La Chine et ses entreprises avancent leurs pions en Afrique, à coups de milliards d’investissements dans les ressources naturelles et les infrastructures, sans état d’âme sur le soutien qu’elles apportent à des régimes très critiqués par la communauté internationale.
Gigantesque, prévoyant au moins 7 milliards de dollars d’investissements en cinq ans, le dernier projet chinois sur le continent a fait sensation: China International Fund a signé un accord dans le secteur minier avec la Guinée, le 10 octobre, moins de deux semaines après le massacre de plus de 150 sympathisants de l’opposition guinéenne par les forces de sécurité.
De quoi potentiellement apporter « à la junte de Guinée l’indépendance financière vis-à-vis des donateurs occidentaux traditionnels, dans le sillage des brutalités des forces de sécurité », relève Kissy Agyeman-Tobogo, de IHS Global Insight.
De quoi, également, « soulever la question de l’approche souvent critiquée de la Chine face à des régimes douteux, en particulier à ce moment sensible durant lequel est en jeu la relation de la Guinée avec la communauté internationale », ajoute-t-elle.
La Chine est restée impassible face aux critiques, expliquant qu’il s’agissait là d’investissements « privés », ceux de CIF, une société qui mène à bien de vastes projets de construction en Angola.
Mais CIF « a apporté au moins 2,9 milliards de dollars à l’Angola pour la reconstruction des infrastructures », gérés par un office angolais lié à la présidence avec « peu de transparence », souligne dans un récent rapport l’USCC, une commission américaine sous l’égide de parlementaires.
Selon ce rapport, CIF fait partie d’une nébuleuse de sociétés domiciliées à une même adresse de Hong Kong, officiellement « privées », mais « dont le personnel clef a des liens avec les entreprises publiques et agences gouvernementales chinoises (…) et peut-être l’appareil du renseignement chinois ».
Mais Syetarn Hansakul, analyste à Singapour de la Deutsche Bank, ne voit pas forcément la main du gouvernement derrière les opérations chinoises à l’étranger.
« Le gouvernement a explicitement dit +nous devons assurer nos réserves de ressources+. Avec un tel mandat général, les entreprises, publiques ou non, se sont bien sûr dit +nous allons assurer nos sources d’approvisionnement+. Mais ce sont elles qui choisissent les pays » et leur stratégie d’expansion, dit-elle.
Pétrole soudanais, angolais ou nigérian, bauxite guinéenne, mais aussi cuivre mongol et fer péruvien… La Chine diversifie géographiquement ses investissements.
« Il n’y a pas de plan visant à soutenir un gouvernement ou des groupes, mais une logique commerciale, des affaires, avec parfois des conséquences », souligne cette analyste.
Ces affaires, du Soudan à la Guinée, ont bondi depuis cinq ans. Les investissements directs chinois en Afrique sont passés de 491 millions de dollars fin 2003 à 7,8 milliards fin 2008.
En Afrique, la Chine, pays non-aligné qui ne donne de leçons ni sur les droits de l’Homme ni la bonne gouvernance, est souvent bienvenue.
Les entreprises chinoises ne sont toutefois pas les seules sur le sol africain, souligne Barry Sautman, professeur à l’Université des sciences et techniques de Hong Kong.
« Au Soudan, par exemple, elle n’est certainement pas la seule à développer l’industrie pétrolière. Elle est associée dans des projets dont l’Inde détient 40% et l’Etat malaisien 25% », via leurs compagnies pétrolières respectives ONGC et Petronas, rappelle-t-il.
Deux entreprises d’ailleurs accusées, au même titre que les chinoises PetroChina et Sinopec, « d’aider à financer le génocide au Darfour », par l’ONG américaine « Investors against Genocide ».
« Et il y a les Européens, dont les Suédois déjà actifs dans l’industrie pétrolière au Soudan et la compagnie française Total intéressée par des développements dans le Sud », conclut Barry Sautman.
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