A deux heures du centre de Shanghai, la ville nouvelle de Lingang n’a guère à offrir pour l’instant que des images de synthèse pour permettre d’imaginer l’agréable cadre de vie qu’elle proposera à ses 800.000 habitants… s’ils viennent s’installer.

A Lingang, les immeubles sortent de terre, mais les résidents se font attendre et les rues restent désertes, un an après la livraison des premiers appartements. Les ambitions de la capitale économique chinoise poussent les autorités à lancer des projets qui anticipent les besoins de la population plutôt que d’y répondre, suivant parfois un calendrier mal maîtrisé. A Lingang, les premiers appartements ont été livrés trop rapidement, avant même que des transports en commun ne desservent la ville ou que des commerces ne puissent approvisionner les résidents. « Je n’habite pas ici. Personne d’ailleurs, ce serait trop compliqué. Je suis restée dans ma famille au centre du district (voisin) de Nanhui », explique Huang Jin, qui travaille dans un bureau de l’administration depuis plus d’un an et passe une heure et demie dans les transports chaque jour.
Le nouveau quartier, qui s’étend sur 312 kilomètres carrés, n’est relié que par bus aux banlieues les plus proches. Le seul commerce de proximité est une supérette, aux étagères remplies de bouteilles de soda, et le prochain magasin est à une heure de route. Il faudra attendre 2012 avant de voir le premier métro relier le quartier au reste de Shanghai.
En septembre dernier, 20.000 étudiants sont arrivés dans les locaux flambant neuf de l’Université Maritime de Shanghai et de l’Université Océanique de Shanghai. Mais, malgré la rentrée, les campus offrent des paysages bien silencieux. « Ce n’est vraiment pas pratique d’être ici, il n’y a aucun magasin et, pour manger, on a juste deux cantines à l’intérieur de la fac », se plaint Dai Ju, étudiant de 19 ans en première année d’école d’ingénierie navale.
Les étudiants devront attendre avant de voir la ville s’animer. Autour d’un lac artificiel de 5,6 kilomètres carrés, la municipalité de Shanghai prévoit d’installer 400.000 personnes d’ici trois ans et 800.000 à l’horizon 2020. Les autorités multiplient les arguments auprès des entreprises pour faciliter leur installation et développer l’activité de la zone. Situé au sud-est du territoire de la municipalité au bord de la mer, Lingang est avant tout proche du nouveau port en eaux profondes de Yangshan, construit sur une île et relié à la terre par un pont de 32 kilomètres.
Mais beaucoup de transitaires lui préfèrent la zone de Waigaoqiao, sur le site de l’ancien port encore en activité. « Nous avons très peu d’activités sur la zone de Lingang où notre implantation se résume à une centaine de mètres carrés d’entrepôts que nous louons », explique Stéphane Arguedas, responsable de BLD Logistics à Shanghai, un transitaire franco-chinois.
Mais le gouvernement reste déterminé à porter ce projet. Le siège du district de Nanhui a déjà été déplacé à Lingang. Près de 35,7 milliards de yuans (3,8 milliards d’euros) ont été investis, dont 22,5 milliards (2,4 milliards d’euros) pour les infrastructures. « La zone finira bien par décoller. Le calendrier est juste un peu anticipé », note Stéphane Arguedas.
Un autre projet de ville ex nihilo a été reporté sine die, après le limogeage en 2006 du numéro un du Parti communiste à Shanghai, Chen Liangyu, condamné ensuite pour corruption. Le projet de l’éco-cité de Dongtan avait divisé la municipalité. Certains doutant de l’opportunité du choix de l’île préservée de Chongming, à l’embouchure du Yangtse, pour cette ville « 100% écologique » qui devait tout de même accueillir 50.000 personnes avant l’Exposition universelle de 2010 et 500.000 en 2040. Les changements à la tête de la municipalité ces deux dernières années ont eu raison des hésitations gouvernementales et aucun bâtiment n’a encore été construit.