Après son retour d’un séjour au Canada, un journaliste de l’AFP à Shanghai a été mis en quarantaine pour avoir voyagé à bord du même avion qu’un passager contaminé par le virus de la grippe porcine, dans un pays où les cas ont quadruplé en moins de deux semaines. Voici son récit.
« Trois jours après notre retour de Toronto, j’ai trouvé un papier accroché à la porte de notre domicile shanghaien: une ferme invitation à la quarantaine. Pour notre malheur, nous avions voyagé à quelques sièges d’un passager contaminé par le virus A(H1N1), dont tous les plus proches voisins devaient être mis en observation. A peine avions-nous franchi le seuil de notre porte que le téléphone sonnait. Un médecin nous expliquait que notre seul choix était le lieu où nous souhaitions effectuer notre quarantaine: à domicile ou à l’hôtel.
J’avais écrit de nombreuses dépêches sur ces infortunés voyageurs coincés une semaine dans un hôtel par les autorités chinoises accusées par des pays comme le Mexique ou le Canada d’excès de zèle, sans m’imaginer que nous partagerions leur sort. Surtout trois jours après notre retour à Shanghai, durant lesquels nous avions librement arpenté rues et magasins de la mégalopole, déjeuné au restaurant et, bien sûr, travaillé parmi nos collègues.
Une équipe de contrôle des maladies arriva chez nous: une femme médecin et une responsable de notre district, dûment équipées de masques et chaussons de protection. Pour endiguer le virus qui, aujourd’hui a contaminé 414 personnes en Chine, sans en tuer aucune. Nous furent sommés de signer des papiers selon lesquels nous devrions « assumer les conséquences » si nous nous aventurions dehors avant dimanche 16h00 – une semaine après l’atterrissage de notre vol – et contaminions qui que ce soit.
On nous fournit des thermomètres pour prendre notre température deux fois par jour et de la poudre de chlore à saupoudrer sur nos poubelles. La nourriture nous serait livrée. Le lendemain, mon épouse demandait par téléphone de l’eau, du pain et n’importe quelle nourriture un peu saine. « KFC? » (Kentucky Fried Chicken), lui demanda notre ange gardien chinois. Nous ne devions jamais la voir. Elle laisserait les courses devant la porte, appelerait, et nous n’ouvririons que lorsqu’elle aurait tourné les talons. Sauf que tenu dans l’ignorance de cet arrangement, au premier coup de fil, j’ouvrai rapidement, me trouvant nez à nez avec une femme, foudroyée par mon apparition.
Notre statut de parias fut confirmé le jour où j’offris au médecin des petits pains qui nous avaient été livrés. Elle les enfouit aussitôt dans un sac jaune frappé d’un symbole de danger biologique qu’elle aspergea de poudre de chlore, me faisant à moitié suffoquer. Les médecins qui défilaient chez nous avaient eux toujours un bon conseil: « Ouvrez les fenêtres », « Reposez-vous et mangez fruits et légumes »… « Portez des chaussettes », nous dit même l’un d’eux en montrant ses propres mi-bas en nylon.
A peine 24 heures avant notre libération programmée, ma température se prit de fantaisie et grimpa à 37,4 C. L’absence de chaussettes ? Dimanche matin, jour prévu de la libération, pareil. Pour finir un ultime médecin, considérant peut-être la température ambiante élevée (35 degrés à Shanghai) signa néanmoins la fin de notre quarantaine. Pas bien longue: quatre jours. Interminable pourtant ».