Visiter le pays le plus fermé du monde, c’est possible, voire pratique depuis la Chine. A condition de se poser les bonnes questions avant son départ.

La fin d’année approche, l’envie de vacances se fait sentir, mais où aller ? Les plages thaïlandaises vous sont trop ordinaires, les soirées de Tokyo trop bruyantes, et vous cherchez une pureté communiste hors de cette Chine aux accents trop libéraux… la Corée du Nord vous tend sa faucille et son marteau.
Difficile d’affirmer que Pyongyang est la nouvelle destination à la mode, tant le tourisme y reste confidentiel, mais visiter le « pays le plus fermé du monde» est possible … voir même facile, depuis Pékin.
La ville est un passage obligé pour pénétrer le bastion staliniste, et les touristes chinois, eux n’hésitent pas. Beaucoup vont trouver au pays de Kim Jong-Il une quiétude de plus en plus rare dans leur bouillonnante patrie ou un bol d’air frais qui les change du « smog » pékinois.
Les Occidentaux ne sont pas exclus de cette ouverture, et les possibilités de visite ont été améliorés ces dernières années : formalités moins contraignantes, mais surtout plus de sites à découvrir. Le tourisme en République Démocratique Populaire reste tout de même fidèle à la réputation du pays : on frappe avant d’entrer, et on baroude sous bonne garde.
Quelles sont les vraies questions à se poser avant de s’embarquer pour le « pays du grand mensonge » ?
Qu’est ce que vous iriez bien faire la-bas ?
« J’y ai voyagé la première fois parce que j’étais fasciné par la propagande et par une société si différente de la nôtre, explique Vincent Oliver. Je suis trop jeune pour avoir connu l’ouverture soviétique, c’était une occasion de rattraper le train… ». Ce professeur de tennis de Shanghai n’a pas été déçu par son voyage et a même décidé de le faire partager : il accompagnera bientôt les premiers tours réservés aux francophones pour l’agence KoryoTour.
Monuments staliniens à la gloire du juche – la théorie autoritaire et autarcique chère à Kim Il-sung -, miradors de la zone démilitarisée, avenues aussi gigantesques que vides, affiches de propagande en guise de publicité dans les rues ou musée d’art révolutionnaire… visiter Pyongyang, c’est se couper du reste du monde pour plonger dans la ferveur rouge. Le voyage « comble les fantasmes », confie Vincent. « On parle tout le temps de ce pays, mais il est difficile de le mettre en images autrement qu’en y allant ».
A ne pas manquer le musée de la Kimilsungia et de la Kimjongilia, deux bégonias hybrides crées en l’honneur des chers dirigeants du pays et plantés dans des fresques à leurs gloires. Autre détour possible : la très sécurisante fête foraine de Mangyongdae… Les collections d’insolites pourront donc contenter les voyageurs les moins intéressés par l’aspect politico-historique.
La Corée du Nord, c’est également la partie montagneuse du pays du matin-calme. Certains paysages sont réputés magnifiques, les randonnées encadrées sont possibles, voire le VTT (au Mt. Paektu, par exemple), ainsi que la balnéothérapie dans la région d’Onchon (Ouest).
Ne vous attendez pas en revanche, à un voyage des papilles. Les restaurants habilités à recevoir des touristes servent les plats coréens les plus classiques, et si par chance vous vous attablez dans un lieu plus authentique, peu de tables gastronomiques : le pays est depuis plusieurs années sujet à une violente famine.
Autre manque de taille dans le tourisme nord-coréen : la liberté. Le nombre de zones touristiques a beau avoir augmenté, pas question de vous balader à votre gré dans les villes, encore moins entre les différentes régions du pays. Risques de propagande impérialiste obligent, les échanges avec la population sont strictement encadrés, voire parfois défendus.
Je suis sûr d’en sortir vivant ?
« C’est le pays le plus sûr que j’ai visité de ma vie » confie Simon Cockerell, manager général de l’agence Koryo Tour à Pékin. Rien à craindre de la criminalité, si ce n’est de la votre. Considérez la chose politique comme une religion au pays du juche, et, comme on évite le blasphème dans les pays les plus pieux, on s’astreint en Corée à un certain respect pour tout ce qui touche à l’État – dynastie Kim, monuments militaires – et de façon générale pour l’autorité des officiels.
Et si il n’y a quasiment jamais de problèmes avec les touristes sur place, c’est parce que le régime de Kim Jong-Il connait les vertus de la pédagogie : jamais, dans votre voyage, vous ne pourrez vous séparer de votre « guide » nord-coréen. Il vous attend dans le hall de l’hôtel, vous accompagne sur les sites autorisés, commande pour vous au restaurant, et surtout vous informe des interdits.
Entre autres allergies, Pyongyang supporte mal la pellicule : vous pourrez prendre les photos que le régime veut voir sur votre album. « Nous sommes passé près d’un champs de choux, j’ai demandé si je pouvais le photographier, on m’a dit non », s’étonne Quentin, un Suisse revenu de son voyage début novembre. Pas de scènes de rue, de portrait d’habitant ou de vues larges des villes : les autorités nord coréennes entendent avoir un contrôle total sur l’image de leur territoire, et trient souvent les photos enregistrés sur vos appareils lors du départ du pays.
Certains peuvent se vanter d’avoir « sorti » quelques photos de scènes contre-propagandistes, mais n’oubliez pas que votre guide est aussi responsable de vos actions : un accroc avec les autorités sera lourdement répercuté sur lui.
Mieux vaut entretenir de bonnes relations avec les Nord-coréens qui vous encadrent. Les guides emmèneront parfois les touristes les plus dignes de confiance à l’écart des circuits classiques. En l’absence de contact avec la population locale, il serait dommage de passer à côté de l’humanité des agents touristiques. « Même dans le « par coeur » des soldats qui présentent les installations militaires, on peut sentir une sensibilité personnelle », explique Quentin.
Est-ce que je fais quelque chose de mal ?
Les circuits de randonnées évitent les camps de travaux forcés, les menus des restaurants officiels ou les scènes de vie que vous pourrez observer de loin ne laissent pas entrevoir la famine qui sévit dans le pays… On ne vous présentera que les aspects les plus lisses de la vie nord-coréenne, et la question des objectifs d’un tel tourisme a lieu de se poser. D’autant que pour certains, dépenser en Corée du Nord, c’est apporter de précieuses devises étrangères dans les caisses du régime le plus dictatorial de la planète, réputé pour entretenir ses forces militaires au dépend des besoins et des droits de sa population.
Du côté de l’agence KoryoTour, on défend au contraire un impact positif du tourisme sur le pays. Les deux fondateurs britanniques se sont lancés dans cette activité dès 1993, après qu’un étudiant nord-coréen les ait invités à découvrir son pays. En lien avec des partenaires « individuels et institutionnels » en Corée du Nord depuis toutes ces années, KoryoTour tente de s’impliquer en restant neutre : l’agence organise des échanges culturels, sportifs et universitaires avec les populations nord-coréenne, et traite aussi bien avec la KITC, l’incontournable agence d’Etat, qu’avec les organisations internationales.
Deux visions de l’ouverture, et un dilemme moral qu’il appartient à chacun de se poser.
Quand y aller ?
« 2012 est une année exceptionnelle, explique Vincent Oliver. La Corée du Nord fête les 100 ans de Kim Il-Sung, père fondateur de la République Démocratique Populaire et « Président éternel » . Les festivités s’annoncent hors du commun ». 2012 est même l’année de l’entrée dans une nouvelle ère pour toute la nation, qu’il convient de célébrer avec ferveur. La plupart des agences planifient d’ailleurs les voyages en fonction des fêtes : traditionnelles comme celle d’Arirang, ou politique, pour célébrer les anniversaires des dirigeants ou de la patrie. Elles donne à chaque fois lieu à de gigantesques « Jeux de masses », ces chorégraphies aussi socialistes que colorées destinées à impressionner le spectateur et à souder les participants. Les tribunes des stades réservées aux touristes feront oublier la déception de ne pouvoir assister aux parades militaires.
La plus synchronisée des deux Corée a beau être un pays très différent, certaines choses ne changent pas : en hiver, il fait plus froid (entre -5 et 10) mais les tarifs sont plus doux.
Quels formalités?
Pas de voyageurs individuels en Corée du Nord, le recours aux agences est obligatoire. Les voyagistes chinois sont réputés moins chers, mais aussi moins adaptés à un touriste occidental: langues, rythme des visites et qualité des explications pourraient rendre votre périple moins intéressant.
D’autant que les agences tournées vers l’Ouest proposent, en plus des tours de groupes, des formules sur-mesure. KoryoTour, du fait de son ancienneté, a une place prépondérante sur le marché (1400 touristes en 2011) mais plusieurs autres agences existent, la plupart accessibles via leur site internet.
Côté administratif, les pièces demandées n’ont rien d’exceptionnel, si ce n’est les justificatifs d’activités : les journalistes, persona non grata dans les groupes touristiques, devront choisir une autre destination ou effectuer une demande spéciale.
« En 10 ans de pratique et plusieurs milliers de demandes, je n’ai vu passer qu’un seul refus », explique Simon Cockerell, qui a lui même fait le voyage 108 fois.
Les agences se chargent des formalités, de la réservation des hôtels et des restaurants, des places dans les stades ou des transports : aucune place à l’improvisation dans la république militaire.
Une organisation qui a un coût : comptez aux alentours 1500 euros la semaine au départ de Pékin, plus si vous voulez voyager sans groupe, ou dans les hôtels les plus luxueux. Toutes les agences proposent des excursions de quelques jours, ou des voyages allant jusqu’à 3 semaines.
Précision importante : il est interdit d’amener son téléphone portable en Corée du Nord. Si ça ne se passe pas bien, vous ne vous en plaindrez qu’en rentrant.
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En 2008, j’ai fait les pays de l’AXE DU MAL… en une journée… c’était à la foire expo de Shanghai… le dernier jour !
j’avais auparavant mis la journée à visiter le pavillon de la Chine !
et d’autres jours celui de la France (pas terrible..)des EU (honteux), d’Arabie Saoudite avec ses palmiers, de la GB (vide), de Monaco (pas mal), Espagne (joli pannier d’osier), la Suisse (des ballons rouges) Pays Bas,Maroc (soigné)
non non je ne m’amusais pas à faire tamponner mon passeport….(ceux qui connaissent comprendront)
Écrire que – les possibilités de visites ont été améliorées – est risible, car ce pourrait-il qu’il soit plus difficile ?
Pourquoi aller dans ce pays ?
Pour voir plus malheureux qu’eux ? Qu’ils voyagent dans en chine, la misère est bien présente dans certaines provinces avec autant de restrictions (et pas qu’au Tibet).
MOI… je