Manifestations tout ce week-end dans plusieurs villes du pays. Menaces et intimidations contre les médias français. Boycott des produits et des marques françaises. La crise est désormais ouverte.

Plusieurs manifestations anti-françaises ont éclaté ce week-end en Chine, visant notamment l’enseigne Carrefour, pour protester contre l’attitude de la France sur le Tibet et les jeux Olympiques.
Même si le nombre total de participants était difficile à évaluer, ces manifestations ont été sans conteste les plus importantes en Chine depuis le mouvement contre le Japon du printemps 2005 et les premières dirigées spécifiquement contre la France depuis l’établissement des relations diplomatiques depuis 1964.
Le plus gros rassemblement a eu lieu à Wuhan, ville industrielle du centre, de huit millions d’habitants.
Des centaines de Chinois, voire des milliers, ont défilé devant des magasins Carrefour, selon la police et des témoins.
Les manifestants se sont d’abord rassemblés devant un premier magasin pour appeler au boycott des produits vendus par Carrefour, avant de se diriger vers d’autres quartiers, a-t-on ajouté de même source.
« Il y avait plusieurs centaines de manifestants, calmes, en majorité des jeunes, ils ne sont pas restés longtemps, ils brandissaient des drapeaux chinois », a raconté au téléphone un autre témoin.
Selon la police, ils étaient 300 au début, puis le cortège s’est vite étoffé.
Une source informée, citant la police, a indiqué que le cortège vers midi avait rassemblé jusqu’à 10.000 personnes, nombre que l’AFP n’a pu confirmer de manière indépendante.
Selon cette source, les manifestants étaient « très bien organisés ».
Des photos publiées sur des forums internet confirmaient la présence d’une large foule défilant à Wuhan. Des manifestants portaient un drapeau français maculé de croix gammées et traitant Jeanne d’Arc de « prostituée ».
La police et le gouvernement de Wuhan n’ont pas souhaité faire de commentaires.
A Qingdao (est), un rassemblement a également regroupé « 50 à 100 personnes », a indiqué un témoin. Un rassemblement plus important, regroupant plusieurs milliers de personnes (voir photo) a été signalé à Hefei. Des manifestations ont également eu lieu à Shenzhen et à Kunming, notamment.
La capitale chinoise a également été touchée.
« Il y a eu des manifestations devant quatre des neuf magasins de Pékin (…) 50 à 100 personnes à chaque fois, avec des banderoles », a déclaré un responsable du groupe en Chine, sous couvert de l’anonymat.
Dans la capitale, deux petites manifestations se sont également produites samedi aux abords de l’ambassade de France et du Lycée français, ont constaté des témoins.
Une dizaine de voitures décorées de drapeaux chinois ont circulé autour de l’ambassade avant que le quartier ne soit bouclé par une centaine de policiers anti-émeute.
Un peu plus tard, un petit groupe de Chinois s’est rassemblé dans le calme devant le Lycée français de Pékin, brandissant des pancartes.
Dimanche, ces manifestations se sont poursuivies, selon l’agence Chine Nouvelle.
Plus d’un millier de personnes se sont rassemblées devant le magasin Carrefour de la ville de Xian (nord-ouest). Des attroupements similaires ont eu lieu à Harbin (nord-est) et Jinan (est), selon la même source.
Dans une interview publiée dans le Journal du Dimanche, le président du directoire de Carrefour José Luis Duran, a affirmé prendre la situation « très au sérieux » alors que le fiasco du parcours de la flamme olympique à Paris et les menaces de bouder la cérémonie d’ouverture des JO provoquent un sérieux coup de froid entre la France et la Chine.
La fièvre semblait être pourtant retombée dimanche matin avec le déploiement d’effectifs policiers aux abords des magasins cibles de la vindicte des manifestants.
Le calme semblait être revenu à Qingdao (est) et à Wuhan (centre) où des centaines de Chinois, voire des milliers, avaient défilé samedi.
La presse officielle chinoise a relayé dimanche un nouvel appel au calme des autorités. « En tant que citoyens, nous devons exprimer notre patriotisme avec calme et responsabilité et de manière légale et ordonnée (…) », a exhorté le Quotidien du peuple.
Jeudi, le régime chinois avait déjà appelé ses habitants à réfréner leurs ardeurs patriotiques: « la ferveur patriotique doit être canalisée de manière rationnelle et doit se muer en action efficace », rapportait Chine nouvelle.
Le fiasco de la flamme olympique à Paris et les menaces de bouder la cérémonie d’ouverture des JO ont provoqué un sérieux coup de froid entre la France et la Chine.
Depuis plusieurs jours sont lancés des appels au boycott des produits français, symbolisés par la forte présence de Carrefour en Chine où le groupe possède plus de cent magasins, très populaires.
La presse française est aussi la cible des médias chinois, dénonçant sa couverture « biaisée » des événements du Tibet, interdit aux journalistes étrangers. Des menaces ont été reçues par la plupart des correspondants français en Chine, notamment les journalistes qui participent à ce site.
Les émeutes de Lhassa le 14 mars ont fait 18 morts parmi les civils et deux parmi la police, selon le gouvernement chinois.
Les Tibétains en exil affirment que la répression chinoise a causé au moins 135 morts parmi les Tibétains.
Par ailleurs, l’Ambassadeur de France à Pékin a organisé une conférence de presse dans laquelle il a pris position à propos de cette crise (des propos publiés aujourd’hui dans le journal officiel China Daily, à lire ici). Il regrette pour l’essentiel l’attitude des manifestants à Paris et rejette la responsabilité de la crise sur le maire de Paris.
Enfin, à Paris, des centaines de manifestants, essentiellement des étudiants, se sont rassemblés avec les mêmes slogans.
Nicolas Sarkozy a décidé d’envoyer cette semaine des émissaires à Pékin pour tenter de résoudre la crise.
A voir également
Notre reportage photo sur la manifestation à Qingdao
Notre vidéo sur la situation à Pékin
Vidéo de la manifestation à Hefei
Vidéo des enfants des écoles manifestaht contre Carrefour
Article mis à jour lundi 21 avril à 10h22