Le bureau en charge de la propagande s’inquiète des « informations étrangères nocives » et les internautes ne pourront à l’avenir écrire sur les forums qu’en déclinant leur identité. Le renforcement du contrôle du web se poursuit tranquillement.

Les responsables du Parti se barricadent face à une société civile naissante sur le web, principale menace contre le monopole qu’ils exercent sur la vie politique du pays.
Les législateurs chinois ont adopté un amendement à la loi sur les secrets d’état, souvent utilisée par le passé pour arrêter les voix dissidentes. Le nouveau texte prévoit que « la transmission de l’information doit être immédiatement bloquée si elle contient des secrets d’état », selon l’agence Chine Nouvelle. Une fois qu’une « fuite » est découverte, elle doit être retirée du web et les « enregistrements conservés ». Les secrets d’état sont définis dans le nouveau texte comme les informations qui si elles étaient divulguées « porteraient atteinte à la sécurité et aux intérêts de l’état ».
La nuance avec la situation qui prévalait jusqu’alors est mince. En 2005 déjà, Yahoo! avait fourni des informations permettant aux autorités de remonter jusqu’au cyber-dissident Shi Tao, après qu’il eût posté sur internet une consigne gouvernementale interdisant aux médias d’évoquer l’anniversaire de la répression de Tiananmen. Il purge encore aujourd’hui sa condamnation à 10 années de prison ferme, pour « divulgation de secrets d’état ».
Le Bureau de l’information rêve d’intranet
L’adoption d’un nouveau texte en ce domaine indique toutefois que les conservateurs du régime ont la main sur ce qui touche à internet et aux libertés.
Le numéro 2 du Bureau de l’Information du Conseil des Affaires d’Etat a annoncé un renforcement de la surveillance de ce qu’il nomme « l’information nocive sur internet », selon l’agence Chine Nouvelle. Employant une rhétorique un peu poussiéreuse, Wang Chen rêve d’intranet. « Tant que l’internet de notre pays est connecté à celui du monde extérieur, des informations étrangères nocives trouveront des canaux et méthodes pour apparaître sur les sites web de l’intérieur » a-t-il déclaré, selon Chine Nouvelle. Les responsables de la propagande ne croient donc pas aux bienfaits du village global.
Son nouveau cheval de bataille est l’identification des internautes. Le gouvernement chinois leur interdira désormais de publier des commentaires sans donner leur identité réelle sur les forums, sites web et téléphones mobiles. La toile chinoise n’était déjà pas auparavant le royaume de l’anonymat. Sur les 404 millions d’usagers que compte la toile chinoise selon les derniers chiffres officiels, beaucoup utilisent les ordinateurs de cybercafés, où il faut montrer une pièce d’identité avant de surfer. A Pékin, certains commissariats de quartier sont ouvertement dotés d’un « bureau d’internet ».
Les autorités chinoises ne se contentent pas de censurer, elles ont également adopté une démarche pro-active afin de tourner le développement du web à leur avantage. Elles rémunéreraient des internautes postant des commentaires leur étant favorables. Les blogueurs chinois les surnomment « wu mao dang », ou Parti des cinq maos, les centimes de yuans, du nom de la rétribution qui leur serait promise en échange.
Un nouveau « Bureau 9 », en charge des réseaux sociaux
Mi-avril, le New York Times révélait qu’un nouveau bureau avait été créé au ministère de l’Information afin de mieux gérer les sites de social networking et les forums, plus complexes à contrôler que les portails d’information classiques. Le « Bureau 9 » est désormais chargé « du guidage, de la coordination et autres tâches liées à la construction et à la gestion de la culture web », selon les informations fournies par le gouvernement au quotidien.
Le contrôle version 2.0 ne satisfait pas tout le monde. Lors d’une récente conférence à l’école de journalisme de l’Université du Peuple à Pékin, Wu Hao, le deuxième plus haut gradé du bureau de la propagande de la province du Yunnan, dans le sud-ouest du pays, en a fait l’expérience. Précurseur en matière de net-populisme, il s’est fait une réputation l’an dernier en demandant à des blogueurs ayant découvert qu’un prisonnier n’était pas mort d’une partie de cache cache mais de violences de mener eux-mêmes l’enquête.
Cette fois-ci, un jeune homme lui a jeté des billets de cinq centimes à la figure en lançant « Wu Hao, wu mao ».
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