La collection Bleu de Chine ( Gallimard), dirigée par Geneviève Imbot-Bichet, nous fait découvrir un auteur, Cao Naiqian, avec son roman, plein de verve, » La nuit quand tu me manques, j’peux rien faire ».

Il y a quelques semaines, une dépêche de Xinhua annonçait que les urbains sont devenus plus nombreux que les ruraux, en Chine. Mais cela ne veut pas dire que les campagnes ont disparu… Loin de là.
Et c’est à ces paysans qui ont tant donné à la République populaire ( jusqu’à en mourir par dizaines de millions pendant l’horreur du Grand Bond en Avant) que Cao Naiqian rend hommage dans ce beau roman « La nuit quand tu me manques, j’peux rien faire ».
Cao Naiqian est né, dans un village du Shanxi, en 1949, il a donc le meme âge que la République populaire, il a grandi sous la propagande maoiste mais dans son roman on est loin des slogans qui ont bercé son enfance comme « Servir le peuple » ou « S’engager dans la révolution, stimuler la production« . Avec lui, les paysans ne sont pas l’avant-garde du pays et les cadres communistes ne sont pas des héros.
« Les marques indiquent que ces moutons appartiennent à certaines familles. Ils sont tous gras et forts. Ceux qui n’ont pas de marque appartiennent à la collectivité. Ils sont maigres et désséchés. »
En trente petites histoires indépendantes mais reliées, il nous fait plonger dans un bain de problèmes sociaux, psychologiques et sexuels. Comme quoi, tout est lié, meme au fin fond de la campagne chinoise, dans le village des Wen. Mais il arrive à faire resortir de cet univers tourmenté de la sensualité, de l’espoir et de l’humour.
Un homme parle à sa femme:
« – Dis donc, pourquoi tu t’appelles Ramassée? lui demande Petit-Oeuf. Qui pourrait s’appeler ainsi à part toi?
– Mele-toi de ce qui te regarde!
– Je sais pourquoi tu t’appelles Ramassée. C’est ma mère qui me l’a dit. Elle a entendu de la bouche de ton père qu’on t’avait ramassée sur la route. Ton père s’est pas trop foulé, il a appelée Ramassée ce qu’il avait ramassé. Il ets pas un peu con, ton père ? »
En situant son récit satirique dans les années 60-70, Cao Naiquin vise surtout à renverser tout le discours de la Révolution Culturelle. Et il sait de quoi il parle, lui qui n’a pu aller à l’université à cette époque. Après avoir été envoyé un an à la campagne, Il a travaillé dans une mine de charbon avant de devenir…policier en 1972 à Datong. Cao Naiquin a commencé à écrire à l’âge de 37 ans.
« Trésor est sorti de taule il n’y a pas longtemps. Il a dit à tout le monde que dedans on mangeait bien, on était habillé correctement et on était bien au chaud. Au début, les gens ne le croyaient pas. Puis ils ont vu sa peau blanche et son vetement gris ouaté tout neuf, alors ils ont commencé à le croire. Mais c’est surtout quand ils l’ont vu, tot le matin devant sa porte, se pencher en avant, une timbale à la main pour laver ses dents blanches avec une mousse blanche, exactement comme Zhao, le cadre envoyé de la ville, qu’ils n’ont plus eu aucun doute ».
Il convient de saluer le travail de traduction de Françoise Bottéro et Fu jie qui ont su rendre le langage pittoresque des personnages et nous donner un bon aperçu des injures chinoises. On imagine que ça n’a pas dû être toujours simple mais sûrement amusant…
» Bichon sort finalement de son froc une petite bestiole qu’il tient entre ses doigts et qu il met dans la paume de sa main. « Putain! Je croyais que c’était un pou, mais tout compte fait, c’en n’est pas un »
LA NUIT QUAND TU ME MANQUES, J’PEUX RIEN FAIRE. Panorama du village des Wen [2011], trad. du chinois par Françoise Bottero et Fu Jie. Annotations des traducteurs, dans la collection Bleu de Chine, aux Editions Gallimard
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