Le très officiel Quotidien du Peuple a publié un éditorial intitulé « Vive l’Amérique ! », qui surfe sur la vague d' »indignation » mondiale pour critiquer des sénateurs américains « obtus, rétrogrades et réactionnaires » qui sont en train de voter une loi contre la dévaluation du yuan.

Vive l’Amérique… quel titre provocateur par les temps qui courent ! Je devrais me corriger et plutôt dire donc « Vive cette Amérique là ! ». Cette Amérique qui depuis quelques jours suscite dans le monde intérêt et soutien plutôt que celle qui, trop souvent depuis quelques années, suscite rejet et parfois même haine. Vous l’aurez deviné, je parle du mouvement « Occupy Wall Street », qui même s’il n’est encore qu’embryonnaire, qui même s’il semble s’être inspiré des mouvements des indignés en Europe, et qui même s’il est encore très souvent peu couvert voire traité avec mépris par certains médias américains (cela étant, rien que le fait d’en dire du mal fait qu’on en parle, et les participants de ce mouvement ne demandent pas mieux… regardez l’effet qu’à eu l’arrestation de quelques centaines de ces indignés leur a fait en termes de publicité gratuite !) a tout au moins le mérite d’exister.
Les revendications des indignés : un catalogue de la grande distribution
Et le fait qu’il ait débuté sur les lieux sacrés mêmes du capitalisme américain, de ce lieu mythique d’où sont plus ou moins parties les pires crises financières que le monde ait connu, lui donne encore plus de saveur. Quel que soit son résultat, c’est tout de même un fait réjouissant, à l’heure où on parle plus des Etats-Unis pour la loi scélérate que prépare le Sénat, et qui vise directement la Chine. Inutile de vous dire que je préfère nettement ces indignés américains, même si leur liste de revendications ressemble plus à un catalogue de la grande distribution où l’on trouve tout et n’importe quoi qu’à un ensemble de revendications sérieuses et structurées. Tout cela a un petit air d’auberge espagnole, certes, mais en tout cas cette auberge-là me donne bien plus envie d’y entrer et de m’y attabler que de faire la même chose à celle du Sénat.
Ces Américains, jeunes et moins jeunes, venant de tous les milieux, que les abus de la finance américaine a maltraités, me semblent infiniment plus sympathiques que ces sénateurs obtus, rétrogrades et réactionnaires, dont l’objectif semble plus de sauver leur siège en flattant les plus bas instincts de leurs électeurs qu’à sauver leur pays, dont out le monde sait qu’il est mal en point. Et en utilisant pour cela la technique éculée du bouc émissaire. « Après nous le déluge » serait une devise qui pourrait leur convenir parfaitement…
Nous voici donc avec deux images de l’Amérique, celle qui suscite la sympathie et l’intérêt du monde, et l’autre, celle d’un pays arrogant, menaçant et ne pensant qu’à ses intérêts, fût-ce au détriment de ceux des autres pays. D’ici quelques jours, il n’est pas sûr hélas que ce soit le côté attirant de ce pays qui l’emporte et fasse le plus parler de lui.
Nous risquons plutôt d’assister à nouveau au début d’une nième crise entre la Chine et les Etats-Unis, déclenchée par des égoïstes bornés qui ne pensent qu’à sauvegarder leurs petits intérêts à court terme, même s’il leur faut pour cela sanctionner injustement la Chine.
Le Japon: un allié docile
Sans compter que cette « loi » a peu de chances d’obtenir les résultats escomptés, tout au moins ceux affichés officiellement, et que ce genre de texte fait peu de cas des réalités économiques ni du passé. Mais c’est peut-être trop demander à ces sénateurs de vouloir en comprendre autant, et plus encore à quelques mois des élections présidentielles… tout cela a décidément un fort parfum électoral.
Tout le monde sait, il n’y a pas besoin d’être grand clerc pour ça, qu’à supposer que la Chine ne fabrique plus certains produits du fait du renchérissement du Yuan et de la hausse des salaires, ce n’est pas pour autant qu’ils seront de nouveau fabriqués aux Etats-Unis ; imagine t-on des ouvriers américains fabriquer des produits à faible valeur ajoutée pour un salaire de 300 Dollars par mois ? Je vous laisse imaginer la réponse…
Quant à ces produits, ils iront alors dans d’autres pays aux conditions salariales et monétaires plus favorables, comme le Vietnam ou le Mexique, par exemple. Les sénateurs américains se retourneront-ils alors vers le Dong et le Peso pour demander leur réévaluation ? Ce petit jeu ridicule risque alors de durer longtemps…
Voilà pour les réalités économiques. Quant à l’histoire, nombreux sont ceux qui se souviennent qu’en ce domaine, les Etats-Unis n’en sont pas à leur coup d’essai. En 1971 déjà, ils avaient contraint le Japon à réévaluer fortement le Yen pour les mêmes raisons. Cela n’a pas pour autant aidé les Etats-Unis à résoudre leurs problèmes et a porté un rude coup à l’économie japonaise d’alors.
Rêvons un peu
Espèrent-ils par hasard faire de même avec la Chine ? Le Japon est un allié docile, qui ose à peine élever la voix face aux Etats-Unis, et qui plus souvent qu’il ne le devrait, se plie aux quatre volontés de cet « encombrant » ami, au mépris de toute dignité et de toute fierté. Il serait bon que les Sénateurs américains n’oublient pas que la Chine est d’un tout autre calibre, et que le temps où elle mettait genou en terre devant l’Occident est bel et bien révolu…
Quant à ces « indignés » américains, qui se disent représenter les 99% de ceux qui n’ont rien contre le 1% qui a tout, malgré leur manque d’organisation, leur manque de demandes structurées, et le fait que leurs homologues européens n’ont pas obtenu de succès marquants, ils méritent toute notre considération, notre compréhension et notre soutien. Le seul fait qu’ils soient Américains les rend aussi nettement plus « médiatiques » au niveau mondial que d’autres.
Des Américains qui se révoltent publiquement contre les injustices, c’est suffisamment rare pour qu’on en parle, quoi qu’il advienne par la suite. Vont-ils déclencher une prise de conscience plus générale qui conduira un jour à la fin des abus de la finance à Wall Street ? Un Américain célèbre a dit un jour « I have a dream ». Je crains personnellement que dans cette lutte du pot de terre social contre le pot de fer financier, de David contre Goliath, ce ne soit pas le plus faible qui triomphe. Mais si jamais c’était le cas, alors oui, il y aurait de quoi crier « Vive l’Amérique ». Allez, on rêve un peu ?
Source: le Quotidien du Peuple en ligne
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