Stéphanie Pontac a passé un an comme enseignante dans une université chinoise. Elle livre à notre partenaire Rue89 ses observations du système éducatif et du moral des étudiants chinois, et s’alarme de l’inquiétude et la résignation ambiante, dans une société ultracompétitive.

Après un an passé sur un campus chinois, à Yantai (province du Shandong), en tant que professeur de français, mes impressions concernant le système éducatif chinois sont préoccupantes, mais c’est surtout l’inquiétude de ne pas trouver de travail qui prédomine auprès des étudiants.
La Chine ne manque pas d’étudiants et les compétences se développent à une vitesse fulgurante. Mais au gré des réformes menées par le gouvernement, un système à deux vitesses s’est développé, en toute connaissance de cause.
Avec un chiffre record de deux millions d’étudiants diplômés en 2008 toujours sans emploi en 2009, l’accès à l’université n’est malheureusement plus synonyme de réussite assurée.
Alors, les étudiants que j’ai pu rencontrer manifestent une certaine angoisse quant à leur avenir, car « la concurrence est forte, les entreprises choisissent les étudiants issus des meilleures universités », m’ont-ils expliqué.
« Ici, on est dans une université de seconde classe », m’explique Clément, un de mes élèves [les prénoms français sont choisis par les étudiants chinois, ndlr]. Ainsi, le ton est donné.
Rappel des faits et explication d’un système éducatif où les maîtres-mots sont pression, travail intensif et résignation. Entretiens avec trois étudiants en licence III de français de l’université Ludong de Yantai.
Six étudiants dans une chambre de 6 mètres carrés
Septembre 2010. La première chose qui saute aux yeux, à mon arrivée sur le campus de l’université de Ludong, c’est la vétusté des installations : routes dignes d’un champ de bataille, immeubles défraichis, fenêtres qui ferment mal (l’hiver, nous donnons les cours en anorak, bonnet et moufles), installations informatiques dépassées et infrastructures sanitaires déplorables… On est bien loin de l’image de Shanghai et ses campus flambant neufs !
Les conditions de vie des étudiants sont loin d’être enviables. Dans une chambre de six mètres carrés, partagée avec cinq autres personnes, le réveil est dur pour les étudiants, surtout en hiver.
Pas de chauffage, pas de salle de bains, pas de toilettes dans la chambre. Le dortoir, c’est trois lits superposés, des placards, un petit bureau et un lavabo pour six.
Glacial en hiver, étouffant en été, ce sont de vrais placards à balais où les Chinois s’entassent pour étudier du mieux qu’ils peuvent.
Evidemment, pas de place pour travailler à six dans cette chambre, les étudiants se rendent donc le plus souvent à la bibliothèque. Douches payantes et communes situées à l’autre bout du campus, ce qui ne permet aux étudiants que de prendre une à deux douches par semaine… trop cher sinon.
L’hiver, des étudiants déblaient la neige à 7 heures du matin
Les corvées sont aussi de mises ! Nettoyage des toilettes, des salles de classes, du campus dans son ensemble. Les étudiants apprennent le respect à l’ancienne, par la manière forte.
Ainsi, régulièrement, des groupes d’étudiants ramassent les feuilles mortes dans les jardins de l’Université, passent la serpillère tard le soir, à 22 heures, l’heure de fermeture des bâtiments… Voir des étudiants déblayer la neige les matins d’hiver, à 7 heures, est monnaie courante.
Ces « activités » ne sont pas communes à l’ensemble des universités chinoises, mais de quelques universités de seconde classe. Ainsi, l’établissement, en employant des étudiants gratuitement, peut faire des économies, non négligeable quand on sait le budget restreint.
« La Chine a décidé de se doter très rapidement d’universités de rang mondial. Elle a arbitrairement choisi un certain nombre d’universités, très peu, un peu réparties sur tout le territoire national et a décidé de les doter de moyens qu’elle a retiré aux petites universités qui n’avaient pas de chance », expliquait Alessia Lefébure, directrice du Centre Asie de Sciences-Po Paris en mars.
Le système éducatif chinois vise donc à développer un nombre d’universités dans un minimum de temps, sans pour autant prôner l’égalité pour tous. La création délibérée d’un système à deux vitesses.
Le GaoKao, un baccalauréat à deux niveaux
L’avenir professionnel de la jeunesse chinoise est déterminé par le GaoKao, notre baccalauréat en quelque sorte. C’est le sésame absolu vers une possible progression sociale, une nouvelle vie en d’autres termes.
Ce passage obligé représente pour bon nombre d’élèves des années de sacrifices, de travail acharné, de pression familiale dans l’espoir d’accéder aux universités prestigieuses.
Concrètement, le concours, sur la base des notes obtenues, donne accès à deux niveaux, deux classes d’universités. Ainsi, si un étudiant atteint le premier niveau, il peut choisir l’université parmi les meilleurs établissement que compte la Chine : Pékin, Nankin, Shanghai. Le deuxième niveau, quant à lui, ne permet aux étudiants que de choisir des universités dites de seconde classe.
Etudier dans une université de première classe, c’est bénéficier d’un enseignement de qualité comparé aux universités de seconde classe et donc s’assurer une avenir professionnel enviable.
« Acheter sa place » dans une université de première classe
L’université où j’enseignais, bien loin des universités d’excellence, dispose d’un budget alloué par l’Etat chinois des plus minimes. Ainsi, ce sont les frais de scolarité et les fonds investis par la collectivité qui font tourner la machine. Les corvées réalisées par les étudiants permettent également de faire des économies.
Selon Alexis, « l’Etat donne plus d’argent aux universités de première classe. Par exemple, à la bibliothèque, ils ont plus de livres. »
Pour revenir sur la qualité de l’enseignement, Ludong ne peut s’offrir des professeurs au CV impressionnant. Ici, on ne compte que deux professeurs de français titulaires d’un master pour cinq professeurs en activité.
Le GaoKao semble, en apparence, être un système égalitaire basé sur les notes, mais l’envers du décor est tout autre. Les étudiants de la province de Beijing peuvent se permettre d’obtenir une moyenne inférieure à la moyenne nationale pour accéder à la prestigieuse université de Pékin.
De plus, « dans un village, on dit que si tu as 500 000 yuans (environ 54 000 euros), tu peux aller à l’université de Pékin, tu achètes une place », ose Alexis.
« C’est toujours le prof qui dit ce que tu dois faire, faire, faire… »
Les propos tenus par Fang Zhouzi accusant Tang Jun, ancien président de Miscrosoft Chine, d’avoir acheté son doctorat, ne fait que rajouter de l’eau au moulin. Le système de la corruption est donc encore bien présent malgré un idéal censé être basé sur les compétences des élèves, et non pas sur des données géographiques ou richesses.
Et le système est loin d’être jugé équitable par les Chinois. Pour Jeanne, une de mes étudiantes :
« C’est pas juste parce que certains étudiants peuvent étudier dans les universités de première classe simplement parce qu’ils ont des meilleures notes.
Mais la façon d“étudier au lycée est différente de l’université. C’est très strict, c’est toujours le professeur qui dit ce que tu dois faire, faire, faire… sans forcément comprendre.
C’est un peu stupide, mais on doit s’accommoder de cette façon de faire. Ça ne signifie pas qu’on ne peut pas bien étudier à l’université, donc on n’a pas de chance ni le droit de faire ses études dans une université de première classe.”
Pourtant, cette façon d’enseigner, semble, de mon point de vue d’enseignement, commune à l’ensemble du système éducatif chinois.
Les profs qui ont étudié à l’étranger, pour des cours moins théoriques
Le manque d’esprit critique et d’autonomie est une lacune généralisée. L’accent étant surtout mis sur la répétition intensive de phrases et de mots, l’exercice d’apprentissage ressemble plus à un bourrage de crâne qu’à un programme d’études développant la créativité et la réflexion.
Ainsi, au cours des différents examens qu’un Chinois peut rencontrer durant sa scolarité, la capacité de mémorisation et la rapidité font la différence. Pas de réponses au pourquoi du comment… le culte du raisonnement nuisant à l’inventivité.
Pourtant, quelques universités se distinguent de ce système. Toujours ces fameuses universités d’excellence qui, par la mobilisation d’un corps enseignement ayant étudié à l’étranger, propose un programme moins théorique et plus pratique, plus en lien avec la réalité du monde actuel.
Alors, c’est un peu l’histoire du serpent qui se mord la queue. Naître dans une grande ville permet d’étudier dans des lycées de qualité et ainsi être mieux préparé aux épreuves du GaoKao, donc passer le concours en toute confiance et ainsi accéder aux universités de première classe, pour finalement trouver un bon emploi et s’assurer un bon salaire.
Pourquoi des étudiants chinois étudient-ils le français ?
Dans une Chine en mutation, où le niveau de vie augmente mais où l’inflation est à l’heure actuelle un réel problème, la question du salaire et plus généralement de l’argent reste le centre de préoccupation des étudiants.
Obtenir un diplôme universitaire reste la priorité majeure, le diplôme donnant accès au marché de l’emploi plus facilement. Alors, on peut se poser la question : pourquoi les chinois choisissent-ils d’étudier le français plutôt que l’anglais ou le japonais, pays voisin ?
Jeanne m’explique qu’il y a des statistiques qui prouvent que les étudiants issus de la filière de français gagnent plus d’argent sur le marché du travail, parmi l’ensemble des langues étrangères. On est bien loin des clichés servis par les étudiants en début d’année, comme quoi la langue française est romantique.
“Le miracle économique chinois, ce n’est pas pour moi”
D’abord, le travail n’aura pas vraiment de lien avec la filière choisie à la faculté. Le diplôme, ça signifie la capacité à étudier. “Pour beaucoup d’étudiants, c’est seulement un bout de papier”, finit par ajouter Alexis.

Quand on pose la question aux étudiants où et comment ils s’imaginent dans cinq ans, la réponse mélange rêve et réalité. Bien sûr, tous s’imaginent interprète, diplomate, professeur dans une grande université, mais rapidement, la situation dans laquelle ils se trouvent les rappellent à l’ordre, “parce que la réalité est bien plus cruelle”, cède Alexis.
“Je m’imagine vivre à Dalian ou Qingdao, mais le prix de l’immobilier est trop cher, et ce n’est pas facile de trouver du travail. Le miracle économique chinois, je pense que ce n’est pas pour moi.”
Les étudiants ne sont pas dupes, ils savent très bien ce qui les attend à la sortie de l’université : un univers concurrentiel impitoyable où il faudra jouer des coudes pour se faire une place au soleil.
Face à leur avenir, les étudiants sont d’autant plus inquiets que leur université ne jouit pas d’une excellente réputation. Il ne s’agit que d’une université de deuxième classe, qui ne favorise pas l’insertion professionnelle : pas de bureau des stages, pas de contacts avec le monde professionnel, pas d’aide à la recherche d’emploi. Alors, dans un tel contexte, l’accent est mis sur le travail, avant tout.
“Par rapport aux étudiants issus des universités de Pékin ou Shanghai, la seule possibilité d’embauche dans un poste correspondant à nos compétences est de pouvoir intégrer une autre université, de renommée supérieure, pour y réaliser un master. Dans un tel contexte concurrentiel, les étudiants ne se focalisent que sur leurs études”, enchaîne Clément.
Avoir la carte du Parti, une chance de plus
Enfin, la majorité d’entre eux, pour s’assurer un avenir professionnel, appartiennent à la puissante Ligue de la jeunesse [du Parti communiste chinois, ndlr], mais pas toujours par conviction politique. Avoir la carte du Parti, c’est s’offrir une chance supplémentaire et non négligeable de trouver un emploi par la suite.
L’inquiétude s’intensifie et gagne du terrain en Chine. Trop d’étudiants, pas assez de travail… Malgré les conditions éducatives annonçant un avenir professionnel des plus sombres pour mes étudiants, les sourires et la bonne humeur sont présents, chaque jour, à chaque heure de la journée, pour faire durer le rêve le plus longtemps possible.
Offrir à sa famille une retraite honorable
Ici, à Yantai, aucune contestation étudiante n’aura lieu. Dans la majorité des cas issus du monde paysan, les jeunes intègrent l’université avec un objectif, celui de sortir de leurs conditions et offrir à leur famille une retraite honorable. Des étudiants, encore bien trop contents du système qui leur offrent une possibilité de progression sociale tout en restant conscient de la réalité qui s’offre à eux.
Alors, il a simplement fallu apprendre à vivre différemment, se résigner, mettre de côté son amertume et sa crainte de l’avenir mais surtout travailler plus vite, plus haut, plus fort… pour ne pas devenir une simple fourmi.
A Jeanne de conclure cet entretien en déclarant : “Le système n’est pas juste. Mais on ne peut pas changer la réalité.” Un sentiment de résignation qui inquiète.
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Finalement le système éducatif chinois est à l’image du pays qui le crée et le fait tourner : corruption, système à 2 vitesses où ceux qui ont de l’argent réussiront toujours mieux, aucune égalité, etc… Je pense que les villes de l’ouest de la Chine ont du soucis à se faire, tant au niveau éducatif, que sur tous les autres plans.
不管黑猫白猫,能抓老鼠就是好猫 – 邓小平
Bonsoir,
Avez-vous pense a l`eugenisme ?
L`eugenisme veut plutot favoriser ceux qui viennent des grandes villes, ceux qui sont les plus riches, etc, ce sont ceux qui pourront le plus facilement etre formes, et par la-meme on obtiendra un gain plus grand pour le pays (rapport entre l`argent investi dans l`education et le resultat), et pour une `race de meilleure qualite`.
Manubj, tu es en plein délire en parlant d’eugénisme….
Sinon, c’est un très intéressant témoignage, qui complète ce que je savais/pensais déjà…
Marco Polo,
Donne-moi un argument contre ?
http://fr.wikipedia.org/wiki/Eug%C3%A9nisme
Peut-être simplement le fait qu’être riche et vivre en ville n’est pas génétiquement transmissible?
L’eugénisme a été pratiqué à Singapour pour créer des personnes dont on espérait qu’elles seraient plus intelligentes. Il y a toujours eu des tendances eugéniques en Chine ou la théorie du peuple chinois « peuple le plus intelligent du monde » a toujours eu des adeptes (je l’ai entendu dans des entretiens d’embauche!). Rappelons que le docteur Sun Yatsen liait la supériorité du peuple chinois à l’absence de poils qui était un signe évident d’une évolution plus avancée que chez tous ces étrangers poilus!
Revenons à ce témoignage. J’ai moi-même enseigné le français pendant deux ans à l’époque de la Révolution Culturelle. Ce témoignage confirme que les choses n’ont guère changé. Conditions matérielles déplorables, étudiants travailleurs et angoissés quant à leur avenir. A l’époque, les douches étaient gratuites et la corruption ne sévissait pas comme maintenant ( c’est un point qui explique la surprenante nostalgie des personnes âgées pour une période où la vie était beaucoup plus dure ).
La Chine risque de payer très cher à moyen terme ce choix du développement à deux vitesses (dans tous les domaines). Peut-être n’ont-ils guère le choix et l’échec de l’utopie maoiste égalitariste à outrance pèse lourd dans les approches des dirigeants.
Les méthodes d’enseignement sont toujours basées sur le rabachage et le par-coeur. Surtout ne pas raisonner! Ces méthodes peuvent avoir une certaine efficacité quand il faut emmagasiner par exemple des listes de mots d’une langue étrangère mais pour le reste c’est catastrophique. C’est une tare ancienne déjà dénoncée dans les premières tentatives de modernisation du début du 20ème siècle. Bien sûr, dès que les gens commencent à raisonner, ils se mettent à devenir ingouvernables, à discuter les ordres du chef ou du parti, à mettre en doute la pertinence d’un propos d’un quelconque Grand Leader…bref, c’est la pagaille! Il est très mal vu en Chine d’être anticonformiste et de faire preuve d’indépendance d’esprit. Choisir le célibat, aimer se promener seul, avoir un hobby non lié à son activité professionnelle…tous ces comportements sont considérés comme bizarres et donc suspects.
« les étudiants issus de la filière de français gagnent plus d’argent sur le marché du travail, parmi l’ensemble des langues étrangères ».
— je suis désolé de dire la vérité que si les diplômés de la langue française gagnent plus qu’à ceux qui apprennent les langues étrangères usuelles comme anglais et japonais, c’est parce que la majorité d’entre sont envoyés à travailler en Afrique par leurs employeurs qui offrent une subvention bien intéressante en plus d’un petit salaire.
Une réalité est qu’avec la généralisation de l’enseignement de la langue française dans beaucoup d’universités, les diplômés de cette langue ne sont plus très « précieux » comme il y a 5 cinq ans; seuls les diplômés des unversités prestigeuses ont chance de trouver du travail avec un beau salaire. Le nombre d’universités créant la faculté de la langue française a triplé, voire quadruplé en espace de 5 ans. C’est la spéculation des universités visant à augmenter le taux d’insertion professionelle des diplômés pour attirer meilleurs bacheliers, qui dégrade le marché d’emploi des diplômés de la langue français, hélà!
Avheter un place releve de la pure fantasie…
Juzcn, oui je suis toujours la.
`Avheter un place releve de la pure fantasie…`
Que veux-tu dire ?
Oui je ne saisis pas non plus vraiment le sens de ta phrase…
不管黑猫白猫,能抓老鼠就是好猫 – 邓小平
Très bon article de Stéphanie Pontac qui a fait une analyse parfaite de la situation de l’enseignement en Chine.
Je suis un expat qui travaille en Chine depuis plus de 8 ans et je rejoins parfaitement l’analyse de cette enseignante de haut niveau.
Alex
« Acheter une place à l’Université » est peut-être un peu exagéré. Je rappelle quand même un curieux incident qui s’était produit il y quelques années à Shanghai ou un listing de candidats de « bonne famille » (c’est-à-dire rejetons de hauts cadres du Parti) avait été diffusé par erreur; l’incident avait provoqué des explications très embarrassées. L’obtention de diplômes finaux dans certains établissements est lié à des tractations fiancières (qui seront niées avec la plus grande vigueur si vous voulez connaître le fin mot de l’histoire : » calomnies anti-chinoises! 5000 ans de civilisation! supériorité morale! d’ailleurs, c’est pareil chez vous! « ). Certains étudiants quittent la Chine pour étudier à l’étranger car ils sont ecoeurés par ces pratiques.
Tous les chinois sont égaux, mais certains sont plus égaux que les autres!
Ces actes detestables sont mieux controles et severement reprimes depuis, ceux qui les tentent risquent tres gros. Faut sutout pas donner illusion aux parents…attention aux arnaqueurs.
Pourrons-nous lire un jour sur le fronton des écoles chinoises
» LIBERTE- EGALITE-FRATERNITE » ?
Au sujet du droit au travail, j’ai la chance d’avoir dans notre équite une secrétaire statistique qui a obtenu son doctorat de médecine mais il lui fallait donner 100.000 RMB ( près de 11.000 euros) pour pouvoir travailler dans un hopital de Harbin, province Heilongjuian. Bien sûr cela lui a été impossible. Elle a donc cherché un travail dans un autre domaine. J’ai eu la chance de la recruter il y a 3 ans, je ne le regrette pas, elle est une personne exceptionnelle.
C’est tout à fait déplorable pour cette jeune femme de ne pas trouver un poste correspondant à son niveau d’éducation. Mais je ne vois pas que ce sera l’université où elle est diplômée qui sera mise en cause.Car c’est sûrement un cas particulier et isolé.
Demander « Liberté – Égalité – Fraternité » sur les fronton des écoles chinoises est peut être un peu abusé… D’ailleurs la France elle aussi a ses propres maux… peut être que la Chine devrait se contenter de garder les siens en essayant d’arranger la situation plutôt que de venir chercher dans un système ou finalement seule la liberté existe encore!
不管黑猫白猫,能抓老鼠就是好猫 – 邓小平
On découvre parfois en bavardant avec un patron de resto chinois à Paris que ce dernier à un diplome de médecin ou d’ingénieur chimiste (j’en connais). C’est hélas un phénomène relativement courant dans les pays en voie de développement et la Chine possède encore beaucoup de traits de pays en voie de développement (ces phénomènes se produisent dans les pays industrialisés en cas de crise).
L’université elle-meme ou l’institut ne sont bien sûr pas directement responsables de la situation sociale de la Chine et encore moins les professeurs de ces instituts qui sont souvent des gens dévoués à leurs étudiants et compétents dans leur matière (ils sont parfois dramatiquement incompétents pédagogiquement).
Venons-en à LIBERTE-EGALITE-FRATERNITE:
LIBERTE:
la liberté de chaque chinois s’est considérablement accrue à la fin de la Révolution Culturelle. Elle est strictement encadrée. La liberté d’expression possible dans certains domaines est limitée par des tabous sévères : rôle du Parti, politique des minorités, statut de Taiwan etc…
La liberté d’association est quasi nulle.
L’accès à la connaissance et à l’information semble assez large mais est insidieusement limité. Censure omniprésente, documents d’informations réservés aux cadres (auxquels les étrangers n’ont pas accès et dont ils ne doivent même pas connaitre l’existence). Impossibilité de consulter en bibliothèque des ouvrages à intéret historique datant des époques pouvant poser problème. Quasi impossibilité d’accès à la presse étrangère. J’ai constaté la disparition presque complète dans les kiosques des revues chinoises scientifiques et littéraires (les rayons sont beaucoup plus fournis en France). Par contre, les vies bidons de milliardaires ou autres publications poussant à la consommation des 4×4 ou du luxe sont envahissantes. Les autorités ont très bien assimilé les méthodes d’abrutissement par la consommation et le clinquant.
EGALITE:
La Chine est devenue l’un des pays les plus inégalitaires au monde. En niveau de vie: voitures de luxe et villas rococo de milliardaires alors que l’on voit encore des lépreux mendier au centre de Kunming.En structure sociale: l’appartenance au Parti équivaut quasiment à l’appartenance à une noblesse. Ce n’est pas pour rien que l’on appelle les fils de haut cadres le « Parti des Princes ». Le phénomène avait d’ailleurs été dénoncé dès la chute de la Bande des Quatre par des analystes chinois qui avaient parlé de « féodalisme éclairé ». Ces analystes ont eu le loisir de réfléchir aux dangers de la perspicacité entre quatre murs pendant quelques années.
L’inégalité à l’accès de hautes fonctions pour la population (mobilité sociale): on manque cruellement de statistiques; Je serais curieux de pouvoir comparer les pourcentages d’accès des classes pauvres aux hautes fonctions dans les trois cas suivants:
– en République Populaire de Chine
– en France (il est connu que la situation s’est détériorée ces dernières années)
– dans la Chine Impériale (accès au mandarinat par les examens)
FRATERNITE:
On ne peut pas dire que la fraternité régnait à Zhongnanhai (siège du pouvoir) à l’époque de Mao. Ils se sont entretués dans des querelles de palais dignes de la fin de l’Empire Romain. Je pense que les Chinois sont reconnaissants envers Hua Guofeng, Deng Xiaoping et d’autres d’avoir remis sur pied des institutions stables (même si certains Chinois en critiquent le fonctionnement; c’est la vie normale d’un pays). Il n’y a probablement ni plus ni moins de fraternité qu’ailleurs.
Pour rappel, la devise « Liberté-Egalité-Fraternité » avait été violemment critiquée à l’époque de Mao comme devise bourgeoise. C’était ce que l’on appelait « une balle enrobée de sucre de la bourgeoisie ». En cas de crise sociale, une telle critique pourrait redevenir d’actualité dans la Chine de 2011.
Corruption, Inegalite et Absence de croyances, les trois maladies qui tuent.
On écrit « serpillière », madame le professeur …. de français!