Le photographe français expose à Pékin jusqu’au 15 mai ses clichés de la région du barrage des Trois gorges: des villes aujourd’hui englouties et la migration de leurs habitants.

175 mètres. Le niveau des eaux du barrage des Trois gorges par rapport au niveau de la mer. Un chiffre inscrit dans la vie des gens de la région, déplacés vers de nouvelles villes, contraints de partir comme tant d’autres migrants, vers la tentaculaire Chongqing, toujours noyée sous la brume, ou ailleurs.
Gilles Sabrié a suivi ces vies en attente de la montée des eaux, ces lieux voués à disparaître. Sous le couperet des 175 mètres, des villes en destruction, immeubles en démolition, leurs habitants sur le départ. Ils se rendent dans les nouvelles cités de la région, telles que Gaoyang, dont les rues restent vides, faute d’activité économique suffisante pour attirer les travailleurs. Omniprésent, le Yangtzé et ses embarcations naviguant dans une épaisse brume. Le tout sur des panoramiques, souvent en noir et blanc.
Sur l’une d’elles, un homme accoudé à une balustrade face au fleuve et à Chongqing, cerné par les câbles des téléphériques de la ville. A quoi pense-t-il ?
« Je n’ai eu aucun contact avec lui, explique Gilles Sabrié, j’attendais le téléphérique qui remonte au-dessus du fleuve et il y avait ce mec ici. Ce que j’aime, c’est que cette scène pourrait avoir lieu dans n’importe quelle ville qui se développe, même si normalement je ne suis pas fan de photos avec des lignes comme celles-là ».
Des photos prises avant qu’il ne décide de s’installer en Chine, lors de deux voyages dans cette région « à la chaleur étouffante et aux villes un peu glauques ». « Lors du premier voyage, en 10 jours, les seuls mots que j’ai compris c’était dans un ascenseur, « The lift goes up, the lift goes down » ».
Le photographe était intéressé par ce barrage, le plus grand du monde, concentrant à lui seul le problème de l’énergie, les déplacements de populations, les ratés de la planification et, surtout, la relation de la Chine à la nature. « Ils ont cette notion d’harmonie avec la nature mais aussi son anti-thèse, le combat contre la nature, cette philosophie de domination par l’homme de son environnement » dit-il, devant ses photos, exposées encore quelques semaines dans une galerie située à quelques pas de la Cité interdite.
Exposition 175 M, de Gilles Sabrié, à la galerie Tao, 83 Donghuamen, à l’est de la Cité interdite, à Pékin, jusqu’au 15 mai