Alors que les stratégies de transfert de technologie sont remises en question par l’essor de l’innovation chinoise, les entreprises françaises doivent miser sur les partenariats d’égal à égal. Notre partenaire Connexions a rencontré Hervé Cayla, spécialiste de la R&D en Chine.

Hervé Cayla a consacré les 15 dernières années à la R&D, aux télécoms et technologies de l’information en Chine pour le groupe France Télécom Orange, dont il a créé le centre de recherche à Pékin en 2004. Il est aujourd’hui Search Director à Pékin au sein du cabinet de recrutement Stanton Chase et, simultanément, Président de la société de consulting Gailong International qu’il a créée.
A Lire : R&D en Chine, vers une économie de l’innovation
Connexions : Par rapport à votre riche expérience en Chine, comment analysez-vous le positionnement actuel des entreprises françaises en Chine en terme de R&D locale ?
Hervé Cayla : Beaucoup d’entreprises internationales ont compris l’enjeu de la R&D chinoise et ont choisi d’installer en Chine des centres de recherche. La Chine est ainsi en train de passer de 3ème terre d’accueil (ex aequo avec la France) pour l’investissement étranger en R&D, à la 1ère place en 2010, devant même les Etats-Unis.
Les entreprises françaises ont un rôle important à jouer eu égard à l’excellence de l’industrie française et à la qualité de son investissement en R&D dans un certain nombre de secteurs.
La recherche, même sur des sujets proches de l’application est par nature, internationale. S’engager dans des stratégies de collaborations internationales dans un contexte de compétition mondiale est la condition du développement d’une présence sur place et les entreprises françaises sont contraintes de faire évoluer leurs stratégies en Chine.
Il s’agit pour beaucoup, non pas d’activités annexes pour adapter les produits au marché chinois, en quelque sorte de « faire chinois », mais de construire des centres de compétences et d’excellence mondiaux, profitant de l’environnement scientifique et technologique local pour s’immerger dans l’écosystème. Ainsi, durant les dernières années, de nombreux centres de R&D d’entreprises françaises ont été créés, comme France Télécom Orange, EDF, PSA, Valeo, Michelin, Rhodia, etc.
Comment voyez-vous évoluer cette situation ?
Les stratégies des entreprises fondées sur les transferts de technologie sont maintenant lourdement mises en question par l’essor de la protection de la propriété intellectuelle et de la technologie chinoise.
Le choix consiste alors en un repli sur notre propre technologie qui risque aussi de consister en un repli sur notre marché intérieur de plus en plus étroit, avant d’y être concurrencé par les acteurs chinois, ou en la mise en place d’une stratégie de partenariat « entre égaux », où chaque partie apporte son savoir faire respectif pour concevoir, ensemble, les produits et services du futur et de la génération suivante.
C. : Quels seraient vos conseils à des entreprises hexagonales envisageant d’investir dans ce domaine en Chine ?
De nombreuses coopérations universitaires et académiques se sont également développées. L’activité en R&D des industriels français complète l’effort de coopération scientifique français, mais on note un manque de coordination évident entre les deux. En revanche, en Chine, les liens très serrés qui existent entre les universités/institutions de recherche et les entreprises, permettent une grande efficacité dans le transfert de technologies et la valorisation des résultats de la recherche.
Le développement de la présence française en Chine passe par l’amélioration de l’image technologique de la France : il s’agit de mieux profiter de la bonne relation entre les deux pays pour modifier l’image de la France, très bien placée dans les domaines culturels ou les produits de luxe par exemple, pour faire mieux connaître l’excellence de ses recherches et performances technologiques.
Il s’agit également de développer les synergies entre les aides et initiatives publiques et les actions des entreprises en bâtissant des partenariats universités/entreprises bilatéraux, en s’appuyant par exemple sur les pôles de compétitivité dont le modèle d’implication des grands groupes dans l’innovation au profit des PME a montré son efficacité.
Mais en parallèle, agir pour faire mieux connaître par les entreprises françaises les réalités du contexte chinois en la matière, en évitant de diaboliser systématiquement sa position lors d’actualités excessivement médiatisées.
Il est tout à fait naturel que la Chine retrouve sa place dans l’économie mondiale et qu’elle fasse valoir ses talents et capacités d’innovation. Nous avons certainement tout à fait intérêt à l’intégrer comme partenaire au sein des organismes de coopération ou de standardisation plutôt que de la combattre car la puissance montante de son économie en fera un concurrent redoutable.
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« Les stratégies des entreprises fondées sur les transferts de technologie sont maintenant lourdement mises en question », merci pour l’info! On avait cependant pas attendu qu’un cake de la R&D nous le dise pour le savoir! Et je ne pense pas que les entreprises n’ont plu l’ai attendu… Mais bon la vraie question est avait-on vraiment le choix??
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