Après sa projection à Cannes où il a ouvert le festival un Certain regard, « Mistery », le dernier film de Lou Ye, sort le 20 mars en France. Mais pour la version projetée en Chine, le réalisateur a dû accepter de jouer le jeu de la censure.

« Mistery » a beau être le septième film de Lou Ye, il n’est que le deuxième à avoir été présenté sur les écrans chinois, après Purple Butterfly en 2003. Entre 2006 et 2011, Lou Ye était en effet interdit de tournage en Chine par le Bureau du cinéma de Pékin pour avoir montré son film « Une jeunesse chinoise » à Cannes sans autorisation préalable. « Nuits d’ivresse printanière », présenté au festival de Cannes de 2009 où il avait remporté le prix du scénario, avait été coproduit par des sociétés d’Hong Kong et de France pour échapper à la censure.
Le point de départ de cette histoire, écrite avec son coscénariste Mei Feng, est le journal sur internet d’une femme qui se rend compte que son mari a une relation extra conjugale. Autour de cette histoire, une enquête criminelle suite à un accident de la route, prétexte à évoquer les maux de la société chinoise contemporaine – argent roi, corruption, individualisme… Un film violent et beau dans lequel chaque personnage, en essayant de résoudre ses difficultés personnelles, contribue en fait générer davantage de chaos et de souffrance. Le film est situé dans la ville de Wuhan, mégalopole du centre de la Chine, dont les différents quartiers et la présence du lac bleu « rendent possible ce récit d’une double vie» commente Lou Ye dans le débat qui suit la projection.
Pas de réalisateur au générique
Pour Mystery, Lou Ye a accepté de jouer le jeu de la censure. Après avoir soumis son scénario au Bureau de cinéma, il a dû attendre six mois avant d’avoir une réponse. Si le tournage s’est bien passé, le réalisateur a accepté des coupes pour la version projetée en Chine « cinq ou six détails » selon lui, mais qui l’ont amené à retirer son nom du générique, en signe de désaccord. Ainsi, dans la version chinoise, un carton a été ajouté pour indiquer que l’enquête aboutit à la condamnation des coupables, alors que dans la version originale le dénouement reste en suspens « lorsqu’on a parlé aux juristes ils nous ont dit qu’il était impossible que les choses se passent ainsi », soupire Lou Ye.
En dépit de tous ces efforts, le film, sorti en Chine en octobre 2012, n’a tenu que quelques semaines dans les salles. « Pour le public chinois je suis encore un jeune réalisateur » explique Lou Ye. D’une manière générale, il reste très difficile pour un réalisateur indépendant d’avoir accès au circuit des salles. Malgré tout, le réalisateur reste optimiste. « Les chinois finiront par en avoir marre des grosses productions américaines » pense-t-il. Pour son prochain film, il a décidé d’adapter un roman sur les aveugles. Bi Feiyu, l’auteur, qui est un ami, lui a promis qu’avec un tel sujet il échapperait à la censure.
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