Le logo de la banque de Chine, celui de Li Ning ou de la ville de Chongqing… c’est lui. Ce designer hong-kongais fait le pont entre la tradition calligraphique chinoise et le monde de la publicité, tout en cultivant son identité artistique. Notre partenaire Trait d’Union l’a rencontré.

Le logo de la banque de Chine, celui de la grande marque de sport Li Ning, l’habillage des bus First Bus… c’est lui. En y regardant bien, on constate que sa patte est partout dans le paysage graphique de Hong-Kong.
Ce mois-ci nous rencontrons l’un des vétérans du secteur créatif du territoire: le designer et artiste de renom Kan Tai Keung. Car on ne saurait comprendre l’éclosion de la nouvelle scène artistique sans prendre la dimension des précurseurs, ces originaux de l’ère industrielle qui ne purent « faire comme Papa », n’ayant pour seul choix que d’être eux-mêmes et de prendre le chemin des arts.
À l’époque où Kan Tai Keung décide de devenir designer, sa voie semblait toute tracée: né à Panyu, près de Canton en 1942 et arrivé à Hong-Kong à 10 ans, il se destinait, après l’école, à une vie au milieu de ciseaux, de coupons de tissus, d’aiguilles et de patronages tracés à la craie… Mais après dix ans passés à habiller les élégants, il entend l’appel de la muse créative et décide de parer Hong-Kong de nouveaux atours.
Il rencontre son mentor, Miss Chan, qui lui enseigne aux cours du soir son nouveau métier de designer. Tailleur le jour, étudiant la nuit, il ne sait pas encore qu’il incarnera quarante plus tard l’esprit d’une ville qui se réinvente en permanence.
C’est dans son bureau de Design center de Kowloon Tong, au milieu de ses oeuvres et échantillons de produits, que nous rencontrons le regard pétillant du vieux maître.
Trait-d’Union : Pour vous, quelle est la différence entre art et design?
Kan Tai Keung : J’ai toujours rêvé d’être un artiste, et dès mon plus jeune âge ai eu envie des peindre des « San Seui Wah » (« Montagne, eau, peinture »: paysages traditionnels à l’encre de Chine inspirés du taoisme). Lorsque je peins pour moi, je suis libre, indépendant. Je puise en moi-même la fraîcheur de ma créativité.
En revanche, lorsque je conçois un logo ou une campagne graphique pour un client, je dois être sensible à ses besoins et créer au sein des limites qui me sont imposées dans le brief. Mais avant tout, j’essaie par le design de contribuer à l’amélioration du quotidien des gens.
Vos peintures ont beaucoup évolué….
Oui, j’ai eu trois grandes phases, et ce qui marque cette évolution, c’est la rencontre de la tradition chinoise et de la calligraphie avec l’art contemporain occidental. Pendant dix ans, j’ai été influencé par le modernisme, l’école architecturale Bauhaus et le pop art.
Puis j’ai senti le besoin d’effectuer un retour vers la « grande nature » et ma propre culture. En quête d’inspiration, me promenant sur les hauteurs, dans les forêts, mon regard sur les arbres, les pierres et les cascades était teinté d’occident. Mes » san seui wah » n’avaient rien de traditionnel!
Enfin, j’ai marché dans les pas du grand peintre de la dynastie Qing: Shi Tao. Celui-ci, transgressant les codes classiques et l’esthétique institutionnelle décida « de prendre sa propre voie ». Aujourd’hui, mes peintures hybrides sont des paysages-poêmes que l’on peut lire.
Quelle est votre couleur préférée?
Ce n’en est pas une! J’aime le noir, car avec l’encre de Chine, on peut créer des nuances et des teintes à l’infini. (voir vidéo)
Que pensez-vous de la scène créative à Hong-Kong?
Celle-ci a beaucoup changé et la jeunesse me rend très optimiste. Les artistes locaux sont de plus en plus nombreux et peu à peu transforment la cité. Bien sûr les affaires et la course à l’argent sont toujours essentiels, mais la culture et les arts sont en train de prendre une place nouvelle dans la vie de la ville. Je cherche d’ailleurs à contribuer à ce changement en dédiant une bonne partie de mon temps à l’éducation des jeunes. La roue tourne et il nous faire face au futur.
Portrait Yin Yang : si vous étiez….
Une construction? Un abri au sommet d’une haute montagne.
Un livre? Une « si zap », une collection de poèmes.
Une catastrophe? Un tsunami.
Un accident? Un doigt coupé.
Une femme? Une élégante.
…
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