? « Bien sûr », répond brièvement l’ex-Premier ministre Jean-Pierre Raffarin. Mais sur ces sujets, impossible d’en savoir plus.