Malgré les qualités de son réalisateur et son budget record, le film de Zhang Yimou s’annonce comme un flop à l’étranger. La faute à Pékin et à ses rêves de gloire.

Un budget colossal, des stars internationales, une histoire mêlant amour, guerre et héroïsme… The Flowers of War a toutes les cartes en main pour être un succès mondial, mais une tare de taille : c’est un film chinois.
La nouvelle réalisation de Zhang Yimou, qui sort vendredi sur les écrans du pays, est une première de plusieurs points de vue. C’est la première fois qu’on investit tant dans une production en Chine : 94 millions de dollars, un record absolu pour le pays. Première fois aussi qu’un film chinois se paye les services d’une star occidentale majeure, avec Christian Bale dans le rôle d’un croque-mort dans la Chine des années 30.
Adapté du roman Les 13 fleurs de Nanjing, de Geling Yan, le blockbuster raconte l’histoire de John Miller, un Américain plongé dans les horreurs du « Massacre de Nankin ». Le film montre les troupes japonaises qui tuent et violent avec engouement. Le héros devenu prêtre cherchera à sauver de jeunes filles choisies par les Japonais pour servir de prostituées aux soldats, trouvant au passage amour et rédemption.
Le plus célèbre réalisateur chinois compte sur ce scénario à l’hollywoodienne et sur le rôle phare de Christian Bale pour signer une autre première : rapporter un oscar au pays. Le film est le candidat officiel de la Chine dans la course à la statuette et sortira la semaine prochaine de l’autre côté du Pacifique. Problème : les premières projections y ont eu lieu, et les réactions sont plus que froides.
Rien à redire sur le jeu de l’acteur principal, récompensé l’année dernière d’un oscar, ni même sur la réalisation « somptueuse » de Zhang, dont les films précédents, Hero, Sorgho Rouge, ou Vivre! ont séduit le public comme la critique. Pour les commentateurs américains, le film pèche en revanche par son scénario « artificiel et peu convaincant », et son « message de propagande ».
Niaiserie patriotique
« Si Warner Bros avait produit un film avec ce scénario en 1942, ils en auraient fait une propagande anti-japonaise efficace, et au passage un drame absorbant. Aujourd’hui, cela passe tout juste pour une niaiserie. », assassine le Hollywood Reporter.
On reproche au film d’être une autre de ces productions aussi épiques que patriotiques « commandées » ou du moins très encouragées par le gouvernement. Pékin a en effet pris l’habitude d’investir de grosses sommes dans des films à thème politique et historique qui soignent son image. La fondation d’une République rassemblait une pléthore de stars pour les 60 ans de la Chine communiste en 2009, et le recent Début d’une nouvelle renaissance accompagnait le 90ème anniversaire du Parti.
La sortie de The Flowers of War concorde quand à elle avec la semaine de commémoration du « Viol de Nankin », un des épisode les plus sanglants de l’histoire chinoise, dont les commémorations et l’enseignement appuyé soudent encore aujourd’hui la nation.
Au fil des interviews, Christian Bale est sommé de se justifier pour sa participation au film, des cinéphiles se font historiens et déterrent les débats sur les chiffres du massacre et les rêves d’oscars paraissent bien loin.
Zhang Yimou garde le silence sur ces critiques, auxquelles il est habitué. En 1999, son film The Road Home est critiqué pour sa fin pro-gouvernementale. Il réagissait alors dans le Beijing Youth Daily : « Quand il s’agit de film chinois, l’Occident a une lecture uniquement politique : si ce n’est pas contre le gouvernement, c’est pour le gouvernement . Ces critères de jugement sont naïfs et manquent de perspectives.»
Pour beaucoup pourtant, la patte de Pékin est plus que visible dans The Flowers of War. Le film est « très appuyé sur le nationalisme, et saturé de fierté patriotique typique de la vision par le cinéma chinois des périodes émotives de l’histoire nationale », commente Reuters. Et le constat du « très faible potentiel commercial » en Occident, peut être étendu à la plupart des grosses productions chinoises.
« Soft power » et bénéfice commercial
A Pékin, les autorités ne cachent pas leur implication dans l’industrie cinématographique. L‘explosion du box-office domestique, 1,5 milliards de dollars en 2010, soit 64% de plus que l’année précédente, a fait comprendre que l’industrie culturelle pouvait rapporter gros, financièrement, mais aussi politiquement.
Le développement du « soft power » chinois, un des sujets phares du gouvernement ces derniers mois, met en première ligne l’industrie du film pour faire entendre la voie du pays à l’international.
Afin d’assurer la bonne promotion de la « culture et du peuple chinois à l’étranger », la production domestique est mise sous surveillance. Censure des contenus subversifs, bien sûr, mais aussi droit de regard sur les scénarios, les sujets abordés, et les messages véhiculés par ces films devenus éclaireurs commerciaux et diplomatiques.
Plus le sujet se rapproche du Parti plus l’ingérence est forte. Les scénarios des films politiques ou militaires font la navette entre les administrations chinoises pour approbation ou rectification. De façon générale, la marge de manœuvre artistique sera réduite pour les films au contexte contemporain.
Pour un polar, par exemple, impossible de jouer sur des antagonismes forts. «Sans un méchant, un gentil n’a plus aucun rôle à jouer», se plaint Chen Daming, réalisateur à succès en Chine.. C’est ainsi que beaucoup des blockbusters chinois soulèvent les mêmes critiques que celles de Flowers of War : « un mélange de vulgarité commerciale et de message de propagande », à l’« histoire pauvre », et aux personnages « comme des récipients vides ».
Les films d’époque sont réputés plus libres, mais les autorités peuvent aussi vouloir y faire passer un message. L’année dernière la sortie de Confucius répondait aux discours de réhabilitation du philosophe, nouveau ciment désigné du sentiment national.
Le film est comme beaucoup de superproductions chinoises piloté à distance par l’administration, qui brille plus par ses calculs économiques que par sa sensibilité artistique. Résultat, une diffusion anecdotique à l’étranger, et une humiliation au box-office nationale contre Avatar, qui sera finalement déprogrammé pour faire de la place.
Une camisole aux artistes
Les films hollywoodiens sont en moyenne deux fois plus rentables sur le marché intérieur que les productions locales. La preuve que les échecs récurrents des films chinois à l’étranger ne sont pas le fruit d’une différence de culture, mais bien d’un manque de lucidité des autorités chinoises sur les attentes du public.
«Vous ne pouvez pas imposer une camisole aux artistes et les faire concourir comme des athlètes.» ironise le critique culturel Zhou Liming.
Pour ceux qui refusent la camisole, c’est l’exil ou le banissement temporaire. Les chefs-d’oeuvre indépendants de Chen Kaige ou de Tian Zhuangzhuang sont chinois même s’il ils ont été interdits en Chine, Lu Yue produit lui ses films à l’étranger. Les cinéphiles du monde en entier le savent : quand Pékin n’est pas là, les Chinois font des leçons de cinéma.
En attendant de trouver une solution à ses problèmes d’export, l’industrie cinématographique chinoise pourra profiter de plus de place sur son marché domestique. Jeudi 15 décembre, le gouvernement a révélé un projet de loi visant à bannir les films étrangers qui « incitent à la haine », « propagent le jeu, l’obscénité, la drogue, la superstition, la violence et la terreur » ou sont, plus simplement, contraires aux « intérêts nationaux ».
A Lire aussi :
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L’embarrassant échec du film anniversaire du PCC
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« une tare de taille : c’est un film chinois »
J’apprécie beaucoup ce résumé. Quand les Chinois tournent un film sur la Seconde Guerre mondiale, c’est forcément une propagande anti-japonaise ou anti-allemande.
Vu le film hier. Effectivement c’est une horreur. Bon, les ricains produisent des films bien propagande aussi, hein, mais au moins ils ont la délicatesse d’y embaucher un réalisateur autrefois génial et un acteur excellent (mais visiblement égaré) pour faire passer ca pour de l’art.
… A force de passer juste au dessus de la barre …
Nationaliste, patriotique et anti-japonais… Pas de toute se sera très certainement un carton au box office chinois!
不管黑猫白猫,能抓老鼠就是好猫 – 邓小平
PARLER DE CINÉMA ET PROPAGANDE ( 1945 -2011 ) C’EST PARLER DES EEUU / HOLLYWOOD / PENTAGONE / CIA …. IL FAUT PAS SE TROMPER….
Le Professeur Noam CHOMSKI / USA / Univ MIT
Les dix stratégies de manipulation de masse
Posted on 01/10/2010 by Vincent Verschoore
http://pressenza.com/npermalink/les-dix-strategies-de-manipulation-de-ma…
Sans parler pour l’auteur de ce texte(*), il me semble que le machiavélisme nécessaire à la mise en œuvre de ses stratégies est sans doute variable d’une clique politique à l’autre, sans distinction a priori d’appartenance à la gauche ou à la droite. L’ensemble de ces stratégies fait partie du “système d’Etat” peu importe qui est au pouvoir, chaque gouvernement ne modifiant quel le niveau d’intensité de telle ou telle approche. Le contrôle d’une partie importante des médias est évidemment un pré-requis pour que tout cela fonctionne, que ce soit par nomination directe des directeurs ou par copinage.
1/ La stratégie de la distraction
2/ Créer des problèmes, puis offrir des solutions
3/ La stratégie de la dégradation
4/ La stratégie du différé
5/ S’adresser au public comme à des enfants en bas-âge
6/ Faire appel à l’émotionnel plutôt qu’à la réflexion
7/ Maintenir le public dans l’ignorance et la bêtise
8/ Encourager le public à se complaire dans la médiocrité
Note: Article à lire et diffuser surtout en Europe mais pourquoi pas en Chine
pour avoir discuté avec des réalisateurs de films chinois lors des différentes éditions du festival du film asiatique de Deauville, tous m’ont dit plus ou moins directement le poids prépondérant des autorités dans la lecture, la relecture voire la réécriture pour obtenir l’accord de publication.
Au programme: compatibilité avec la société « harmonieuse » chinoise, création de personnages politiquement corrects et j’en passe…
Les exemples étaient multiples et plus édifiant les uns que les autres
bencello
Il serait effectivement temps que la Chine confie sa propagande extérieure à des services plus décentralisés, genre Hollywood, qui seraient infiniment plus compétents pour défendre l’image de la Chine dans le monde.
L’histoire nous a montré qu’il n’y a pas d’incompatibilité a priori entre centralisation et propagande efficace, dans les dictatures comme dans les démocraties.
Mais force est de constater que le ministère de la propagande chinois est assez nul.
La PROPAGANDE joue dans les « démocraties » le même rôle que la VIOLENCE dans les « dictatures » ………….. soit MANIPULER LE PEUPLE ….. soit moins efficace soit le système de propagande mieux pour LE PEUPLE visé …. Il semble claire que la propagande « scientifique » développée par les démocraties et bien plus effective pour asservir / endormir les peuples « démocratiques » que celle des dictatures …..
pour avoir vu le film, je ne suis pas du tout d’accord avec l’article ci-dessus
Le sujet principal n’est pas tant les horreurs commises par les Japonais que la poésie et l’histoire des caractères opposés vierges / putes qui apprennent à se connaître.
Le film n’est pas du tout pour moi un film de propagande, même si les débuts y font penser.
La présence d’un acteur américain est certes surprenante mais intéressante, et son jeu se révèle au cours du film.
Certes, ce n’est pas le meilleur Zhang Yimou, mais pour une super production commerciale, je pense que le film s’en sort plutôt bien
C’est à cause de ce nouveau projet de loi qu’on a pas (encore) pu voir le volet 4 de Twilight dans les salles en Chine ? Alors qu’ils ont passé les 3 précédents ?
Je suis tout a fait d’accord avec SiMaoSavait.
Pour avoir vu le film ce soir et si on doit trouver un message de propagande dans ce film, ca serait plutot un message de propagande en faveur de… l’Eglise chretienne.
Je me demande si Pierre Haski ou Reuters ou le Hollywood Reporters ont vu ce film avant de sortir leurs commentaires.
Depuis HERO on n’arrête pas d’accuser YImou de faire des films de propagande (ca sens la mauvaise foi pour le discritiquer ) alors que visiblement il essaye toujours de ne pas rentrer dans ce jeu ,il se sert du système pour faire les films qu’il veux,n’oublions pas qu’a une époque les réalisateurs US aussi faisaient pareil,tellement la censure était lourde!
Surement ses films sont trop subtiles pour certains,et que c’est plus facile d’y voir les choses qui n’y sont pas!
« Un film chinois est une tare » ,pour les occidentaux et surtout les américains tellement conservateurs,ce film n’avait aucune chance de marcher aux USA,et je suis sur que Yimou le savait très bien,mais ca lui a permis d’engager Bale,Yimou se sert visiblement du gouvernement chinois pour faire les films qu’il veux en leur faisant croire qu’il roule pour eux,manipuler la censure est facile ,car elle est bête !
La critique aussi avec leur préjugés ,plus enclin a défendre Wong kar wai que Yimou ,qui lui a mainte fois critiquer la société chinoise dans le passé !
Yimou a fait la cérémonie des JO de Pékin… Il est devenu l’artiste officiel du régime. C’est comme ça.
Avant de coller une etiquette a Zhang Yi Mou, regardons plutot ce qu il a fait et surtout le contenu de ce qu il a fait.
Dans les JO de Pekin : on ne voit aucune reference a la gloire revolutionnaire, au marxisme ou a Mao. Elle reste dans l’esprit en realite tres proche de la ceremonie d’ouverture tres hellenistique des JO d’Athenes. Quant au film Flowers of war, l’article raconte reellement le contraire de ce qui se passe dans le film.
Si un jour Zhang Yi Mou decide de faire un Indepedance Day avec le Will Smith chinois, oui on pourrait le taxer de propagandiste. Pour l’instant non.
C’est génial Independance Day ! C’est justement l’inverse de ça ? Ou alors à force d’être Endirectdechine tu as perdu le sens de l’ironie ?
Ouaiiiii geniaaaaal !!! Les Americains sauvent le monde !!!!!
A vrai dire, j’ai bien aime le film, tres tres plaisant et plein de suspense et le cote « les Americains sont les meilleurs » ne me derange absolument pas. Mais si les Chinois font un film semblable, Pierre Haski fera illico un nouvel article sur les derives propagandistes du cinema chinois et Yann ajoutera quelques commentaires dans ce sens, pas vrai? ;-).
Mais independance Day c’est de l’ironie ! C’est justement pour se foutre de la gueule des américains. Si Yimou fait la même chose avec Hu Jintao et Yao Ming, c’est un génie ! Je l’épouse !
Independance Day a été pris au premier degrés par nombre d’américains d’ou son succès et le réalisateur ne les a pas trop détrompé!
Avec Yimou c’est un peu pareil ça l’arrange un peu qu’on dise qu’il fait des films patriotiques auprès du gouvernement chinois !
j’ai jeté un oeuil sur les critiques des gens qui ont vu le film,une bonne partie n’a rien trouver a redire,deplus prendre un anglais pour être le rôle principal dans un film chinois a gros budget c’était une première ,en chine ils n’aiment pas trop les occidentaux c’était anti commercial de faire cela
Et les critiques américaines ont surement pas trop apprécié de voir un personnage américains qui au rebut du film ne pensse qu’a sa pomme !
Bale a dit que tourner un film en chine c’est une occasion qu’il ne fallait pas refuser!
Je n’ai pas encore vu le film,mais je pense que Yimou a accepter de tourner un film sur le massacre de Nankin pour plaire au gouvernement chinois,mais en sachant très bien que le film allait parler d’autres choses !
En chine la censure n’a rien a redire sur des films violents,mais ils sont trés regardant sur tout ce qui est nudité et sexe,ca a grincé a ce qu’il parait sur les décolletés des actrices de la Cite interdite !
Ils ont censuré une scène dans Titanic ,une scène d’ailleurs qui ne pourrait plus passer la censure us actuelle sans que le film soit classé R ,car montrer un sein est aussi scandaleux en chine qu’ aux USA !
Yann : d’apres ce que j’ai vu, independance day n’est pas un film extremement subtile contrairement a Flowers of war.
Je sais que certains commentateurs pensent que c’est un film ironique, mais a tord, en utilisant des methodes hypercritiques qui n’ont aucun rapport avec l’esprit du film.
Independance day est peut etre aussi ironique que Rambo 3, qui sait…
jhudson : tout a fait d’accord.
Note = Rambo est un film plus malin qu’il n’en a l’air.
C’est le cas de Rambo 1 mais Rambo 2 et 3…
On est d’accord…