Cette semaine sur l’Internet chinois, plusieurs plates-formes de micro-blogging ont été mystérieusement fermées pendant quelques jours. C’est le dernier coup de semonce en date du gouvernement sur un Internet qu’il peine de plus en plus à garder sous contrôle.

Sohu, NetEase, Sina… Si ces sites ne vous disent rien, ils sont pourtant extrêmement populaires sur le web chinois, notamment grâce à leurs plates-formes de micro-blogging. Connue en Occident sous le nom de Twitter, cette forme de blog se composant uniquement de post très courts (en général 140 signes au maximum) permet de faire circuler des informations à une vitesse inégalée.
En Chine, malgré le blocage de Twitter par le gouvernement l’année dernière, le micro-blogging s’est rapidement développé dans la communauté internet, qui rassemble aujourd’hui 420 millions de personnes selon les derniers chiffres du Centre d’Information sur le Réseau Internet Chinois.
Preuve de ce succès grandissant, le site du Quotidien du peuple avait lui même ouvert sa version de Twitter au début de l’année, sur laquelle le président Hu Jintao en personne avait brièvement tenté l’expérience du micro-blogging.
C’est d’ailleurs sans doute à cause de leur popularité que les plates-formes de micro-blogging sont récemment devenues la dernière cible du gouvernement chinois dans sa volonté de contrôle de l’Internet.
La fin des micro-blogs en Chine?
Premier sur la liste, Sohu est soudainement devenu inaccessible vendredi dernier, avant de rouvrir lundi matin. Mardi, NetEase affichait « Veuillez nous excuser, le site est actuellement fermé pour maintenance ». Le site est redevenu accessible jeudi, mais sa barre de recherche a été désactivée. Sina et Tecent, quant à eux, n’ont pas fermé, mais un logo « beta » s’est affiché sur leur page d’accueil, indiquant que la version du site utilisée était une version test.
Depuis ces événements, les spéculations vont bon-train dans le milieu du web chinois et de ses observateurs, qui craignent que ce coup de semonce ne soit l’annonce d’une interdiction prochaine des sites de micro-bloggings. Plusieurs raisons sont avancées par les commentateurs.
Certains évoquent une volonté gouvernementale de mettre en place un système de licence lui permettant de tirer de l’argent de ce marché juteux. Mais la plupart y voient bien sûr une tentative de contrôle d’une opinion que le web a rendu de plus en plus volatile.
« C’est un témoignage de la culture du Parti unique, qui s’adonne quatre ou cinq fois par an à ce genre de tour de vis« , explique Renaud de Spens, observateur attentif du web chinois et rédacteur d’une chronique sur la question pour le magazine Connexion. C’est symptomatique d’une velléité de contrôle des franges conservatrices du Parti Communiste chinois sur le Web. »
Big Brother is débordé
Mais pour lui, le micro-blogging chinois n’est pas voué à disparaître, puisque le système, très facile à mettre en place, est également disponible sur renren.com (l’équivalent local de Facebook) et sur toute une série de sites moins connus. « C’est extrêmement en vogue en ce moment. Et pas parce que ça sert à renverser le gouvernement, mais avant tout parce que c’est utile et que ça répond à un réel besoin. D’ailleurs, même le Parti s’y est mis quant il a vu les avantages qu’il pouvait en tirer pour sa communication. »
Outre le président Hu Jintao, plusieurs officiels se sont en effet mis à « twitter » en vertu de la modernisation de la stratégie de communication du gouvernement. Même le Bureau de la Sécurité Publique a ouvert un compte, et lors de la dernière Assemblée Nationale Populaire, les députés étaient incités à rendre compte des réunions par ce biais.
« Bien sûr, c’est un outil qui peut être utile aux dissidents. Mais dans la masse de gens qui l’utilisent, c’est une tête d’épingle! Et d’ailleurs, sans ça, les contestataires trouveront d’autres moyens de s’organiser, assure M. de Spens. Par exemple, au Xinjiang il y a un an, est-ce que les événements ont été ce qu’ils ont été à cause des micro-blogs? Ce n’est donc qu’un argument sécuritaire de conservateurs à bout de souffle qui ne comprennent rien à Internet. »
« Fermer des sites de micro blogging, c’est comme fermer des usines de production de papier sous prétexte que certains imprimés sont hors la loi. C’est typiquement bureaucratique comme mesure, stupide, improductif et désespérément inefficace« , ajoute t-il.
Il y a un an, le gouvernement avait essayé de faire passer une loi obligeant les constructeurs à installer des logiciels de contrôle sur tous les ordinateurs vendus dans le pays. Mais le projet avait été abandonné grâce à la levée de bouclier généralisée qu’il avait provoquée.
« Cette volonté de contrôle du Net est vouée à l’échec, estime Renaud de Spens. Ces tours de vis servent à marquer le coup, mais ils démontrent au contraire l’impuissance du gouvernement à maîtriser l’information sur le Web« .
Car si « Big Brother » se décide à fermer des sites, c’est bien la preuve qu’il ne peut pas tout surveiller.