Eldorado professionnel pour de nombreux francophones qui n’y ont souvent jamais mis les pieds, la Chine a l’image d’un pays où étudiants et jeunes diplômés peuvent profiter d’opportunités en or. Pourtant, pour trouver un stage dans l’Empire du milieu, mieux vaut être sérieusement motivé …
Lucie a 23 ans, une maîtrise en LEA, plusieurs séjours à Pékin à son actif et parle couramment mandarin. Cependant, lorsqu’elle a décidé de trouver un second stage en Chine, elle a employé les grands moyens : « J’ai envoyé environ 150 CV par internet, en réponse à des annonces sur des sites gratuits ou spontanément à des organismes culturels. J’ai été surprise de constater que toutes les entreprises répondaient, même pour un refus. Au final j’ai reçu une dizaine de réponses positives dans le tourisme. » Après avoir décroché un stage intéressant sur le papier auprès d’un grand hôtel de Nanning, elle déchante vite. « On m’avait chargé de la « relation clientèle ». En réalité, on me demandait de discuter avec les clients en souriant ! »
Un défi : partir avant de trouver
Par la suite, Lucie a eu plus de chance et a trouvé un stage auprès du service culturel de l’ambassade française, où elle œuvre à l’organisation du festival « Croisements ». Mais si elle avait fait sa demande quatre mois avant le premier coup de fil, elle n’est pas dupe sur les raisons de cet appel soudain : « Ils m’ont surtout prise parce que j’étais déjà en Chine : ils me disaient oui et j’étais disponible le lendemain ! »
En effet, la clé pour décrocher le précieux sésame semble bien de se rendre sur place, même pour cibler les entreprises françaises. Soline Bich est responsable des offres de stage à la Chambre de commerce et d’industrie de Shanghai. Son bureau, ouvert en juillet, a recensé 500 stagiaires à travers le pays. Elle en a personnellement placé cinquante. Pourtant, elle n’a pu aider que deux étudiants qui lui avaient envoyé un CV depuis la France ! « Nous plaçons facilement ceux qui sont sur Shanghai, mais pas ceux qui nous contactent depuis Paris. Les entreprises veulent avoir des entretiens avec les candidats … »
Elle va même plus loin et s’en prend aux sites Internet qui font miroiter des stages disponibles moyennant paiement : « Je reçois au moins une plainte par semaine d’étudiants déçus par ces stages. Tant qu’à payer pour un stage, mieux vaut investir dans un billet d’avion ! »
En réalité, pas de stage en Chine sans un profil percutant et une prise de risque maximum. L’ancienne coordinatrice de Sciences Po en Chine, Alessia Lefebure le dit tout net : « Un mauvais profil n’a aucune chance de trouver un stage sauf piston. En réalité, il n’y a jamais d’offre en Chine. Personne ne s’occupe de recruter des stagiaires. Il faut proposer soi-même« . Elle explique notamment que les Français qui ont trouvé en entreprises chinoises l’ont fait seuls, sur place, en passant par l’Internet.
Le mandarin, une langue indispensable
A l’opposé, pour ceux qui veulent trouver depuis la France, des notions en mandarin sont absolument indispensables, et une pratique courante peut même devenir un passe-partout. Julie est étudiante à l’école des Mines de Douai. 22 ans, de parents chinois, elle maîtrise couramment le mandarin et le cantonais. « Je ne cherchais pas spécifiquement en Chine, j’ai démarché spontanément toutes les entreprises de mon secteur et l’entreprise Mecaplast m’a contactée. Ils cherchaient quelqu’un qui parle français, anglais et chinois. » De même, Annabelle, 26 ans, a été engagée en tant que traductrice stagiaire au BOCOG, le comité d’organisation des JO 2008 : « Mon école (l’Ecole Supérieure d’Interprétation et de Traduction) envoie toujours des étudiants aux comités olympiques… Si elle ne m’avait pas proposé, je ne serais pas partie ! »
Bien sûr, certaines formations ont plus de succès que d’autres. Les étudiants en commerce ou les futurs ingénieurs ont de plus grandes facilités que les universitaires. La demande est trop importante dans l’audiovisuel ou la communication, en revanche, beaucoup trouvent dans des ONG s’ils cherchent depuis la Chine.
Au final, pour le commun des étudiants, Lucie assure que tout reste une question de culot. « Mon premier stage en entreprise chinoise, je l’ai décroché en m’invitant au voyage d’hommes d’affaires venus acheter un catamaran à La Rochelle. Le patron d’une boite de télécoms m’a prise tout de suite sans entretien. Il a signé ma convention juste avant d’embarquer, sur le port de La Rochelle ! » La chance joue un grand rôle, mais il faut savoir la provoquer.