Parler de corruption serait malheureusement simpliste : les procédures de visa en Chine correspondent à un système bien légal, mais suffisamment obscur pour perdre les voyageurs les plus méthodiques. Aperçu des démarches privilégiées pour se rendre dans l’Empire du milieu.
Sur le site de l’ambassade de Chine en France, tout paraît simple. Selon le type de visa, les documents à fournir sont différents, mais les prix restent les mêmes, variant uniquement en fonction du nombre d’entrées. Nicolas voulait partir visiter Pékin une semaine. Après avoir contacté l’ambassade, il s’est rendu rue Washington, à Paris et a effectué les démarches administratives avec une étonnante facilité : « Sur le site Internet, ils mélangent tourisme et affaires ! En réalité, ils ne demandent même pas de lettre d’invitation. Une photo et le passeport suffisent. Ils sont très rapides … et efficaces. En un quart d’heure c’était réglé, j’ai payé 35 € et j’ai eu mon visa 10 jours plus tard. »
Mais les procédures deviennent infiniment plus complexes lorsqu’on veut rester sur le territoire pour affaires. Thomas est stagiaire. Son visa touriste est dépassé depuis 10 jours et Thomas s’inquiète : « Que va-t-il se passer si je veux passer la douane pour aller chercher un nouveau visa à Hong Kong ? Est-il possible d’envoyer mon passeport en France pour obtenir un nouveau visa ? »
Son cas est en effet préoccupant et il n’est malheureusement pas isolé. En Chine, les procédures de prolongation ou de changement de type de visa sont compliquées et nécessitent souvent de sortir du territoire. Leur lourdeur provoque des situations illégales … que les autorités sanctionnent d’une amende s’élevant jusqu’à 500 yuans (50 €) par jour de dépassement de visa !
Pour faciliter les démarches, de nombreuses agences spécialisées dans la gestion de ces procédures ont fleuri ces dernières années. Madame Zhang gère les dossiers visa d’une entreprise immobilière. « Il y a deux ans, mon patron a remarqué les difficultés que rencontraient ses clients étrangers pour transformer un visa L (tourisme) en un visa F (commerce) ». Ils ont donc décidé de proposer un service qui simplifie ces tâches administratives. L’entreprise a fait un dépôt de 2 millions de yuans au Bureau de sécurité chinois. Elle a depuis le pouvoir de se porter caution pour ses clients.
Le nœud de l’imbroglio administratif réside en effet dans le fait que l’acceptation d’un visa F dépend fondamentalement de la garantie d’un organisme économique. Selon Madame Zhang, à Pékin « seules les personnes employées par les 700 plus grandes entreprises peuvent l’obtenir« . Toute personne qui n’a pas cette chance doit passer par une agence, qui va se porter garante à la tête du client. Inutile de dire que le racisme ouvertement assumé à l’encontre des pays africains ou arabes rend largement plus difficile et plus onéreux l’obtention de visa pour ces ressortissants. Autre pratique douteuse, malgré le rejet de toute idée de corruption, madame Zhang avoue qu’ « une bonne relation avec le bureau de sécurité est indispensable » … Pour passer d’un visa L à un visa F multi-entrées, elle demande 3600 yuans…. Mais elle déclare ne pas pouvoir vivre de ce commerce car son entreprise ne traite que cinq demandes par semaine.
Emoo avait en revanche bâti toute sa réputation sur cette activité. Créée il y a deux ans par un Français basé à Shanghai, l’agence s’occupe de 150 dossiers par mois, dont 25 % de demandes françaises. Laurent en est le responsable. Selon lui, « les prévisions sont difficiles dans ce secteur, mais une forte croissance serait logique« . Pourtant, le 17 août, une loi est passée, interdisant aux agences de procéder dans la métropole… L’agence Emoo n’a pas baissé pavillon, mais elle est obligée désormais de passer par la ville de Shenzhen pour faire valider ses visas.
Ses prix ne sont donc plus extrêmement concurrentiels : 2 500 yuans pour un visa F multi-entrées, soient 1 000 yuans de plus qu’il y a deux mois ! « Nous n’officions qu’à Shanghai et nous manquons encore beaucoup de communication mais nous sommes malgré tout débordés ! » disait Laurent au début du mois d’août. Shanghai était prise d’assaut car elle était réputée plus laxiste que les autres villes pour la délivrance des visas. Désormais, la donne a changé et Laurent doit se reposer sur les formalités des résidents.
À la loterie administrative des pièces à joindre, le Bureau des visas de Pékin est, lui, connu pour être l’un des plus exigeants de Chine. Contacté quatre fois pour une interview et des informations pratiques, le bureau a demandé l’envoi de trois fax en une semaine, avant de déclarer qu’il était impossible d’avoir une quelconque information sans l’accord du ministre des affaires étrangères. Ce manque de transparence, nuisible à la compréhension, risque de faire encore longtemps le bonheur des agences, malgré la fluctuation des prix.
Encadré : Les principaux visasL = touriste : accessible depuis l’étranger pour 3 mois maximum et renouvelable deux fois un mois. Il peut être demandé à l’ambassade ou au consulat de Chine, voire en urgence à l’arrivée sur le sol chinois (moyennant un supplément). Il coûte 30 euros au moins.
F = business : accessible depuis l’étranger ou au bureau des visas de votre ville chinoise, il nécessite de nombreux documents parfois difficiles à se procurer (notamment une garantie signée par une grande entreprise sur le sol chinois). La conversion d’un visa L à un visa F peut être faite facilement par des entreprises privées pour environ 150 €. Il n’est valable que 6 mois la première fois, mais peut être ensuite renouvelé pour un an à compter de la date de votre dernière rentrée sur le territoire.
X = études : accessible depuis l’étranger ou au bureau des visas, il nécessite des documents fournis uniquement par les universités chinoises et nécessite votre inscription. Il est dès lors simple à obtenir mais ne laisse qu’une semaine de validité avant le début des cours et à leur issue
Z = professionnel : ce visa à long terme est très difficile à obtenir. Il nécessite d’être embauché par une entreprise reconnue et de rassembler de nombreux documents officiels.