Les attaques de journalistes trop curieux par des entreprises privées défendant leurs intérêts se sont multipliées ces derniers temps, parfois aidées ou orchestrées par les organes gouvernementaux. Paradoxalement, de plus de plus de voix s’élèvent au sein des institutions officielles pour défendre l’activité légitime des journalistes.
Le journalisme d’investigation ne semble pas avoir le vent en poupe en Chine cet été. Depuis juin, c’est une véritable série d’agressions qui a eu lieu à l’encontre de journalistes trop curieux.
Fang Xuanchang travaille pour le magazine Caijing. Spécialisé en sciences, il avait accusé, une entreprise de produits de santé de charlatanisme à la suite d’une enquête. Pour avoir fourré son nez là où il ne fallait pas, il a été attaqué par deux hommes à coups de barres de fer le 24 juin dernier.
Selon lui, la police, apparemment peu coopérative, n’a pas à ce jour progressé dans l’identification des agresseurs. Pire : M.Fang affirme qu’aucun des témoins oculaires présents n’a été interrogé.
En juillet, un journaliste du China Times a également été l’objet de violences après un article dans lequel il affirmait qu’une entreprise de Shenzhen avait fait des transactions illégales.
Le lendemain, des journalistes du National business Daily étaient menacés par des hommes de main de l’entreprise BaWang International, une entreprise de shampoing que le journal avait accusée d’utiliser des produits chimiques dangereux.
Enfin, le 23 juillet, un journaliste de l’hebdomadaire The Economic Observer était mis sur une liste des criminels les plus recherchés par la province du Zhejiang, pour avoir mis en cause une entreprise de la région. Cette fois, le gouvernement provincial prenait ouvertement la défense des intérêts de la société contre le journaliste, qui avait pourtant agi de façon légale et qui disposait de preuves de ses accusations.
Des voix s’élèvent en défense des journalistes
Cette fois, la pilule a eu du mal à passer auprès de l’opinion publique chinoise et internationale, et le journaliste, retiré de la liste des criminels, a obtenu des excuses du gouvernement local.
A la suite de l’affaire, l’Administration Générale de la Presse et des Publications a publié un communiqué, repris par les médias officiels, appelant à mieux défendre les droits des journalistes.
Une position clairement solidaire de la profession, qui a été soutenue samedi dernier par l’Association des Journalistes de Toute la Chine.
L’association s’est fendue d’un communiqué après l’agression violente d’un journaliste de Beijing TV par l’élève d’un comédien comique très populaire.
Le journaliste enquêtait sur la propriété de Guo Degang qu’il soupçonné d’avoir construit une partie de sa villa sur un jardin public. Après l’agression, le comique avait surenchérit en déclarant sur scène : « Les journalistes ne valent pas mieux que les putes« .
« Il est impératif de protéger le droit légitime des journalistes à interroger et de faire cesser toute mauvaise conduite interférant avec les entretiens légitimes conduits par les journalistes », lisait-on sur le communiqué publié samedi par l’Association des Journalistes de Toute la Chine. « Contrôler, en accord avec la loi, est un droit légitime des organismes des médias« , concluait le communiqué.
Ces épisodes révèlent l’ambiguïté de la position gouvernementale vis-à-vis des journalistes. En effet, des voix s’élèvent parfois d’officiels désireux de montrer la volonté de transparence et d’éradication de la corruption du gouvernement, mais ces déclarations peinent à avoir un effet réel.
« Le fait qu’une entreprise puisse mobiliser les autorités pour l’aider dans ses combats privés souligne le problème majeur : notre police et notre justice ne sont pas indépendantes, et il y a une collusion généralisée entre les officiels et les entreprises« , a déclaré Luo Changping, rédacteur en chef adjoint du magazine Caijing au Financial Times.
« Il semble que notre gouvernement hésite, et qu’il est encore psychologiquement incapable de s’exposer à d’authentiques investigations journalistiques« , a déclaré Li Mingwei, conférencier à l’université de communication de Shenzhen au Shenzhen Daily.
La sécurité des journalistes chinois est donc encore loin d’être garantie, et malgré les demandes répétées des organisations médiatiques, la loi ne les protège toujours pas dans l’exercice de leur travail.
Mais les affaires récentes ont eu au moins le mérite de susciter le débat au sein de la société chinoise et de ses institutions.
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