Pourquoi les centres commerciaux remplacent t-ils les quartiers traditionnels dans les villes chinoises ? Peut-on et faut-il arrêter ce processus ?

Ce sont quelques une des questions qui ont été posées lors d’une récente conférence dans la capitale chinoise. Organisé par l’ONG Centre pour la protection de l’héritage culturel de Pékin (CPHC), l’événement était la version édulcorée d’un débat public prévu en mars dernier autour de la destruction du quartier de Gulou. Jugé dérangeant, il avait été interdit à la dernière minute.
Pour cette association, il s’agit de l’un des plus grands chantiers : éveiller les consciences autour de la destruction des vieux quartiers, où les tours de verre gagnent tous les jours du terrain sur les Hutongs. Un phénomène quelque peu paradoxal : pourquoi la Chine, si fière de ses 5000 ans d’histoire, se désintéresse-t-elle manifestement de son patrimoine architectural?
Les raisons sont d’abord historique, ont expliqué les intervenants. Selon Jim Stent, directeur du CPHC, les dirigeats chinois ont dû faire face après les réformes économique à un développement d’une rapidité inégalée et à un afflux massif et soudain de population, qui a modifié et densifié les villes. Les urbanistes se sont ainsi retrouvés confrontés à un véritable défi.
Par ailleurs, a déploré M.Stent, les décideurs pékinois ont suivi l’exemple de Hong Kong, où la préservation du patrimoine est une notion bien lointain. Comme là-bas, a-t-il ajouté, les promoteurs immobiliers ont beaucoup trop de pouvoir et de relations avec les autorités.
Pour Li Luke, professeur d’architecture à l’université de Tsinghua, la période de la Révolution culturelle n’a pas favorisé la valorisation du patrimoine : « durant cette période, les gens ont été convaincus que Hutongs et Siheyuan (cours carrées traditionnelles) n’étaient que les vestiges d’un ancien monde sans valeur ».
La préservation des Hutongs, idéalisme romantique ?
Au fait, pourquoi préserver à tout prix les Hutongs ? La question a également été soulevée : la volonté de sauvegarder ces quartiers, souvent insalubres et surpeuplés, est elle réaliste, ou relève-t-elle d’un fantasme romantique ?
Pour Mme Li, cela est tout à fait réalisable. « Les Siheyuan sont l’une des formes d’habitat les plus flexibles au monde, ils peuvent donc être adaptés au mode de vie moderne malgré les difficultés que cela présente ». Parmi d’autres pistes, Mme Li a suggéré que la modernisation des vieux quartiers se fasse, par exemple, en y installant des parkings souterrains.
Des aménagements onéreux. Mais les intervenants à la conférence s’accordent sur un point : la préservation du patrimoine n’est pas une affaire d’argent, mais d’identité, et il est absolument nécessaire pour une civilisation de pouvoir faire le lien entre le passé, le présent et le futur. Une conception que partagent rarement les promoteurs immobiliers.
Reste à savoir ce que deviennent les habitants dans la modernisation des villes. « Ce problème devrait être beaucoup plus pris en compte par les urbanistes chinois », déplore Mme Li, qui regrette « la disparition de lieux des gens du commun » à Pékin.
« Il y a des exemples de villes où la préservation du patrimoine s’est faite de manière réfléchie et réussie », insiste pour sa part M. Stent, évoquant les exemples de Séville et de Venise. « Mais sur cette question, les Chinois, qui s’inspirent de ce qui se fait à l’étranger dans de nombreux domaines, ne semblent pas vouloir tirer les leçons de ce qui a marché ailleurs ».
Interrogé sur le devenir du quartier de Gulou, à Pékin, où de nombreux Hutong sont en cours de destruction, M.Stent déclare ne pas savoir grand chose. Mais le directeur du CPHC lance tout de même qu’il y a là pour les autorités « une opportunité d’apprendre du passé et de ne pas continuer à faire les mêmes erreurs ».
Au pays des chantiers titanesques, difficile de croire à l’impossibilité de simples opérations de rénovation. A Pékin comme dans d’autres villes, le problème de la préservation des vieux quartiers est d’abord est le résultat d’un manque de volonté politique. Point sensible et coeur du sujet qui, lors de la conférence n’a été évoqué qu’à demi-mots.
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