La pollution de la capitale est officiellement « faible », mais « dangereuse » d’après d’autres sources. Les raisons de ce décalage : les autorités ne respirent pas le même air que les autres.

C’est désormais une habitude, quand vous ouvrez vos volets le matin à Pékin, vous passez quelques minutes à contempler la vue. Ou plutôt ce que vous ne voyez pas. Car comme la plupart du temps depuis un mois, la capitale chinoise est ensevelie dans un brouillard qui n’a rien à envier au « smog » londonien. « Épaisse brume, pollution légère » analysent les autorités. Pourtant, les yeux piquent, la gorge gratte, et ni la couleur ni la consistance de cette grisaille n’inspire confiance.
Pollution légère : restez enfermés.
« Légère », disent-ils… Pendant que la presse chinoise s’inquiète pour la visibilité sur les routes, vous cherchez donc à varier vos sources concernant le taux de pollution. L’ambassade américaine, qui dispose d’un système de mesure des particules nocives dans l’air et qui publie ses résultats en direct sur Twitter, affiche un taux de 113 µg/m³. Surprise, il est labellisé « Mauvais pour la santé ».
Il y a quelques jours, ce même taux est monté à 250. Pas d’ambiguïté sur l’analyse : « Hazardous », dangereux. Il faut dire que la normalité est fixé par l‘OMS (Organisation Mondiale de la Santé) à 10 µg/m³, et qu’à Paris comme ailleurs, le seuil d’alerte est à 80.
Dépassé ce taux, les autorités françaises « invitent les jeunes enfants, personnes âgées, ou souffrant de troubles cardiaques et respiratoire à privilégier les activités calmes, à éviter les activités physiques et sportives intenses, et le cas échéant, à respecter leur traitement médical. »
On peut suivre les taux en direct sur ce fil twitter, mis à jour chaque heure :
Pékin au royaume des fées
En comparaison, leurs homologues chinoises font preuve d’un certain flegme. « Brouillard et pollution sont deux choses différentes », explique le directeur des services municipaux spécialisés. « En chinois, ont dit que le royaume des fées est noyé dans le brouillard, comment les fées pourraient-elles vivre entourées par la pollution ? »
Toute considération moins poétique n’est que « battage », pour Pékin, qui dénonce le manque de sérieux et de précision des mesures américaines. Et qui explique que les chiffres officiels, plus fiables, se concentrent sur la mesure des particules les plus grosses, une différence méthodologique à l’origine des différences de résultats.
Sauf que les particules les plus petites sont connus comme étant les plus nocives, et que, au dire même de la presse locale – dont les journalistes ont aussi la gorge qui gratte – « la population observe un décalage entre les mesures officielles et leur expérience personnelle ».
Si les médias chinois commencent à se faire doucement insistants, les internautes, eux, ont franchi ce cap : « Ce sont des autruches! – peste un pékinois sur Weibo. Ils s’enterrent la tête dans le sable et ils annoncent des chiffres ridicules. Même un imbécile comprendrait que l’air est dangereux ici! »
Désormais, vous avez de quoi être inquiet en ouvrant votre fenêtre le matin. Mais rassurez-vous, tout n’est pas si gris pour tout le monde.
L’air de la pureté pour les dirigeants
Car comme tout bon résident chinois, votre première pensée quand vous ouvrez les volets vont aux dirigeants du pays. L’idée que cette pollution puisse représenter un danger pour les très officielles bronches des leaders de la nation vous hante.
Ne vous faites pas de mauvais sang, Hu, Wen et les autres se portent à merveille. Pour ne pas inquiéter la population, l’élite des nations chinoises a simplement décidé de ne pas respirer le même air que le commun des camarades, explique le SCMP.
Un fabricant de purificateur d’air du Hunan a vendu la mèche d’une façon bien singulière, que l’ont pourrait presque prendre pour de l’ironie, si on ne connaissait pas la culture très rouge de cette province du centre. « Nos purificateurs sont partout à Zhongnanhai (le compound où vivent la plupart des membres du gouvernement, ndr), écrit la compagnie sur son site internet. C’est une bénédiction pour le peuple que nos purificateurs créent un environnement sain et propre pour les leaders de la nation ».
Les leaders convaincus
Les masses ont donc pu apprendre avec satisfaction que plus de 200 purificateurs d’air ont été achetés avec les deniers publics dès décembre 2008 pour équiper les résidences et bureaux des dirigeants. Mais aussi pour voyager et pour offrir, observe le quotidien hong-kongais, qui précise que beaucoup de membres du gouvernement sont équipés d’appareils portatifs, pour la voiture ou le train.
L’aimable entreprise délatrice nous ravi même d’une anecdote : c’est à la suite d’une démonstration commerciale devant les membres du Politburo eux-même que cet achat a été décidé. Il aura suffit d’exhiber aux aux hommes forts du pays le filtre aux couleurs noirâtres des aérations de leur salle de réunion : n’importe qui aurait été convaincu.
Quelques réactions subversives émaillent la toile chinoise, où l’on « comprend désormais le manque d’attention des autorités pour ces problèmes ». Mais qu’importe, vous savez désormais comment vous mettre à l’abri de la « légère » pollution pékinoise : allez toquer chez les fées ou chez un ministre.
A lire aussi :
Pic de pollution et « brouillard épais » à Pékin
Forum : Faut-il s’inquiéter de la pollution à Pékin ?
Créez un calendrier avec vos photos ici !
- Vous devez vous identifier ou créer un compte pour écrire des commentaires
-
Envoyez cette page à un ami
Bon article.
Les dirigeants ont des purificateurs d`air high tech ? Mais ils ont aussi un circuit de distribution alimentaire specialise.
Y sont pas cons les dirigeants chinois.
Tu penses bien, pas (totalement) fous les mecs…
Le riz au cadmium, les légumes aux pesticides et engrais en quantité industrielle, les baozi au rat et les pastèques explosives, toutes ces délicatesses sont réservées au petit peuple. 🙂
D ailleurs, c est simple : tous les chinois vont mourir.
A terme, nous sommes tous morts, a voir dans quelles circonstances et avec quelles maladies.
« Ce qu’il y a de bien avec les avis tranchants, c’est que ça relance le débat. En somme vous êtes un provocateur quoi ! » 😀
Mheunon ! mais penser a ces pauvres chinois qui ne mourrons pas en bonne sante, ca fait reflechir, non ?
Il fait re-beau, mais il fait toujours aussi pollué : aujourd’hui, grand ciel bleu « unhealthy ».
… A force de passer juste au dessus de la barre …