Un nouvelle étude de l’université de Georgetown relance le débat sur le nucléaire chinois en supposant l’existence d’un arsenal dix fois plus important qu’estimé habituellement.

Depuis son premier essai nucléaire en 1964, la Chine maintient le silence sur l’état de son armement, ce qui donne lieu à de multiples spéculations sur la réalité de sa force militaire. Ces dernières années, Pékin a savamment entretenu la controverse en communicant sur la construction d’un vaste réseau de tunnels, supposé dissimuler l’arsenal de l’Armée Populaire de Libération.
« La grande muraille souterraine »
Commencé en 1995, ce labyrinthe de 5000 km permettrait la circulation de trains chargés de missiles balistiques, rampes de lancement mobiles et autres têtes nucléaires. En 2006, en réponse au discours de quelques analystes américains sur la faible force de frappe de la Chine, les médias officiels diffusent les premières informations sur la « grande muraille souterraine ». En 2008, un documentaire de CCTV évoque la mise en place d’installations permettant au pays de se ménager une capacité de contre-attaque en cas de conflit. Et en 2009, la deuxième division d’artillerie, en charge des missiles stratégiques, ouvre partiellement les portes du réseau enfin achevé aux journalistes locaux.
La « grande muraille souterraine » est donc étonnamment médiatisée pour un site militaire. Mais si son existence est bien connue, on ne sait pas pour autant ce qu’elle abrite. Et elle est aujourd’hui, plus qu’un fantasme pour amateurs de science-fiction, le cœur d’un débat scientifique acharné. Une nouvelle étude de l’université de Georgetown a relancé la polémique le mois dernier en estimant à 3000 le nombre d’ogives dissimulées dans ces tunnels, un nombre 10 fois supérieur à celui avancé jusqu’à présent.
Combien de têtes nucléaires chinoises ?
Alors que la plupart des rapports d’Etat estimaient de 300 à 400 le nombre de têtes nucléaires possédées par la République Populaire de Chine, le chiffre avancé par l’équipe du professeur Phillip Karber a fait l’effet d’une petite bombe dans le milieu des analystes américains. Chacun y allant de son argument, l’étude a été maintes fois critiquée pour ses méthodes. Parmi celles-ci, la comparaison entre des images satellite et des extraits d’un docudrama de la CCTV tourné sur des sites militaires a donné lieu à de nombreuses remarques ironiques
Mais ce sont surtout ses allégations qui ont alimenté le débat. Pour la plupart, le chiffre donné serait tout simplement incompatible avec les ressources chinoises en plutonium. Léger problème, ces ressources sont elles-mêmes l’objet de spéculations, Pékin ne communiquant pas à ce sujet.
Le rapport de l’université de Georgetown n’est pas le premier à déclencher le débat sur le nucléaire chinois, et il n’est probablement pas le dernier. En l’absence de sources sûres, les spéculations se répandent comme une traînée de poudre et se confrontent les unes aux autres dans les médias occidentaux. Et en Chine, la transparence de la politique d’armement n’est pas à l’ordre du jour, comme en témoigne le peu d’avancées des négociations internationales sur la non-prolifération.
Un dialogue de sourds
Pour l’analyste américain Gregory Kulacki, spécialiste du nucléaire chinois, au bout de dix ans de dialogue, les discussions avec Washington sont au point mort. « Si les experts ont raison, nous sommes supposés vivre dans l’ère post-guerre froide. On peut parfois en douter en observant ces négociations. » note-t-il sur Allthingsnuclear.org.
La Chine demande l’assurance que les Etats-Unis ne seront pas les premiers à utiliser leurs armes de destruction massive et n’y auront recours que pour riposter à une attaque nucléaire. De son côté, Washington refuse de donner cette garantie, argumentant sur la nécessité d’une connaissance réciproque des forces pour entamer des négociations. Un refus incompréhensible pour Pékin, selon l’analyste. Il est communément admis que l’armement nucléaire chinois est bien moins important que celui des Etats Unis.
Toute la force de dissuasion de la Chine reposerait sur la réputation d’une capacité de seconde frappe suffisamment importante pour que nul ne songe à la provoquer, par peur des représailles. Il est donc hors de question d’étaler au grand jour ses capacités nucléaires.
Dans l’art de la dissuasion, le doute est parfois plus efficace que la connaissance.
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