Un an après avoir reçu le prix Nobel de la paix, le dissident chinois Liu Xiaobo est toujours en prison et sa femme Liu Xia en résidence surveillée. Pour les opposants au PCC, la situation a empiré.

De la cérémonie de remise du prix Nobel de la paix, en décembre dernier à Oslo, le monde a retenu la chaise vide de Liu Xiaobo.
Intellectuel dissident co-auteur de la charte 08, Liu Xiaobo avait écopé à Noël 2009 d’une peine de onze ans de prison pour « incitation à la subversion du pouvoir de l’Etat« , et la Chine, furieuse de la décision du comité Nobel, ne l’avait évidemment pas laissé aller à Oslo pour recevoir son prix.
Et si en attribuant le Nobel à Liu Xiaobo, le comité voulait appuyer le combat de ceux qui luttent pour les droits de l’homme en Chine, un an après, le résultat n’est pas encore au rendez-vous.
Tout d’abord, lui-même purge toujours sa peine, même s’il a pu sortir brièvement à l’occasion du décès de son père et recevoir quelques visites.
D’autre part, sa femme Liu Xia a été placée en résidence surveillée peu après l’attribution du prix, et sa situation reste jusqu’ici inchangée.
Interrogées récemment par le groupe sur les détentions arbitraires des Nations Unies, les autorités chinoises ont admis qu' »aucune application de mesure légale » n’avait été prise à son encontre.
Pourtant, Liu Xia reste détenue chez elle, des gardes surveillant son entrée et empêchant les visiteurs d’entrer.
« Moi qui ait une longue expérience de ce genre de choses, je pense que la présence d’agents de sécurité veut dire qu’elle est chez elle, et qu’elle est en résidence surveillée« , confirme le dissident Hu Jia à la BBC.
Selon M.Hu, Liu Xia a pu rendre visite à quatre reprises à son mari depuis un an.
Situation critique pour les dissidents
Plus globalement, la situation a très nettement empiré depuis un an pour tous les dissidents, avocats indépendants et autres opposants au pouvoir.
Au début de l’année, le printemps arabe a incité le gouvernement chinois, sans doute effrayé à l’idée d’une contagion des mouvements de jasmin, à mener une vague de répression sans précédents depuis les mouvements pour la démocratie de 1989.
Les arrestations et les enlèvements de personnes jugées gênantes se sont multipliés, ainsi que les mises au secret et en résidence surveillée.
Après avoir passé 81 jours en détention dans un lieu inconnu, l’artiste Ai Weiwei est toujours enfermé chez lui où il est sous bonne garde.
Par ailleurs, une réforme du code pénal est en cours en Chine et une partie de son contenu inquiète la société civile. L’un de ses articles prévoit en effet d’autoriser les détentions sans charges et la mise au secret de personnes soupçonnées de nuire à la sécurité de l’Etat, légitimant ainsi une pratique de plus en plus courante, et entérinant un recul des libertés pour le moins préoccupant.
Le comité assume
« Il est intéressant de noter que le gouvernement chinois n’est pas le seul à critiquer le comité Nobel. Certaines personnes ont dit que donner ce prix à Liu Xiaobo pourrait en fait aggraver la situation des défenseurs des Droits de l’Homme en Chine« , écrivait il y a un an Thorbjorn Jagland, président du comité, dans une tribune publiée dans le New York Times.
« Mais cet argument est illogique: il mène à la conclusion que nous soutiendrions mieux les Droits de l’Homme en restant silencieux. Si nous nous taisons sur la Chine, qui sera le prochain pays à réclamer son droit au silence et à la non-ingérence? (…) Nous ne devons ni ne pouvons nous taire« .
Un an après, le comité persiste et signe, alors que l’économie norvégienne, et notamment via les exportations de saumon, est touchée par les mesures de représailles prises par Pékin.
Le comité Nobel est « très fier » d’avoir récompensé Liu Xiaobo, et attend que celui-ci vienne chercher son prix à Oslo, assure son directeur, Geir Lundestad.
Mais pour cela, il faudra attendre que le dissident purge les huit ans qui lui restent, comme il faudra vraisemblablement attendre pour voir la situation des droits de l’homme s’améliorer en Chine.
« Nous sommes très patients« , assure M.Lundestad.
A lire aussi: Liu Xiaobo: « J’espère être la dernière victime de l’inquisition intellectuelle en Chine »
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Du vent tout cela, la situation n`a ni empire, ni ne s`est amelioree.
Ca reste toujours pareil, monolithique, stable… dans une instabilite de plus en plus forte cependant.
Regarde Manu BJ, tu as tort : le régime a décidé la tolérance 0 depuis le prix Nobel. Même Ai Weiwei est réduit au silence. La nouvelle politique sur internet est incroyable. On n’a jamais connu pire situation pour la liberté d’expression en Chine…
Bonjour Yann et les autres,
Concernant la nouvelle politique sur Internet, elle est juste la prise de conscience que si la censure restait en l`etat, alors les contestations grandiraient fortement, la stabilite sociale en serait affectee, et par la la survie du PCC. (ex du Weibo)
En outre, ils peuvent reduire au silence qui ils veulent, et ils ecouteront de moins en moins la communaute internationale (rapport de forces) au fur et a mesure de l`avancee de la Chine.
Mais ils flippent toujours pour les avantages commerciaux, donc ils feront profil bas encore pour quelques temps, mais pas pour beaucoup de temps je pense.
Beaucoup de choses sont fonction – vraiment – de l`adaptation aux circonstances ici, y compris les pouvoirs des differents acteurs.
D’accord, mais on peut dire clairement que la situation empire depuis le Prix Nobel…
Je suis en Chine en ce moment. Je ne vois aucun changement concernant les droits de l’homme. Au contraire, je me sens extremement libre, je peux parler de ce que je veux, et bien plus librement qu’en France.
C’est bien en direct de Chine, bon toutou…
Mais oui, Yann, c’est écrit dans la presse occidentale. Il n’y a donc aucune raison d’en douter.
La situation empire depuis le Nobel, elle empirait depuis 2008, elle se dégradait de plus en plus avant et va continuer à se détériorer très fortement jusqu’à la fin du monde.
Si tu arrive à gober ça en étant en Chine, tu es toi aussi un bon chienchien.
Tu as déjà rencontré Liu Xiaobo ? Tu connais l’histoire de Hu Jia, de Chen Guangchen ? Tu connais beaucoup de pays qui font ça à des êtres humains ? Le pauvre aveugle est isolé, martyrisé, privé de ses enfants… Ca te va, comme système ?
Le commentaire de EnDirectDeChine me rappelle la blague qui courait du temps de l’URSS. Un Américain dit à un Soviétique: « Voyez comme je suis libre. Je peux sortir dans le rue et crier ‘A bas Nixon’! ».Et le Soviétique de répondre: »Mais moi aussi, je peux sortir dans la rue et crier ‘A bas Nixon’! ».
Redevenons sérieux. Il est absurde de dire que l’on peut parler plus librement de ce que l’on veut en Chine qu’en France. La liberté d’expression a connu un bond formidable en Chine dans les quelques années qui ont suivi la mort de Mao Zedong. Avant cette date, la lecture de la presse étrangère était interdite au Chinois de base, l’écoute de radios étrangères interdite et tout propos mettant en doute le génie du Grand Leader ou la justesse du « grand, glorieux et juste » Parti pouvait amener un malheureux au poteau d’exécution s’il y avait des quotas de condamnation à respecter. Cette période cauchemardesque est terminée et il faut reconnaître que la Chine a mis en place un système élaboré de contrôle de l’information.
Comme dans tous les pays du monde, on ne peut pas dire n’importe quoi à n’importe qui. Et les règles varient selon les pays. Le blasphème n’est pas puni partout…les limites du tolérable ne sont pas les mêmes partout…mais on ne peut pas dire que la Chine soit un modèle de liberté d’information et d’expression!
Je suppose que EnDirectDeChine serait scandalisé de retour en France qu’on lui interdise l’accès au bouquet de chaînes TV chinoises car chaînes étrangères. C’est pourtant le sort des Chinois. Pourquoi? ils sont trop stupides aux yeux du Parti pour juger du contenu?
Je suppose que EnDirectDeChine serait scandalisé que l’on interdise en France la vente libre des journaux étrangers dans les kiosques. C’est pourtant le cas en Chine, même dans des villes où il y a de fortes communautés étrangères. Pourquoi? Il ne faut pas que les gens soient pollués par de mauvaises idées? Les cadres du Parti reçoivent eux des bulletins d’information dont le contenu est gradué selon le rang dans le Parti ( on les cache à EnDirectDeChine qui en principe ne doit même pas être au courant de leur existence).
Il est vrai que l’on peut aborder librement n’importe quel sujet dans un cadre familial ou d’amis intimes (dans les limites usuelles des tabous propres à chaque civilisation). Je conseillerais quand même à EnDirectDeChine de faire attention à deux choses:
– Malgré tout ce qu’il peut dire en toute confiance, son interlocuteur chinois se gardera bien de lui dire qu’il est en total désaccord et le pauvre EnDirecteDeChine sera fiché sans le savoir comme étranger aux idées indésirables.
– Dans d’autres cas, c’est la liberté de parole de EnDirectDeChine qui mettra son interlocuteur chinois en position délicate peu dangereuse pour l’instant …mais quelle sera ligne politique dans cinq ans ? Prudence, donc!
Si on est assez libre dans le cercle privé, les choses changent du tout au tout dès que l’on est dans la sphère publique. Les interdits sont multiples et les trangressions des interdits punies beaucoup plus sévèrement qu’en France (où les interdits sont beaucoup moins nombreux). Il est strictement interdit en Chine de remettre en cause la direction du Parti, d’afficher un soutien à des tendances séparatistes, de créer des organisations (culturelles, syndicales…) susceptibles de de se transformer un jour en contre-pouvoir. Il exact par contre que la presse locale peut faire preuve d’une liberté appréciable dans la dénonciation des scandales locaux – en prenant soin de ne pas froisser des personnes influentes,sinon bonjour la prison!
Pour ce qui est de la liberté sur des sujets académiques, elle est assez grande. Notre ami EnDirectDeChine doit concrétiser son enthousiasme en se mettant au chinois et en se cherchant un directeur de thèse. Je lui suggère les sujets suivants:
Histoire: »Débâcle française en 1940 et débâcle chinoise au Vietnam en 1979. Comparaison de deux stupidités stratégiques »
Médecine: »Les oedèmes de sous-alimentation durant la famine du Grand Bond en Avant. Etude statistique »
Linguistique: »La création de néologismes à partir de racines chinoises au Japon durant l’Ere Meiji. Sur l’origine du mot Gongchandang – Parti Communiste »
Bonne chance!
Je ne t’ai rien dit de tout ça. Je te dis juste que c’était pas mieux il y a 5 ans, ni il y a 10 ans, ni il y a 15 ans, ni il y a 20 ans, ni il y a 25 ans. Et d’après ce que j’ai lu, encore moins avant.
Je ne parle pas la novelangue. Une dégradation, c’est quand les choses vont de pire en pire. L’inverse est une amélioration. Sinon, c’est une stagnation. D’ailleurs, jusqu’à l’an dernier au moins, même l’indicateur de RSF sur la liberté de la presse attestait d’une lente amélioration. Trop lente, certes, mais amélioration quand même. De notre coté, la dégradation est attestée et bien plus rapide.
Ce n’est pas parce que le système chinois ne nous convient pas qu’il faut dire qu’il se dégrade.
Heuuu… Yann, tu oublies un peu vite que durant les années 80′ les chinois n’avaient en aucun cas le droit de parler aux laowai… Aujourd’hui tu peux quand même discuter avec les chinois, bien que certains sujets restent tabous ou à approcher avec un certain tact.
不管黑猫白猫,能抓老鼠就是好猫 – 邓小平
Oui, mais enfin, bien que la presse chinoise soit parfaitement autorisée, tu en vois beaucoup dans les kioskes en France ?
Autres causes, mêmes effets. Le Français est moins informé à la sauce PCC que le chinois ne l’est à la sauce globish. Ce n’est pas très juste de regarder les choses symétriquement vis-à-vis des principes et pas vis-à-vis des faits.
La Chine a misé sur l’enseignement de l’anglais. C’était indispensable à son développement. Mais ça la rend vulnérable aux influences globish. Le résultat est que la façon de pensée chinoise ne se répand pas dans le monde alors que la Chine s’américanise. Je veux bien admettre que le gouvernement ne se soucie guère de la perte de la culture chinoise, et que ses raisons soient purement stratégiques il n’en reste pas moins que personne n’a de raison d’interdire la presse chinoise dans son pays car presque personne ne peut la lire.
Si la presse n’avait jamais été utilisée à des fins stratégique on pourrait parler de pure paranoïa… Or, reconnaissez que si la diffusion d’information était libre en Chine il n’y aurait rien de plus facile d’utiliser cette liberté comme une arme puissante contre le gouvernement. Et je puis vous assurer que ce n’est pas le paysan chinois qui en ferait usage.
Pour ce qui est des précautions dans les contacts entre chinois et laowai, le cas inverse se produit aussi, du jeune chinois qui vient tenir devant le laowai des propos contestataires qu’il ne pense qu’à moitié, par pure empathie. Comme on peut vous dire que vous êtes élégant, que la France est romantique et que vous faites un métier formidable. Juste pour créer un lien de sympathie, un chinois peut vous dire entre quatre yeux qu’il aimerait pouvoir lire playboy (pardon, mauvais exemple, lire « le monde ») et qu’il pense que Hu Jintao est nul alors que Sarkozy est formidable et qu’on a de la chance d’avoir pu voter pour lui.
Bon, je fais le contre-point, comme à mon habitude…
Il faut du temps pour arriver à sentir ce qu’il y a derrière ce qu’on vous dit car ce n’est que rarement dans ce qu’on vous dit que réside l’important. A contrario de mon précédent exemple, je reconnais qu’on a aussi celui qui dit que tout va bien et dont on comprend parfaitement qu’il est fatigué de se trainer les lourdeurs de son environnement (dont la politique n’est que rarement la composante principale).
Les discutions sur la liberté sont à prendre avec des pincettes. D’autant que rien ne justifie de mettre la liberté au-dessus de tout. Pensez un peu. 人在江湖身不由己. Comment être libre si on est plusieurs ? Or, dans le mode de vie chinois, il n’y a rien de pire que d’être isolé. C’est la première raison de nostalgie de la Chine chez les chinois émigrés que je connais.
Ce que je conseillerais plutôt à EnDirectDeChine, c’est d’essayer de démêler dans cette liberté qu’il ressent la part qui lui est offerte par l’isolement propre au voyageur ou à l’émigré… Mais pour un chinois, cette même situation serait souvent très mal supportée.
C’etait mieux ! C’etait mieux dans les années 80, il y a eu plusieurs mouvements de jeunesse, jusque Tiananmen. Peux-t-on imaginer cela aujourd’hui ? La société est aujourdh’ui vérouillée : plus d’élite libre, plus d’artistes libres, et un contrôle électronique de l’ensemble de la population. Même les SMS sont contrôlés. Alors oui, c’etait mieux avant.
Détail : il y a des journaux chinois en France, on les trouve à Paris. Et il y a un bouquet chinois de télévision disposnible par Canal Sat ou les forfaits internet. L’inverse est bien entendu interdit.
Oui, et je ne pense pas que les journaux chinois soient interdits en France.
Le gouvernement chinois ne s’amuse pas à limiter la liberté d’expression des étrangers, il a d’autres chats à fouetter, et la situation des droits de l’homme en Chine n’est préoccupante que pour les chinois! Le pire que risque un étranger c’est l’expulsion, et cela n’arrive presque jamais. EndirectdeChine, votre remarque est hors propos, et si vous pensez que votre propre situation est similaire à celle des chinois, je vous suggère d’ouvrir un peu plus les yeux.
A part ça en lisant l’article je ne crois pas que le propos soit « les droits d el’homme sont en régression continuelle depuis des années en Chine » mais plutôt « les droits de l’homme ont régressé depuis un an en Chine ». Fut pas tout mélanger. Et depuis un an, je trouve que c’est assez clair que c’est devenu plus chaud.
Désolé Yann, je peux te garantir que la vie des chinois était moins heureuse et moins libre en 85 qu’en 90, que leur ouverture sur le monde extérieur était bien moindre etc.
En 86, j’ai vu des chinois pleurer ou retenir leur larmes à une simple évocation de leur passé proche.
Bien sûr, les SMS n’était pas contrôlés à l’époque, personne n’y avait accès.
L’ensemble de la population ou presque maintenant à accès à un internet, contrôlé, certes, mais il a cet accès. Même dans des coins reculés cet accès peut être gratuit en s’inscrivant simplement à la bibliothèque municipale.
La messagerie instantanée QQ est quasiment incontrôlable et incontrôlée.
Peut-être ne t’intéresses-tu qu’au sort des élites et artistes. Je trouve pour ma part que c’est un peu secondaire.
Toutefois, même dans ce domaine, sans nier les histoires des dissidents médiatisés, je peux témoigner que l’art et le journalisme contestataire (qui du coup est aussi un art) ne sont pas morts en 89.
A ma connaissance ils n’ont jamais été libres l’un comme l’autre. Ils se débrouillent pour exister, c’est tout.
Exact benjieming, l’article ne parle que d’une détérioration récente. Mais le même thème revient sans arrêt dans nos médias. Une succession ininterrompue de dégradation récente est chez moi une dégradation continuelle.
Simplement, la thèse de la dégradation continuelle n’étant pas crédible, on nous sert continuellement la soupe de la dégradation récente et ça produit le même effet.
Quand on s’intéresse à la Chine, il vaut mieux être instruit et attentifs aux techniques de propagande et de falsification des faits…
Ce n’est pas un détail, c’est la différence. Je pense avoir été assez clair sur les limites de la porté de cette différence.
Je peux l’illustrer autrement, en utilisant le raisonnement par l’absurde :
Quel serait la porté concrète de l’interdiction sans tambour ni trompettes de tout média chinois en France ? En dehors je l’espère du fait que ça produirait une levée de bouclier pour le principe de la défense du droit d’expression, l’impact serait quasi nul car ça toucherait moins de 1% de la population.
Par contre, si on autorisait en Chine toute diffusion de presse ou médias étrangers, on toucherait sans doute toute la population de Chine ayant suffisamment étudié l’anglais. Et ceci dans un contexte où il est de notoriété publique que le gouvernement ment. Donc on aurait un formidable vecteur de diffusion d’un prêt-à-penser from the world company qui serait LA vérité. Il serait irresponsable pour un gouvernement chinois quel qu’il soit de prendre ce risque.
Impact marginal d’un coté, impact stratégique de l’autre.
Sur le principe, le raisonnement de symétrie est juste, mais dès qu’on rentre dans le concret…
Je ne pense pas forcément aux journaux chinois en France ou aux journaux anglo-saxons en Chine. Je constate en France la présence dans les kiosques de quelques exemplaires de quotidiens en langue turque ou arabe ou dans les langues de nos voisins (italien, espagnol…). Je ne vois rien de tel en Chine dans des villes où il y a une présence étrangère notable.
Par contre, il faut noter la coopération entre des revues étrangères et des éditeurs chinois pour éditer en langue chinoise des revues étrangères adaptées au public chinois (« Science et vie » en chinois est une réussite; « Scientific American » qui pratique cette politique avec de nombreux pays a une version chinoise ). La question qui se pose est la suivante: pourquoi la Chine n’arrive-t-elle pas à faire une action symétrique? Ou bien l’a-t-elle fait sans qu’on s’en aperçoive? (je crains qu’il n’y ait pas de réponse simple…)
Je ne pense pas qu’à long terme un pays ait intérêt à bloquer la presse étrangère. Il n’y a pas que du prêt-à-penser dans la presse de pays où existe une liberté d’expression. L’expérience montre que les pays ou régions qui s’ouvrent largement (à des degrés divers) aux opinions étrangères ont connu un développement économique et culturel plus important (Taiwan, Japon…).
L’interdiction de l’accès à ce qui est étranger a de plus un effet pervers. La population idéalise ce qui est étranger. Ce phénomène était patent dans les pays de l’est européen du temps où ils étaient communistes. J’ai constaté que des Chinois ayant eu un contact avec les USA ou l’Europe ont un jugement très nuancé, reconnaissent des points positifs mais savent aussi juger de façon très pertinente nos systèmes et nos mode de vie.
Pour ce qui est des mensonges gouvernementaux, je ne sais pas à qui attribuer la palme! La présence d’une liberté d’expression et la présence de contre-pouvoirs variés (justice indépendante, presse, partis, groupes de pensée, associations diverses…) permet aux citoyens d’entendre d’autres sons de cloche. Bien sûr, cela suppose une gestion sociale beaucoup plus fine des conflits continuels que ça crée.
Pour information, des revues chinoises comme « Renmin Huabao » et « Zhongguo jianshe » avaient été interdites en France après les événements de mai 1968 en représaille au soutien chinois à ce mouvement.
La presse chinoise et les caractères chinois étaient interdits en Indonésie (je ne sais pas quelle est maintenant la situation). Cela avait créé des difficultés pour les investisseurs japonais qui voulait fonder une école japonaise à Jakarta.
Pour le ré-exprimer en ces termes, je propose l’explication qu’une des raison de la non symétrie de l’action chinoise en terme de presse est la non symétrie du risque encouru.
A long terme, il n’y a pas d’issue heureuse au blocage de la presse étrangère, on est bien d’accord, cette situation ne peut pas durer. Avec pour problème que le long terme s’approche à une vitesse vertigineuse avec le développement de la presse numérique. Comment cette instabilité se réglera ? Aucune idée. A part brûler des cierges (ou des bâtons d’encens au choix), je ne vois rien à y faire.
Attention aux corrélations trompeuses. Les raisons du développement économique de Taiwan et du Japon ne sont sans doute pas l’ouverture de la presse. L’ouverture de la presse est une composante comme une autre de leur histoire. Pas plus. (Sinon, on pourrait tout aussi abusivement dire que c’est l’air marin qui est facteur de développement…).
Pour finir sur le concours de mensonges gouvernementaux, la seule qualité du système chinois en la matière est que c’est visible et connu. Le gouvernement chinois se place en seul garant de la vérité en son pays, il est donc responsable de 100% des mensonges véhiculés par la presse. On ne peut pas faire mieux. En France, nous avons droit à la pluralité du mensonge. (tout mensonge n’étant pas conscient ou malveillant).
Pas faux. C’est vrai que personne n’est dupe en Chine et le régime est en première ligne. C’est d’ailleurs une grosse faiblesse. Une presse pluraliste amortit l’opinion publique.
En ce qui concerne Taiwan, ou la Corée. Il suffit de voir la courbe du PIB/habitant et la mettre en face des évènements démocratiques. Oui, la démocratie permet plus d’initiatives, et plus de redistribution. Imaginons que la Chine connaisse un développement à la Taiwan. Pas idéal, bien sur, mais tellement plus harmonieux…
Jean,
D’accord pour l’air marin! L’ouverture à la presse étrangère n’est qu’un élément d’une atmosphère générale d’ouverture. Ce qui est frappant, c’est la conscience de plus en plus forte dans la société chinoise que la presse officielle raconte des blagues. Ce genre de système peut s’effondrer comme un chateau de cartes comme cela s’est produit en RDA où les personnes chargées de surveiller et de réprimer finissent par être dégoutés de ce qu’on leur demande de faire. L’effondrement prend tout le monde par surprise et peut être déclenché par un incident mineur ( d’où l’angoisse du Parti face aux révoltes arabes!).
Bien que la Chine soit beaucoup plus ouverte que ne l’était l’URSS de Brejnev, il y a un cheminement parallèle – détentions illégales, surveillance des domiciles des dissidents…Ce qui a frappé les analystes lorsque les archives de ces régimes sont devenues publiques, c’est l’énergie colossale déployée par ces régimes pour écraser un petit dissident. Quel aveu de faiblesse!
Il existe beaucoup d’erreurs enonces ci dessus par des intervenants.
1. J’ai acces librement la la presse etrangere au Carrefour de Gubei a Shanghai. On peut s’offrir l’hebdomadaire Point etc. sans parler de la lecture des quotidiens francais sur internet.
2. J’ai acces a la television etrangere chez moi et je peux regarder CNN, ainsi que des chaines d’information japonaises etc. Tout etait deja installe dans l’appartement avant mon arrivee.
3. Moi, qui arrive a comprendre le mandarin, je peux temoigner de la grande liberte de parole parmi le pays reel, apres avoir entendu lors des conversations, des critiques ouvertes et libres a l’encontre du pouvoir communiste en place.
Donc il est dommage que des intervenants ici faussent le debat par des affirmations fausses issues d’une tres mauvaise connaissance de la situation chinoise
Evidemment, on a le doit en Chine de debattre ouvertement sur des sujets qu on n’a pas le droit d’evoquer en France. J’en ai fait recemment l’experience. Ayant ete recemment a Paris et ayant pris l’habitude de parler trop librement en Chine sur certains sujets de societe, mes interlocuteurs installes a Paris ont ete stupefaits par ma liberte de ton et m’ont dit chuuut par peur d’attirer des ennuis.
Sinon, les quelques dissidents tres mediatiques emprisonnes sont des cas rares qu’ on peut assimiler aux cas de la censure francaise concernant la chaine de television libanaise Al Manar interdite en France ou la fermeture recente du site d’information rebelles.info.
Tout ce qu’on peut reprocher a la Chine, d’un point de vue francais, est que la Chine est plus rude que la France. Mais il faut rappeller qu’un adoucissement des moeurs se fait sur plusieurs decennies, voir un siecle. Et puis, que la Chine devienne comme une France laxiste, trop reticente a appliquer l’ordre quand il le faut, avec un Etat irrespecte, ses zones de non droit, ses quartiers dans lesquels on n’ose plus sortir la nuit (cf l’article de Rue89 sur la commune d’Evry), ce n’est sans doute pas le chemin que je souhaite a la Chine, pays sur ou on se deplace la nuit sans crainte.
C’est vrai, reconnaissons le enfin, la Chine est le paradis de la liberté d’expression, et a bien des choses à démontrer au monde. Il est heureux que des esprits courageux comme endirectdechine fasse une enquête poussée chez Carrefour, qui réfute ainsi sans discussion le travail de la presse et des universitaires sur la Chine, ces suppots de l’impérialisme américain.
Il n’existe pas de liens entre developpement economique et democratie. Les exemples de la France du Second Empire, de l’Allemagne de la fin du 19e siecle et egalement du Chili des annees 1980 (bien plus vertueux economiquement que le Chili democratique d’Allende) l’ont prouve.
Ensuite, la democratie coreenne a pu fonctionner et atteindre une maturite rapide, plus que dans les pays africains, que parce que le regime autoritaire precedent a su creer une croissance economique formidable.
Pareil pour le cas de Taiwan, qui a su se developper rapidement bien avant l’instauration de la democratie grace a l’emigration de l’elite economique chinoise vers l’ile en 1949 et aux plans d’industrialisation etablis en 1936 (cf l’article de wikipedia http://en.wikipedia.org/wiki/Sino-German_cooperation_%281911%E2%80%93194… ).
Pour ma part, je prefere me concentrer sur les reculs de la liberte d’expression en France qui sont bien plus inquietants qu’en Chine a cause de ses implications sur la societe. (cf. les articles d’Ivan Rioufol dans le figaro)
Sinon, c’est sur, les medias et universitaires ont fait des travaux tres pousses : on n a pas le droit d’avoir acces a la presse etrangere en Chine. Pourtant, c’est en vente dans les kiosques de certains centres commerciaux. Chapeau les travaux !
Pour mettre tout le monde d’accord:
Yann – Vu de Coree du Nord, la Chine est effectivement le pays de la liberte, la liberte , surtout la liberte d’expression est quelque chose de tres relatif et de tres individuel…. pas plus tard que ce midi, j’ai d’ailleurs eu une conversation tres politiquement incorrecte avec un collegue chinois, que je n’aurais jamais pense possible… Je dois bien avouer que dans les conversations privees, j’ai rarement rencontre de tabou avec mes amis chinois… l’autocensure etait plutot de mon cote.
En Direct – S’il n’y a pas de lien entre developement economique et democratie, il y en a un entre revolutions (reussies) et crises economiques… On a jamais vu un regime tomber alors son economie etait florissante et la croissance au rendez-vous… (ou alors merci de me donner un exemple, cela enrichira ma culture generale et la qualite de mes diners en ville).
Le consensus chinois actuel et l’ampleur somme toute moderee de la contestation vient assurement de la… Tant que les pauvres auront l’espoir de devenir riches, il ne se passera rien…
Le manque de liberte me semble moins caracteriser le moment chinois que le « materialisme financier « bling bling » » et la « sedimentation nationaliste »
ZAC087, j’irais même un peu plus loin, pour que le pays soit stable et qu’il le reste, il faut que l’amélioration matérielle se poursuive suffisamment longtemps pour qu’une part conséquente de la population ait trop à perdre à l’instabilité (une voiture, un logement, des emprunts sur le dos…) . On créé ainsi une société conservatrice où toute dégradation devient possible.
La Chine est loin de ce niveau.
Bien que l’on puisse postuler que l’amélioration matérielle pour le plus grand nombre suffisse à éviter les débordement, il y a tout de même des frustrations, cultivées par le sentiment d’être mal informé et d’être oublié des élites (à ce niveau là, c’est bien le sentiment, justifié ou non qui est important).
Cet ensemble rend la situation précaire. Ce n’est pas pour rien que la réponse à la crise en Chine a consisté à injecter l’argent par le bas plutôt que par le haut.
EndirectdeChine : il suffit de regarder autour de soi pour comprendre que c’est faux. Les pays qui se développent le plus rapidement sont toujours les plus libres. Prends la liste des pays de l’ONU et compte toi même.
EndirectdeChine, il me semble que seules quelques résidences spéciales sont équipées de satellites et reçoivent les télés étrangères. Quelqu’un pour confirmer?
Quant à votre comparaison entre la « censure » effectuée en France et l’emprisonnement/torture/mise au secret de dissidents, excusez moi mais il faut comparer ce qui est comparable car la vous confondez la paille et la poutre.
D’autre part toute société à ses tabous, et c’est peut être ce qui a poussé des gens à vous dire « chut » (quels sujets, au juste, évoquiez vous?), mais cela n’est encore une fois pas comparable au fait qu’un état choisisse de quels sujets on peut parler et desquels on ne peut pas (en public ou dans les médias, j’entend, car évidemment comme dans tous le pays du monde en privé tout est possible)
C’est parce qu’ils se sont bien developpes economiquement qu’ils ont reussit a imposer une democratie mature. Il faut bien apprendre l’histoire. Les exemples de la Coree du sud et du Chili sont evocateurs.
Oui tu as raison. La Chine est beaucoup plus rude au niveau des moeurs. Elle se rapproche de la France d’il y a 50 ans voir plus (cf le comportement rugueux des autorites francaises lors des manifestations contre la guerre d’Algerie a Paris ou les evenements de fevrier 1934). Un adoucissement des moeurs de la Chine demande le temps long, des dizaines d annees, voir un siecle, pour atteindre la relative « douceur » de la France. Ca ne peut pas se faire du jour au lendemain contrairement a ce que certains pensent.
Et si on regarde sur le temps long, on remarque deja un adoucissement assez important depuis un siecle : pratique encore de l’execution aux mille coupures a la fin du 19e siecle, repression a la mitrailleuse des communistes en 1927 a Shanghai, et puis epoque maoiste… On remarque que la Chine s’est quand meme largement adoucie comme s’est adoucie la France depuis un siecle. Mais la Chine part de plus « bas ».
Pour ceux qui continue de nier l’évidence : /chine-le-calvaire-de-chen-guangcheng
Pour les réceptions satellites débridées, j’ai aussi entendu qu’elles étaient réservées aux hôtels de haut de gamme (et sans doute d’autres résidences spéciales, reste à savoir ce qu’on met là-dedans). Mais les installations pirates ne sont pas rares. Je ne sais pas vraiment ce que risquent les contrevenants.
On peut avoir acces a toutes les chaines du monde. CNN et des chaines d’information japonaises sont disponibles dans le cable de mon immeuble (sans satellite) qui est accessible a la location et a l’achat a tous les chinois. Ensuite, l’option satellite apparemment offre une variete de chaines assez impressionnantes meme si je ne l’ai pas. J’ai un voisin qui possede des chaines indiennes et coreennes.