Le premier juillet prochain, le Parti communiste chinois fêtera ses 90 ans. L’occasion d’une auto-célébration en grande pompe, mais aussi d’un retour en force du populisme « rouge » destiné à redonner une légitimité à un parti en difficulté.

Avec 78 millions de membres, le Parti communiste chinois peut se vanter d’être le plus grand parti du monde. Ses dirigeants, il est vrai, n’en sont pas peu fiers; et le PCC le démontre actuellement, en préparant son 90e anniversaire en grande pompe.
Il y a tout d’abord le film de propagande sorti la semaine dernière sur la naissance du parti. Doté d’un budget faramineux, « le début de la Grande Renaissance » rassemble plus de 100 stars, dont Zhang Ziyi, Chou Yun-fat etc, dans une épopée sur-produite, entièrement dédiée à la grandeur du PCC. (Voir la vidéo)
Et malgré des réactions mitigées du public, le film sera forcément un succès : il a bénéficié d’un véritable matraquage publicitaire, et de nombreuses « unités de travail » organisent, zélées, des séances pour leurs employés. Et pour s’assurer de leur fait, les autorités ont de toutes façons décidé de suspendre la diffusion des films hollywoodiens jusqu’à ce que le film ait fait 800 millions de yuans (86,9 millions d’euros) de recettes.
La propagande sur tous les fronts
Mais la propagande ne se contente pas du 7e art, et utilise tous les canaux disponibles.
A la télévision, le PCC s’est payé une série à sa gloire, qui sera diffusée à partir du premier juillet. Et depuis un mois, il a interdit la diffusion de séries d’espionnage et policières, à l’avantage des séries communistes.
Dans la presse, on ne compte plus les éditoriaux vantant la grande histoire du PCC et les innombrables bénéfices de son action.
Enfin, le PCC est plus que jamais investi dans la ré-écriture de l’Histoire. Le livre officiel sur l’Histoire du Parti, sorti récemment après plusieurs années de gestation, passe en effet sous silence les erreurs politiques qui ont amené des dizaines de millions de personnes à mourir de faim lors du Grand Bond en avant, relevait récemment Libération.
Et la grande exposition sur l’histoire moderne du pays présentée dans le Musée national de Chine place Tiananmen, intitulée « le chemin de la renaissance », donne également une version inexacte des faits, arrangés à la sauce PCC.
Une vague rouge venue de Chongqing
Mais le phénomène le plus nouveau est peut-être la vague « rouge » qui déferle actuellement sur le pays, sorte de retour en force des méthodes traditionnelles du Parti, visant à susciter l’adhésion des masses à l’action du gouvernement.
Des dizaines de « chansons rouges », à la gloire du Parti unique ont récemment été exhumées, pour connaître un renouveau étonnant. L’idée est venue de Chongqing, où les autorités, sous la houlette du très en vue Bo Xilai, ont décidé d’interdire les publicité à la télévision, d’imposer la diffusion régulière de ces chansons, et d’organiser des chorales publiques reprenant en choeur des classiques tels que « si le Parti n’existait pas, il n’y aurait pas de Chine Nouvelle ».
Au total, depuis 2008, plus de 100 000 spectacles de « chansons rouges » ont été donnés à Chongqing, rapportait récemment le Global Times.
Mais à l’approche de l’anniversaire, la vague rouge a dépassé les frontières de la ville de Bo Xilai. C’est ainsi qu’à travers le pays, concours de chants, karaokés à thème et spectacles se sont répandus comme une traînée de poudre. (Voir la vidéo)
Et tout le monde s’est pris au jeu : la semaine dernière, selon les médias officiels, 90 ministres et vice-ministres se sont réunis pour chanter des chansons rouges.
Plus tôt ce mois-ci, les 60 plus grands entrepreneurs de l’Internet, y compris Robin Li de Baidu, Charles Chao de Sina, et Charles Zhang de Sohu ont fait de même, appelant par la voix de Robin Li à « marcher dans le chemin du socialisme avec des caractéristiques chinoises« .
Un grand bond en arrière?
L’anniversaire est donc indiscutablement pour les dirigeants chinois une manière de retrouver un peu d’une légitimité largement érodée par 90 ans d’un règne sans partage.
Mais selon certains analystes, la vague rouge qui déferle actuellement pourrait durer après l’événement, et le « modèle de Chongqing » pourrait être une solution aux défis qui se posent au parti en ce début d’une nouvelle décennie.

C’est l’avis de Bo Zhiyue, spécialiste en science politiques à l’Université Nationale de Singapour, auteur d’un article sur le « modèle de Chongqing ».
« Une majorité du Parti ne veut pas aller plus avant vers l’adoption des valeurs occidentales, ou universelles, explique-t-il au Wall Street Journal. Bo Xilai leur montre une façon d’adopter une sorte de système de valeurs alternatif. Maintenant, tout le monde suit la « culture rouge » – tout le monde doit en être« .
Paradoxalement, le Parti se tourne donc vers son passé pour assurer son avenir. Et il se pourrait bien que ce à quoi nous assistons en ce moment ne soit que le début d’une énième mue idéologique du PCC, qui lui permettra peut-être, comme l’ont récemment souhaité certains officiels, de repartir pour les 90 prochaines années…
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